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Sébastien Arcouet et Lionel Borla révèlent Marseille

Sébastien Arcouet et Lionel Borla révèlent Marseille

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Propos recueillis par Maximilien Friche

Sébastien Arcouet et Lionel Borla s’unissent pour nous révéler Marseille

Les deux artistes marseillais, Sébastien Arcouet et Lionel Borla, se sont réunis pour un projet commun autour de Marseille, Carnet Marseillais. La sortie est prévue en septembre. Nous y retrouverons 111 gouaches créées par Sébastien Arcouet et les textes écrits par Lionel Borla.

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Mauvaise Nouvelle : Tout d’abord j’aimerais savoir comment vous vous connaissez, vous deux, deux peintres, ce qui vous rapproche et qu’est-ce qui vous a décidé de faire quelque chose ensemble ? Comment s’établissent les correspondances entre deux artistes ?

Lionel Borla : Nous nous connaissons depuis trois ans, dès que la Galerie 1809 - dont Sébastien est l’un des 3 fondateurs - fut créée. Depuis, les différentes expositions via cette galerie, a fait naître un lien entre nous, puis une amitié. L’écho de sensibilité est une forme de beauté. Cet écho existait et il s’est pleinement vérifié depuis cette collaboration pour ce Carnet marseillais.

Sébastien Arcouet : Depuis début janvier 2020, j’ai débuté ces œuvres sur la ville de Marseille. Ce projet pictural s’articule autour de portraits et paysages peints à la gouache. Je me permets d'aborder les gens pour leur demander si je peux les peindre car au moment où je les croise, que je croise ou pas leur regard, c'est le moment de le faire. Cela peut paraitre plus simple avec un paysage et pourtant pour moi, ça ne l'est pas. Cette nature et ses décors m'ont peut être toujours trop impressionnés, ou je ne me sentais pas prêt, pas au niveau. Bien souvent on ne voit pas les gens et les paysages. Ce projet pictural me permet de prendre le temps de me poser, d'expliquer aux gens l'importance pour moi de capturer ces instants, leurs instants parce que je les trouve beaux, simples. Peindre les gens et les paysages en essayant l'espace d'un instant d'arrêter le temps pour peut-être accepter de se dire qu'on va quelque fois trop vite et qu'il est bon de savoir ralentir, regarder et voir, les paysages et les gens. Avec le confinement, mes gouaches ont pris une autre tournure. J’ai ressenti le besoin de peindre les paysages seuls, comme si la nature avait dit « poussez-vous, je pose ! ».

Lionel : Dès que j’ai vu ces gouaches j’ai senti l’élan qui est un élément fondamental dans la création qui est battement, ressenti, pulsation. J’ai alors proposé à Sébastien d’écrire un texte sur l’une de ses œuvres. C’était la gouache sur le quartier Belsunce. Sébastien a été en écho avec mon texte. Depuis, nous travaillons au même rythme. Les allers-retours entre images et textes se font en symbiose et dans un réel élan commun. Nous nous donnons très rapidement nos impressions mutuelles et construisons ainsi cet ouvrage avec un plaisir similaire et partagé. Chaque semaine nous avons des rendez-vous téléphoniques et en visio-conférence grâce aux outils numériques qui nous sont si précieux dans cette période si singulière du confinement. Nous pourrions dire que nous sommes deux artistes à concevoir cet ouvrage « comm’UN. » Nous nous qualifions d’« art-penteurs » partis non pas en voyage au bout du monde, mais partis en voyage dans notre ville de résidence, dans cette ville de Marseille ou nous vivons depuis plus de 25 ans. Nous sommes natifs du sud-ouest et du sud-est : Pessac pour Sébastien en 1976 et Menton pour Lionel en 1974. M comme Marseille ! AIME comme Marseille ! Nous nous sommes attachés à cette ville si singulière, si contrastée que l’idée d’en donner notre vision commune et unie dans l’élan créatif nous parait être devenue une évidence voire un besoin pour apporter un regard de plus sur la cité phocéenne. Celle-ci s’est ouverte au tourisme plus fortement depuis qu’elle a été capitale européenne de la culture en 2013 et qu’elle possède un musée national délocalisé de la capitale depuis cette même année : le désormais célèbre MuCEM de l‘architecte Rudy Ricciotti qui est devenu une icône architecturale comme la « Bonne Mère » qui continue de veiller sur la cité.

MN : vous avez donc décidé de réaliser un livre. Par définition le livre est destiné à être multiplié et diffusé, contrairement à une peinture qui est unique. Le travail pictural est-il différent ? Un livre implique nécessairement de l’écrit, il se rapproche ainsi du catalogue. Comment s’articule écriture et peinture ? Quel art arrive en premier ? Qui est au service de l’autre ?

Sébastien : le point de départ pour moi, ce sont les gouaches sur ce thème de Marseille, beaucoup de paysages vides de gens mais aussi certainement des marseillais dans quelques gouaches parce que Marseille sans les Marseillais, ce n’est pas Marseille. J’aime me dire quand j’ai un projet pictural qui va me guider sur plusieurs mois que je concrétise ce travail par un livre car le livre reste, alors que les peintures peuvent être vendues. J’aime l’objet, j’aime de temps en temps le parcourir pour me rappeler que j’ai fait ces dessins ou ces peintures, et bizarrement quand je regarde un livre avec mes dessins, je le regarde aussi avec un regard de spectateur, comme si ce n’était pas moi qui l’avais fait, peut-être simplement parce que cela ne m’appartient plus. Pour ce Carnet marseillais, avec Lionel, nous créons comme si nous ne faisions qu’un ; nous communiquons facilement et nous savons tous les deux à quoi doit ressembler ce livre. Le fait qu’un livre réunisse mes gouaches et les textes de Lionel ne change en rien le travail pictural.

Lionel : Nous avons imaginé assez rapidement l’architecture de ce livre. André Suarès, l’immense auteur marseillais, employait déjà à juste titre au début du XXème siècle ce terme « d’architecture » en parlant de l’élaboration et la construction d’un ouvrage. Ainsi, ce  carnet marseillais » sera composé de 111 gouaches, nombre qui fait référence aux 111 quartiers qui composent administrativement Marseille depuis 1948. Parfois c’est le texte qui nait avant la gouache et inversement. Il n’y a pas de règles sur ce point précis, c’est toujours l’élan qui nous guide. Comme disent les Italiens : « col fiato » avec le souffle. Tel un fort mistral, notre élan créatif commun. Pour l’articulation peinture-écriture de l’ouvrage, cela se traduira par un texte sur la page de gauche et une gouache sur celle de droite : écho ! Parfois, face au texte de la page, trois gouaches seront présentées. Par ailleurs, les mots sont pour moi aussi importants que les images même si je suis avant tout comme Sébastien, artiste peintre. Depuis mon diplôme d’architecte obtenu en 1998, je me consacre pleinement à la peinture (essentiellement sur papier), à l’écriture de poèmes et à la photographie et dessins numériques. L’envie d’écrire est très forte depuis plus de 10 ans. J’écris parfois des articles pour votre Webzine à ma plus grande joie où j’y présente aussi une œuvre graphique ou photographie en écho à un poème de mon ami Jean-Edouard Colleter.

MN : Evoquons la troisième personne de votre duo, à savoir Marseille, personnage principal de votre livre. Comment la ville devient-elle justement sujet, personnage ? Qu’est ce qui fait d’elle cet aimant qui fascine les gens et tout particulièrement les peintres ? Comment ont été réalisées les gouaches : d’un seul coup, sur plusieurs mois ? A quel moment s’est imposée l’idée du livre ?

Sébastien : Une ville est, au fil du temps et des événements, un réel organisme vivant qui se développe. Ces couches de sédimentation sociale, architecturale, urbaine et paysagères, construisent la ville. Marseille est donc ce matériau premier que nous deux, bâtisseurs de cet ouvrage, prenons pour édifier ce Carnet marseillais. Un mot pourrait résumer la cité phocéenne : contrastes. Cette ville est à nos yeux le plus gros village de France, du fait de ses 111 quartiers si contrastés. Des calanques à l’Estaque, pas de banlieues, mais des disparités très fortes, un hyper-centre paupérisé, des plages en plein centre-ville, des collines où l’habitat serait presque celui de la campagne à la ville. Bref, de quoi être inspirés ! Et un grand enthousiasme à proposer notre vision de cette ville rebelle, aux personnages aux caractères bien trempés et au verbe haut. Le pittoresque aura sa place dans notre ouvrage comme la présentation de lieux ou architectures plus confidentiels. Comme nous l’avons dit plus haut, ce travail a débuté en janvier 2020 pour la création des gouaches et depuis mars 2020 pour les premiers textes. A ce jour, la moitié de cet ouvrage est construit et ce travail se poursuit donc avec un même élan et rythme créatif. Le fait de réaliser ces peintures chaque jour permet d’être en phase avec notre actualité. Les premières gouaches ont été peintes avant le confinement. Les gouaches pendant le confinement sont importantes car la nature explose, la ville se révèle. La ville se réveillera après le confinement et elles auront une autre atmosphère.

Nous pensons achever ce livre d’ici l’été et le présenter à la rentrée prochaine.

MN : comment écrit-on quand on est un peintre ? Vos silhouettes que l’on retrouve dans votre peinture ont toujours tissé un lien entre peinture et écriture. Les tableaux quant à eux ont toujours été poésie. Aujourd’hui vous tenez la plume pour écrire simplement. Quel lien faites-vous avec votre art, comment fonctionne l’inspiration et la réalisation de vos textes ?

Lionel : Je citerais le grand marchand d’art Daniel-Henry Kahnweiler : « la peinture est une écriture ». Depuis toujours, les mots accompagnent mes images. Créer c’est composer, c’est une mise en rythme. Ceci est transversal aux différentes formes d’art à mes yeux. Tout est narration. Une image, un texte, une musique, une danse etc. Je peins comme Sébastien très souvent sur papier. Cette matière commune aux écrivains et artistes peintres renforce ce lien entre ces deux domaines. Si ce Carnet marseillais obtient un accueil positif du public, je pense que l’écriture aura une place plus présente dans ma vie dans un avenir proche et, Sébastien et moi-même seront sûrement encore dans l’élan de la création d’un autre carnet sur d’autres villes qui nous inspirent.


Lionel Borla, peintre d’un monde relié
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L’encyclopédie selon Lionel Borla (1/2)
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L’encyclopédie selon Lionel Borla (2/2)
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