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Goldman, un enfoiré dur à déniaiser

Goldman, un enfoiré dur à déniaiser

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Mourir pour des idées, l’idée est épatante, Goldman aurait du mourir que de l’avoir trop eue… Le jour où j’ai appris que Goldman détestait cette fameuse chanson de Brassens, « mourir pour des idées », j’ai compris que je pouvais en vouloir à la bêtise. J’ai compris que la niaiserie pouvait être coupable et dangereuse. Si la personnalité préférée des Français mobilise l’attention de gloseurs de l’actualité, c’est à cause de la chanson qu’il a fabriquée pour les Enfoirés, cette bande de joyeux rentiers de la variétoche cultivant la bonne conscience comme on place son argent en banque, dans le sillage de leurs aînés et du comique à la salopette.

Cette chanson s’intitule : "Toute la vie". Dans un décor sérieux et sombre favorisant les contrastes, deux chœurs se font face. D’un côté de jeunes anonymes, de l’autre de vieilles vedettes françaises du show-biz: Mimi Mathy, Pascal Obispo, Nicolas Canteloup, Gérard Jugnot, Patrick Bruel… mais aussi parmi eux de jeunes stars comme M. Pokora ou Jean-Baptiste Maunier des Choristes. Tour à tour, les deux camps s’interpellent… Les jeunes anonymes expriment leur scandale d’être nés dans une impasse, les stars quant à elles, invitent les jeunes à se « bouger » et font des leçons de méritocratie : « On s’est battu, on n’a rien volé » ou encore, pour les rimes riches en « é » «Tout ce qu'on a il a fallu le gagner/C’est à vous de jouer, mais il faudrait vous bouger ». « C’est le conflit des générations ! » dirait Brel dans ses bonbons de 68. Mieux vaudrait écouter pousser ses cheveux que de verser dans ces débats moralistes.

Que le ridicule ne tue pas ne devrait pas autoriser tout à chacun à pousser la chansonnette au delà du raisonnable. Goldman n’a sans doute pas supporté de voir Di Falco et son boys band rivaliser avec lui pour tenir la place de l’idole des masses, et il a produit une fois de plus le petit raisonnement moralisant de l’homme croyant avoir mérité son acquis social. Cet homme engagé qui s’indignait de la chanson de Brassens aura finalement passé sa vie à ne rien comprendre. Qu’est-ce qui est le plus scandaleux chez Goldman ? Sans doute sa bêtise. Sa suffisance dans la bêtise. Des médias, des raisonneurs de réseaux sociaux s’offusquent et critiquent la mise en scène opérée par Goldman, se scandalisent devant le ton moralisateur des Enfoirés. Ah bon, parce que c’est nouveau ? Je pensais que c’était l’objet même des Enfoirés que d’être moralisateurs, moi… Ça donnerait bien envie de laisser cette idole du camp du bien se faire cramer par ce même camp du bien. Et il faut entendre Goldman chercher à se justifier en se donnant une finesse jamais encore éprouvée : il a voulu faire une pièce de théâtre, mettre en scène un dialogue où Les Enfoirés jouant le rôle des adultes répondent comme trop souvent : « en se dédouanant et avec mauvaise foi. » D’accord ! En fait c’est pour de faux, cette leçon de méritocratie ! C’est pour de faux, en fait Goldman a signé encore une fois un magnifique hymne à la jeunesse… D’accord ! Et il va peut-être même nous faire croire qu’il a voulu ridiculiser ses potes chanteurs dans leur façon de camper sur leur rente de popularité… Goldman est donc victime d’une mauvaise interprétation, ses fans n’ont pas compris qu’il jouait au narrateur. Qu’on le comprenne bien, Goldman est toujours le gentil qu’il a toujours été, il insiste : « Le fait que la jeunesse nous demande des comptes me semble la moindre des choses, le fait que la chanson se termine en faisant confiance à l’avenir aussi. » Ouf ! Goldman n’a donc pas viré réac, il est resté dans le camp du bien.

Que pouvait devenir un jeune niais de gauche sinon un vieux niaiseux de gauche ? Le vieux con de droite serait une figure bien enviable au regard de ces humanistes qui n’acceptant pas de vieillir, perdent toute énergie sur le tard. Il ne peut pas comprendre d’où lui tombent les critiques, il est tellement innocent… Et il se fera égorger comme tout le monde, il se fera égorger sans rien comprendre non plus, en ânonnant « touche pas à mon pote » à Jihadi John le prenant pour une poupée mannequin mâle issue de la diversité.

Pour finir avec cet hymne de la bien-pensance d’une année seulement, ne parlons surtout pas musique, cela pourrait fâcher les mélomanes. Même si à force de trente ans de matraquage, on a fini pas connaître par cœur et donc s’attacher à cette façon de rythmer des phrases bébêtes en secouant la tête comme le chien de bagnoles de beauf : Il suffira d’un signe, un matin, in in in in ; ou bien un matin, un matin, ça ne sert, ça ne sert, à rien, à rien, ou bien quand la musique est bonne, bonne, bonne, bonne… C’est étrange comme les mots ont pris l’habitude de rimer entre eux quand ils sont identiques… Ne parlons donc pas musique, cela risquerait de nous amener à critiquer des airs qui sont trop entremêlés avec les souvenirs que nous chérissons… Mais revenons à la petite mise en scène. Dans le clip, les adultes sont représentés au fond par des gens pétés de tune et qui ont la vie facile, et les jeunes par l’inverse, même s’ils ont des bonnes têtes de futures stars. L’argent serait donc le garant d’une certaine maturité… On peut en douter face à ces papys gâtés gâteux du show-biz à la réplique facile. Cette mise en scène n’est pas beaucoup plus brillante que la Rolex de Ségéla. Mais que les « fonctionnaires » de Nostalgie ne crachent pas en l’air leur « bougez-vous » trop vite, car les incitations du type « C’est ton tour et vas y » supposent de vous tuer bande de cons, bande de rentiers ! Et le clip nous montre les phrases chantées, au cas où nous aurions du mal à saisir la profondeur de la pensée d’un intellectuel comme Goldman. Quand c’est les stars, les phrases sont manuscrites, avec une plume, sur du beau papier. Et quand c’est les jeunes, ce sont des tags. Pauvre vieux ! Soit il est simpliste, soit il prend tous ses fans pour plus simples que lui. Des tags contre la littérature donc ? Si Obsipo savait écrire, ça se saurait… On rêve tellement que tous ces chanteurs engagés dégagent ou se mettent réellement à chanter. Jean-Jacques, la génération désenchantée ne date pas d’aujourd’hui ni d’hier. Si tu écoutais un peu la radio, tu aurais entendu Mylène le respirer en 1991. C’est l’âge des possibles qui a disparu à cause de la génération qui une fois arrivée au sommet a tout verrouillé, à cause de ces post baby-boomers qui campent au sommet et ne décrochent pas et asservissent tous les nouveaux radio-crochet que la téléréalité croit réinventer. « Vous étiez tellement de gauche » dirait Miossec et votre crédibilité ne sera retrouvée que lorsque vous accepterez que l’on vous fasse gicler du socle !


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