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David Atria, addict du vertige

David Atria, addict du vertige

Par  
Propos recueillis par Maximilien Friche

David Atria est un compositeur de musique dont le savoir-faire englobe aussi bien la tradition classique que les musiques actuelles. 

Mauvaise Nouvelle : J'ai découvert votre musique en décidant d'en prendre le temps. Et c'est par ce point que j'aimerais commencer. Votre musique est le contraire d'un morceau, c'est un tout. Je n'ai pas l'impression d'y rentrer par un début, ou d'en sortir par la fin, je suis dedans tout le temps. Et, il me faut du temps avant de pouvoir m'extraire discrètement et tenter de comprendre… David, quelle est votre rapport au temps, comment votre musique s’accommode-t-elle (ou se débarrasse-t-elle) de la nécessité de commencer et de finir ?

David Atria : Je vais répondre à votre question… en deux temps… Il y a le temps extérieur ; il y a le temps intérieur. Bien sûr l'idéal serait de ne pas créer d'opposition. Mon rapport au temps a commencé par une question pressante qui remonte à mon adolescence où j'ai ressenti puissamment que le temps sociétal, le temps de la montre et du calendrier n'était pas réellement compatible avec ma propre pulsation vitale. Une pulsation organique, mouvante, désirante. Parfois mon cerveau m'ouvrait des abîmes où je me noyais ; parfois je découvrais des lueurs indescriptibles sans trahir quelque chose. Et pourquoi pas tenter de dire l'expérience par le son ? J'écrivais, je composais, je peignais. Vivant de peu, observant tout. Cherchant à lire ce monde en moi, hors de moi. Qui suis-je ? Où suis-je ?

Quelques années plus tard, j'ai commencé à faire taire mes pensées par nécessité – fruit d'une rencontre avec une australienne qui vivait alors dans un Ashram indien. Je me suis passionné pour la présence silencieuse, autant que pour les rapports de sons. Le disque « Continuum Présence » est le fruit de cette recherche active. Il y avait donc possibilité pour moi de vivre dans des temporalités multiples… Mais, comment ne pas perdre ce rapport organique ? Je continue de me rendre fantastiquement disponible à la musique, n'ayant jamais trouvé mieux à faire. Centré sur la nécessité impérieuse de la musique, et décentré parfois par certaines charges quotidiennes…

« Continuum Présence » et « Via Tertia » existent dans un rapport au temps similaire, quoiqu’esthétiquement différent. Il s'agissait pour moi de dire autre chose que la pure distraction musicale. Je voulais « me voyager » et faire voyager, éventuellement.

Je ne cherche plus à commencer ou à finir, pour vous répondre. Passant mon existence à noter tout ce qui traverse mon cerveau ou mes doigts de musicien. C'est une ascèse quotidienne, joyeuse, intuitive et spontanée. Je vous remercie pour votre écoute Maximilien. Ecoute rare et donc précieuse. Aujourd'hui qui a le temps ? D'écouter, de lire, d'aimer, de flâner, de contempler…

Je cherche parfois le temps circulaire et parfois le temps linéaire. Parfois je suis une flèche et parfois un cercle. Agençant des notes, je suis temporairement ce lieu dans l'espace où la musique résonne en permanence, bien à l'écart du vacarme ambiant. Techniquement, il faut bien débuter, et arrêter le geste. Mais le mouvement demeure et, c'est si beau, et si mystérieux d'écrire de la musique, Maximilien. Cela fait dix années que je ne crains plus de m'arrêter en cours d'écriture, je reprends plus tard, et ça continue de fluer. Certains artistes vivent dans des mondes parallèles.

De plus, il faut l'écrire : Je ne crois pas à la supercherie de l'organisation sociétale. Le temps de l'art est fondamental en ce sens qu'il nous reconnecte à notre singularité ; dans un rapport quasi cosmique, d'interrogation incessante ; l'art questionne nos certitudes et il suffit de lâcher prise un instant pour se découvrir tout autre que ce qu'on croit être… Ce vertige me plaît, j'y suis même addict. Je suis resté curieux de l'art des autres, de l'ample tradition comme des multiples propositions contemporaines.

Le temps de la vie intérieure n'est pas le temps de la vie extérieure. Le temps de la vie intérieure est si menacé ! Le livret de « Continuum Présence » évoque ce rapport intime, intimiste. Il y a des dons gratuits qui ne demandent qu'un peu d'attention pour prendre vie et exister.


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