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Henri de Quatrebarbes, peintre de l’infini

Henri de Quatrebarbes, peintre de l’infini

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Mauvaise Nouvelle : votre peinture semble chercher à sonder la notion de frontière. Il y a cette façon de se situer entre le figuratif et l’abstrait bien sûr, il y a aussi cette ligne d’horizon à la présence obsessionnelle, et ce partage entre « la méditation et la confrontation ». La peinture est-elle question d’équilibre ou de quête d’une ligne de crête ? Vous sentez-vous funambule parfois ?

Henri de Quatrebarbes : L’horizon, la ligne sont effectivement très présents dans mon travail. Ils symbolisent pour moi le partage entre deux mondes et l’équilibre instable entre eux. Nous progressons tout au long du fil qui partage ces deux mondes et percevons qu’il y a quelque part quelque chose d’autre, au-delà, très proche, mais inatteignable.

MN : Votre œil est aimanté par la lumière. La fonction du peintre est-elle de se laisser traverser par cette lumière comme si il était un prisme et de l’éclater, la traduire en couleur ? Un tableau nous permet-il de voir la lumière à travers le prisme du peintre qui lui a permis de s’incarner ?

H4B : La lumière incarne pour moi l’espoir, comme l’éclairci au fond de l’horizon dans un ciel. C’est également pour moi une dynamique dans la couleur qui lui confère épaisseur et profondeur.

Bien souvent dans mon travail, horizon et lumière se côtoient, se juxtaposent, pour renforcer la notion de limite et l’impression qu’il se passe quelque chose par derrière le décor, comme un appel vers… je ne sais quoi…

MN : Vous est-il arrivé de vouloir peindre le vide ? Je m’explique. L’arrière-plan de vos peintures s’amuse à nous faire côtoyer l’infini, à ne plus arrêter notre regard, à nous incorporer. On ressent une espèce de vertige. Ce n’est donc pas spécialement le vide, mais plutôt l’immensément vide, la perte de vue ?

H4B : Le vide n’est pas vide, il est ciel et ce dernier est pour moi l’acteur principal de mes peintures. C’est à partir de lui que se fondent mes créations. Bien souvent mon travail commence par poser sur la totalité de la surface de la toile une multitude des formes colorées. Puis vient le travail de sélection, par effaçage ou recouvrement, pour augmenter peu à peu la part du ciel/vide. Cette part, dans une ultime étape, devient le sujet principal de la toile. C’est bien alors une sorte d’infini que j’essaie de représenter.

MN : Il y a donc l’immensité et les ruptures dans cette immensité. Il nous semble parfois qu’un combat a eu lieu et a laissé son empreinte. Des blocs, des masses, des falaises, des bateaux qui s’imposent et proposent une rupture vaine dans l’infini. Quels sentiments se confrontent ici ? L’homme se situe-t-il quelque part dans le tableau ?

H4B : Comme évoqué plus haut, les masses de couleur présentes occupent une partie de l’espace, mais elles sont à son service pour mettre en valeur ce qui représente pour moi le ciel, le vide, l’infini… Le dialogue entre ces deux univers me semble intéressant. Le défi est d’organiser une vibration entre ces deux mondes.

Certains jours, j’obtiens ce résultat très vite, quasi instantanément. A d’autres moments, je lutte pendant des jours pour trouver la bonne formule, parfois sans succès. Dans ces derniers cas, la seule solution consiste alors à brouiller complètement le jeu (la toile) pour décaler mon regard, me forcer à oublier le schéma de construction initial dans lequel je me suis enfermé, et réussir à porter un autre regard sur la toile. Souvent le fruit du hasard me fait alors entrevoir une nouvelle piste, et je m’efforce de la suivre, avec beaucoup de prudence. Le fil est en effet ténu et peut aisément se casser au moindre coup de pinceau maladroit.

MN : Inlassablement vous faites de la couleur une immensité, vous sondez, vous approfondissez. Est-ce un travail sans fin ? Etes-vous entré en art comme on entre en éternité ? Avez-vous vu votre œuvre évoluer dans le temps, avez-vous abandonné certaines pistes, découvert d’autres ? Etes-vous parfois tombé sur des impasses ?

H4B : Oui ce travail est bien une quête personnelle, un cheminement de pensée, qui évolue sans cesse. Je suis passé puis repassé par certains chemins, puis ai tenté de nouvelles disgressions, parfois réussies, parfois ratées. Mais de tout cela, il reste quelque chose d’invariant qui se retrouve sur mes décennies de peinture. Je retrouve toujours les traces de mes tentatives précédentes, même celles que j’ai décidé sur le moment de ne pas garder, je les retrouve subrepticement. Souvent, je les réintègre, mais différemment. Cela peut m’arriver 10 ou 20 ans plus tard…

MN : Il y a parfois des griffes sur vos tableaux. Comme l’intrusion du fugace dans l’immuable. Un frisson peut alors nous parcourir. Est-ce que le tableau vous apparaît trop achevé que les griffes s’imposent ? Sont-elles là dès le début, en projet ?

H4B : Bien vu : l’intrusion du fugace dans l’immuable. C’est le mouvement qui déplace les lignes, la vibration qui met l’ensemble en perspective. L’ensemble ne doit pas être trop propre, trop rectiligne, trop parfait, la vie est faite de ces petites rayures, biffures. Ces dernières sont réalisées in fine, mais sont indispensables et en ce sens sont conçues dès le départ. Le projet ne tient pas sans ces petits « accidents ».

Pour aller plus loin : https://www.h4b.fr/


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