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Du théâtre libre d’Antoine au cinéma du « réalisme poétique » d’Antoine

Du théâtre libre d’Antoine au cinéma du « réalisme poétique » d’Antoine

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« Antoine ! Le plus grand homme de théâtre que nous ayons connu. Il a bouleversé l'art de la mise en scène. Il n'a pas rompu avec les traditions, mais il a balayé toutes les conventions absurdes qui fleurissaient vers 1890. Et il a tracé une voie nouvelle à travers les ruelles et les faubourgs pour rejoindre précisément la grande tradition du XVIIème siècle. »
Sacha Guitry, Ceux de chez nous, 1915. (Film édité en DVD)

 

S’il est encore d’usage de parler du Théâtre (-libre) Antoine, il semble malheureux que le réalisateur André-Paul Antoine, lui, soit tombé dans l’oubli. Pourtant il fut l’un des cinéastes les plus avant-gardistes de son temps.

C'est en 1914 – après avoir démissionné, et après un bref séjour en Turquie – qu'il se consacre au cinéma.
Avant son départ pour la Turquie, Antoine avait déjà pris part à Vincennes à la réalisation de quelques scènes de Quatre-vingt-treize, le film qu'il signera avec Albert Capellani en 1921. Il s'agit d'une importante production de la S.C.A.G.L. (Société Cinématographique des Auteurs et Gens de Lettres), une société liée à Pathé et dirigée par deux auteurs amis d'Antoine : Pierre Decourcelles et Eugène Gugenheim. C'est la SCAGL qui produira presque tous les films d'Antoine, sous la direction artistique d'Albert Capellani, qui, à son tour, paraît subir l'influence du Théâtre Libre d'Antoine, ainsi qu'on peut le remarquer dans les Misérables (1912). Les principaux réalisateurs et acteurs de la SCAGL participent aux films d'Antoine : Georges Denola et Henri Desfontaines en tant que collaborateurs, A. Numès et Henry Krauss en tant qu'interprètes ; et même les films réalisés par Krauss sont marqués par les théories d'Antoine (le Chemineau, 1915). Au théâtre comme au cinéma, il est un formidable découvreur de talent : c'est avec lui qu'ont fait leurs débuts Julien Duvivier et Maurice Tourneur. Plus que les films qu'il a réalisés, ce sont peut-être ses théories qui ont marqué les réalisateurs de la SCAGL et le cinéma réaliste à venir (Stroheim, Renoir, le « réalisme poétique » français, le néoréalisme italien). En rupture totale avec les habitudes cinématographiques d’alors, il entraine ses interprètes hors des studios. Attentif aux paysages réels et à la culture des régions choisies, il les met en contact direct avec la nature : la Corse ; la Provence, la Bretagne ou la Beauce,  ou encore avec les rues et les faubourgs peu connus de Paris, ou les fait jouer au bord des canaux du Nord. Ainsi tourne-t-il en Belgique un petit chef d’œuvre en 1920, L'Hirondelle et la mésange, refusé pourtant par Pathé (1). Là encore, il adopte les principes du naturalisme en donnant de l'importance au décor naturel, comme « éléments d’un réel déterminant les comportements de ses protagonistes », et en recourant à des acteurs non professionnels qui ne sont pas « ligotés dans les anciennes formules de théâtre ». Pour Jean Tulard, son approche littéraire et sa réputation participent à « donner au cinéma ses lettres de noblesse ». Influençant Mercanton, Hervil et Capellani, il est « un peu le père du néoréalisme ».

Le renouveau de la mise en scène qu'il a initié et qui domine alors la scène française se poursuit sans lui, Jacques Copeau et le Cartel des Quatre (Charles Dullin, Louis Jouvet, Gaston Baty et Georges Pitoëff), se plaçant dans un courant modernisateur également, mais « antinaturaliste ».

Trop en avance pour son époque, incompris et déçu, Antoine se retire (2). Il conclut sa carrière comme critique de théâtre et de cinéma à partir de 1919 et pendant vingt ans, hebdomadairement dans L'Information, plus sporadiquement dans Le Journal, Comœdia et Le Monde illustré, et publie ses souvenirs : le Théâtre 1932-1933

Réalisations :


Notes :

(1).le film ressortira en 1983 grâce aux travaux de montage des rushes d’Henri Colpi.

(2). Il tournera tout de même un dernier documentaire sorti en 1930 :
Chez les mangeurs d’hommes reportage d’exploration Tourné aux Nouvelles-Hebrides en 1927-1928

(3) Le dvd du film La Terre est disponible.

Sources :
Dictionnaire du cinéma. Jean-Loup Passex. Ed Larousse
Dictionnaire du cinéma français des années vingt, 2001
1895, n°33
André Antoine, "Propos sur le cinématographe", cité par D. Banda et J. Moure in Le cinéma : naissance d'un art. 1895-1920, Paris, Flammarion, Champs, 2008,
Ruquier, heureux propriétaire du théâtre Antoine dans Le Figaro du 1er août 2011.


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