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Notre-Dame reconstruite « plus belle » en show-case de l’art officiel contemporain

Notre-Dame reconstruite « plus belle » en show-case de l’art officiel contemporain

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1964 est la date de la réédition de la cuvette de Duchamp, la France a subie 55 ans de « ready-made washing » et « d'effet d'exposition » à ladite cuvette. Ainsi la restauration de Notre Dame, par définition à l'identique, n'est plus une évidence. C'est notre drame, la France est devenue le pays dont l'icône officielle est une cuvette. Comment en est-on arrivé là ? Le présent texte est une tentative d'explication dans une forme non cartésienne adaptée au sujet : la pensée analogique.

Comment un art qui est une absence d’art peut-il jouer un rôle d’art officiel ?

Pour une critique d’une absence on doit considérer la société comme un organisme qui a sa propre dynamique. De fait une société fonctionnant à l’instar d’un organisme existe dans la nature, citons la ruche. La situation humaine se rapprochant le plus du principe de la ruche est celle d'un orchestre en action. C’est une situation idéale d’harmonie entre dirigeant et dirigé. La question dans cette perspective est à quoi sert un art officiel dans le corps social ?

Le non art officiel s'impose en tant que référence commune.

Le non art officiel s'impose en tant que référence commune, il prend toute la place de l'art, celui-ci est devenu socialement invisible et affaire purement individuel, place qui doit rester en friche. L'art est ostracisé et privé de toute reconnaissance officielle. La visibilité sociale lui est interdite, il s’en suit l’absence de cote, soit d’un petit marché pour l’artiste et donc la mort sociale.  Ainsi le non art officiel agit par défaut, ne reste alors que le design qui est esthétisé et se pare de l'aura de l'art, design soutenu par l'intense glose autour du ready made dit cuvette de Duchamp relancée en 1965 et par l'importance médiatique du pop art. Ce qui en termes de marketing s’analyse comme un biais cognitif dit « effet d’exposition ». Ainsi un contexte social réduit canalise le besoin de beau vers la mode et le design. Le soft power du commerce s’intéresse aux territoires psychologiques et imaginaires avec autant d'intensité que le hard power militaire s'occupe des territoires géographiques.

Quand le non art devient l'art, quand les totems des uns deviennent les tabous des autres, la parole s'éteint, comme le démontre magnifiquement Yasmina Reza dans sa pièce ART, en effet il ne s'agit plus alors d'une confrontation des opinions à partir d'une réalité commune mais de la confrontation de psychologies de gens qui vivent dans des mondes parallèles. La société se fracture, perd son unité organique, et se recompose en sous-groupes sectaires parfois radicalisés. La profanation comble la place devenue vacante de l’échange.

Au cœur du marketing une pratique, « l'effet d'exposition » et un principe : « l'envie crée le besoin ».

L’angle abordé dans les textes publiés sur Mauvaise Nouvelle est principalement celui du marketing appliqué et non théorique. Ce n’est pas une science exacte. Le marketing a recours à la pensée analogique ou symbolique ou encore à l’association d’idée et d’image. Le principe en est que tout mouvement d’opinions ou de valeurs se double de création de nouveaux désirs et donc de nouveaux flux d’argent. Le désir est au fond production d’énergie corporelle qui va se décharger et se cristalliser en un acte de consommation, cela d’autant plus que le contexte aura été appauvri en possibilités d’actions. Le désir est au fond un acte en train de s'accomplir dans un temps long ou court. On comprend mieux si on remplace le mot désir par celui d’excitation. Les américains disent d’un produit qu’il est sexy ou pas. Un autre circuit est que toute dépression ou frustration donne lieu à ce que les psychologues appellent compensation. Un publicitaire me confiait « la publicité a pour but d’organiser et gérer la frustration ». Le résultat sera aussi un acte de consommation le plus souvent.

Un produit peut être « glamourisé », esthétisé, soit rendu désirable, mais peut être aussi une idée de soi, un égo, une conception, un code comportemental. Le marché roi s’occupe de tous les besoins essentiels anthropologiques qu’il tend à privatiser. A cet égard un exemple emblématique de « washing », soit de rapport entre le symbolique, une situation réelle qui devait en effet évoluer, et un flux d’argent, est entièrement dit et contenu avec l’exemple incontournable des « torches de la liberté » ainsi qu’a qualifié les cigarettes E Bernay. Aussi dans les théâtres et les lieux publics des gens se levaient pour dire « au nom de quoi on interdirait les femmes de fumer dans les lieux publics ? » ce qui était le cas. C’est parfaitement légitime d’un côté, d’un côté seulement. La cigarette est devenue le symbole de l’émancipation des femmes qui se sont mises à manifester en fumant comme les hommes. Il aurait mieux valu qu’elles en choisissent un autre. Ces personnes « biens intentionnées » étaient évidemment subventionnées par le cigarettier employeur de E Bernay.

Quand le populisme rejoint l’élitisme.

Ce qu’on reproche le plus à un art officiel au fond c’est de nous formater, c'est cela qui le caractérise en dernière analyse. C’est tellement vexant que le reproche est quasi inconscient. De fait il se donne tellement de mal qu’il finit par y parvenir à l’usure. A cet égard une conversation réelle et archétypale en même temps, à propos du monochrome bleu de Klein, est rapportée en partie ci-dessous :

« Tu trouves que c'est de l'art, pour moi non »
Suit le fameux : « Mon fils pourrait en faire autant »
Puis, après quelques instants : « Je n'y connais rien, je sais pas »

Le premier mouvement est de penser que non, ce n'est pas de l'art mais puisque la société dit que oui, le doute s'installe aussitôt. Tout concourt à ce que le doute s'installe, la télévision qui est en tant que superstructure de référence commune est une des suites de l'art officiel, notamment la publicité de par son esthétique froide et minimaliste. Les historiens dit d'art, qui sont des historiens des ruptures manifestes, bien plus que des tableaux eux-mêmes parachèvent l’œuvre de persuasion. La vraie histoire est celle des tableaux dans leur matérialité et des courants dont devraient être conservées les formes les plus abouties.

De ce fait la personne a intériorisé un sentiment d'infériorité sans s'en rendre compte, elle se sent « has been » bien que cultivée. Cela d'autant qu'il est plus confortable de se dire que c'est soi qui a un léger problème finalement restreint à la question de l'art actuel plutôt que la société dans son ensemble, idée insoutenable. C'est typiquement un processus de domination selon la définition de la « violence symbolique » de Pierre Bourdieu.

Il n'en reste pas moins que chacun est libre, en retirant « monochrome » et « Klein » de la proposition, de penser qu'un panneau monocolore bleu est de l'art en soi et non officiellement de l'art, bleu aussi « vibrant » que possible si l'on veut. C'est aussi l'opportunité de méditer sur le double sens de « en soi ».

Le mépris de classe oligarchique.

L'art autoproclamé contemporain est bien du mépris de classe d'un nouveau genre, pire que tout ce qu’on a connu, comme on a tous les leviers, on est les maître de la valeur et on peut transformer de la m… d'artiste en or (cf. Piero Manzoni) et réciproquement de l'or d'artiste en m… évidemment le mépris de classe est un accessoire indispensable vis à vis de ceux qui ne sont plus des artistes du seul fait du prince, c'est plus qu'un accessoire, c'est une clef de voûte de ce drôle de jeu de rôle, tout se passe dans cette surface transactionnelle (cf. analyse transactionnelle), pour que le non-art soit l'art, il faut que l'art soit le non-art.

Le « prince » est aujourd'hui un commerçant, l'art officiel est donc à son image et sert ses intérêts, il imprime sa marque, il a aujourd'hui les moyens pour se payer l'art (médias, salles de ventes, influenceurs subventionnés ou en espérance de subventions, etc.) C'est psychologiquement et socialement logique, c’est psychosociologique.


L’art contemporain est un art officiel
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Petit essai sur l’art autoproclamé contemporain et officiel #5
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