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Patrice Giorda, la radicalité de la lumière

Patrice Giorda, la radicalité de la lumière

Par  
Propos recueillis par Maximilien Friche

Rencontre avec Patrice Giorda à son atelier

Ayant eu l’œil harponné par la lumière de certains tableaux, MN a décidé de rencontrer le peintre Patrice Giorda. Il y a toujours un jeu de démultiplications des questionnements lorsque l’on essaye de comprendre une peinture, jeu qui nous place en situation de contempler, jeu qui met notre âme en volonté de se relier à ce qu’elle ne voit pas. Alors ne passons pas à côté  !

 

Cette lumière qui vient de loin

Ce qui frappe au premier plan dans les peintures de Patrice Giorda, ce sont les forts contrastes, les ombres imposées à une partie du tableau pour la mise en lumière d’autres. Un deuxième aspect saisissant est le choix de couleurs vives, franches, opposées. Entre ombres et lumières, Patrice Giorda fait jaillir les couleurs avec une radicalité inouïe. « C’est une opposition que j’ai en moi. » souligne-t-il. Faire jaillir les couleurs depuis une obscurité qui ne parvient pas vraiment à les retenir est une nécessité pour le peintre. Une nécessité qui s’est imposée dès les beaux-arts et avant qu’il ne trouve une correspondance à ce cri intérieur dans les paysage du Portugal ou la lumière de la Méditerranée où il a pu vivre. Aujourd’hui à Lyon, il se nourrit de certains thèmes de la ville comme la place Bellecour ou Fourvières… mais reste habité par une lumière plus radicale que celle que la ville offre. « La lumière de Lyon est toujours un peu blanche, elle crée un voile sur les couleurs, les fond ensemble, la ville et ses monts du Lyonnais semblent pris dans un bain de vapeur tiède. Cela se situe à l’opposée de la lumière typique du sud, cette lumière qui saisit les formes, les extrait. » Cette lumière qui habite Patrice Giorda était en lui avant même qu’il la rencontre au gré de ces lieux de vie au Portugal et en Toscane.

 

Le lieu de la méditation

« J’essaye de positionner les couleurs et les masses dans l’espace pour créer le lieu de la méditation et de la contemplation, j’essaye de rendre possible ce lieu. » Voilà qui pourrait résumer magnifiquement ce qui anime tout artiste et voilà ce à quoi Patrice Giorda œuvre, créer un lieu. A la question taquine de MN qui sous-entend que toute troisième dimension n’est qu’un leurre, Patrice Giorda va répondre et profiter pour préciser l’objet même de son travail. Tout est mis à plat en peinture certes, mais « La troisième dimension est un leurre si on a l’intention de tromper, si on cherche la fascination d’un trompe l’œil. En revanche si on organise par la couleur et les formes un espace où on peut méditer, s’installer, bien qu’il y ait illusion, on n’est pas trompé. Il y a alors effectivement complicité entre l’artiste et le spectateur dans le but commun de se mettre en contemplation. » Contempler, c'est se mettre en situation d’accéder à la beauté et donc à une partie de la Vérité, sans avoir recours à l’intelligence, au raisonnement. Patrice Giorda, s’il use de contrastes, joue aussi avec les formes pour créer un équilibre entre masses claires et masses foncées.

 



Les peintres en héritage

« Je me sens en continuité avec la peinture de Giotto à Cézanne. » Patrice Giorda a conscience de se situer dans une histoire, d’être un maillon, et à ce titre d’avoir une certaine responsabilité. En art, il n’y a pas d’évolution, de progrès, néanmoins, il y a transmission : on hérite et on transmet. Cette filiation permet de mettre le lien au cœur de tout art. « En matière d’art, il n’y a pas d’avant, pas d’après, il y a une réappropriation subjective et contemporaine d’une sorte d’universalité. »

Aujourd’hui, tout travail sur une forme devient rare. Le concept, l’intellectualisation d’une certaine subversion ont fait passer au second plan « le corps à corps nécessaire entre l’artiste et la matière. » L’art naît de l’incarnation et donc d’un travail plus ou moins physique. Pour Patrice Giorda, le sens est donné par la forme qui essaye de « faire du silence avec ce qui est représenté. » On ne sait pas comment ça agit, on est alors coupé du monde, on entre dans un espace de solutions, de possibles. De quoi interroger le rapport au réel de l’artiste, les couleurs et la matière ont pris une telle importance que l’on peut se demander : à quoi bon le réel ? Comme nombreux artistes et surtout nombreux amateurs et critiques le firent. « Je n’ai jamais fait que répéter mon histoire, je rabâche les mêmes thèmes, comme le pensionnat, les salles de classe… » Il les rabâche. Les peintures partent du réel, une réalité, un sujet d’accroche, il y a, après seulement, un travail sur la couleur, la simplification des masses, l’exagération des contrastes. « Les tableaux portent en eux le regard sur la réalité. La réalité est une mémoire qui ne disparaît jamais complètement. » Cela crée une respiration quand on est happé, cela permet un va-et-vient entre l’ici-bas et la transcendance suggérée par l’art lui-même.

 

Photo l'infante bleue

 

Poésie/narration

Si on se voulait analytique, on classerait les tableaux de Patrice Giorda en deux catégories. Nous trouvons des tableaux que l’on pourrait qualifier de narratifs et d’autres de radicalement poétiques. Certains relèvent effectivement de la fulgurance, comme si une réalité s’était imprimée, avait été saisie à un moment précis, « extraite avec une part de violence » et qui donne un rendu pictural qui évoque la poésie. « Quand j’étais au Portugal, la couleur emporte tout et donne l’impression d’une vision, d’un ciel en fusion. » Ses yeux brillent et engendrent le mouvement du pinceau.

 

 

D’autres tableaux comme les natures mortes sont davantage mis en scène, comme si c’était le talent de narrateur qui prenait le pas sur celui de poète. « Ce sont des choses que je n’ai jamais vues ». Patrice Giorda a conscience qu’il ne s’agit pas de la même nature de travail. Le positionnement des objets sur la toile démultiplie les questionnements sur l’avant, sur l’après, le lieu, l’auteur, et tout ceci accroche l’imagination et trame l’amorce d’un récit.

 

 

L’intuition religieuse

Quand on compulse les différents tableaux de Patrice Giorda, on ne peut pas ne pas remarquer une certaine présence mystique, des thèmes religieux reviennent. Ce sont des évocations, des tableaux où les personnages ou les objets semblent faire « à la manière » de… Pourtant le peintre affirme ne pas avoir de foi religieuse. Les mystères se doivent d’être épais. Le peintre tente une explication : « La peinture religieuse est une part importante de l’histoire de la peinture, là aussi il y a une filiation picturale. » Il y a ce tableau où le peintre place trois tentes les unes à côté des autres, qui ne peut s’appeler que « transfiguration », c’est impossible autrement. Il dit ça avec une certaine évidence. Quand il voit les trois mats de Fourvières où chaque année le diocèse inscrivait pour les fêtes de la lumière « sainte Marie mère de Dieu », il ne peut que se mettre à peindre un Golgotha. Pourtant, non, il n’est pas chrétien, mais il concède que seuls les symboles catholiques portent en eux cette force capable de transcender la matière, les objets. « Les mystères chrétiens interrogent. » L’art ne peut réellement se défaire d’une quête, d’un désir de se relier à ce qui ne se voit pas. Si cette quête n’est pas là, alors ce n’est pas sûr que ce soit de l’art, … « Dès les beaux-arts, quelque chose criait dans ma peinture, par nécessité existentielle. (…) tout ça est un prétexte à faire naître la lumière que j’ai en moi »

 

 


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