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L’Affaire SK1

L’Affaire SK1

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S'il existe un genre cinématographique dans lequel la France a produit de bons films, c’est assurément le polar.

En ce début d’année 2015, voici qu’arrive sur les écrans le premier film de Frédéric Tellier, L’Affaire SK1.

L’affiche du film regroupe entre autres Raphaël Personnaz, Nathalie Baye, Olivier Gourmet, Michel Vuillermoz, Adama Niane, Thierry Neuvic ou encore William Nadylam.

 

L’Affaire SK1 se propose de revenir sur la traque et la condamnation de Guy Georges à la fin des années 90.

Guy Georges, surnommé ‘Le Tueur de l’Est Parisien’, a été suspecté puis condamné en 2001 à la prison à perpétuité pour les meurtres sauvages de huit jeunes femmes entre 1991 et 1998.

Le caractère extrême des meurtres, la personnalité atypique et lunatique du suspect, la complexité des enquêteurs à l’époque, ainsi que les vides relevés dans le dossier d’enquête avaient alors contribué à rendre célèbre et ambiguë cette affaire criminelle.

Un peu de temps ayant passé, c’est donc naturellement que le septième art offre sa vision sur la plus longue et la plus complexe enquête menée par la Police Judiciaire (PJ) française.

 

La reconstitution de l’époque traitée ne devrait pas provoquer de grandes nostalgies chez la plupart des spectateurs.

Les années 90 n’étant pas si éloignées de nous, le dépaysement historique n’est pas vraiment marqué. Certains reverront avec un sourire certains bidules post-numérique et les plus jeunes seront stupéfiés de découvrir qu’en 1991, il n’y avait pas encore d’ordinateurs dans les administrations.

 

La trame scénaristique du film se décompose en deux grands axes narratifs imbriqués l’un dans l’autre : la longue enquête de la PJ parisienne entre 1991 et 1998 et le procès de Guy Georges en 2001.

Ces deux axess n’abordant pas les mêmes thèmes et s’étirant sur des périodes temporelles fortement différentes (7 ans contre quelques mois), leur traitement au sein du film va fatalement pâtir d’une trop grande différence de relief.

On aura au final l’étrange sensation de voir deux films en un.

 

La narration traitant de l’enquête retranscrit une atmosphère tendue et sous pression du personnage principal luttant pour faire admettre sa vision des faits dans le vaste appareil juridique.

À ce niveau-là, les acteurs livrent une prestation très correcte où ils se coulent dans les costumes de leurs personnages avec un grand sérieux. Les personnages évoluent au fils des événements, leurs attitudes et apparence changeant doucement.

On assiste ainsi à la transformation du personnage de Raphaël Personnaz, Franck Magne dit ‘Charlie’, du jeune flic débutant et timide à celui de chef d’enquête blasé et impulsif.

Le seul personnage qui finalement pâtit d’un manque d’interprétation est celui de la femme de Franck Magne. Celle-ci est parfois un peu trop effacée et plate dans ses interprétations par rapport au reste du casting.

Point sans doute voulu pour porter l’attention sur le personnage principal et les enquêteurs du 36.

 

De plus, cette partie se noie bien trop souvent dans l’ambiguïté des éléments qui permettent de faire avancer l’intrigue.

La volonté du réalisateur de vouloir coller au plus près des événements pour livrer la vision la plus exacte de 7 années d’investigation se retourne parfois contre lui.

Plusieurs fois, le spectateur risque d’être perdu devant les actions, les propos ou les déductions des personnages faisant référence à des indices présentés auparavant dans le film.

Frédéric Tellier a peut-être oublié que, contrairement à ses personnages, le spectateur doit intégrer la masse d’informations en 1h30. C’est bien souvent trop et le propos aurait gagné à être condensé pour ne retenir que les jalons essentiels.

 

Malgré tout, l’équipe technique a recours à quelques bonnes idées notamment celle de maintenir le tueur constamment dans l’ombre et de ne montrer le visage de Guy Georges uniquement au moment de son identification en tant que suspect des différents meurtres.

L’idée est bien exploitée dans la séquence de la séquestration d’Elisabeth Ortega et rend la scène plus oppressante pour le spectateur ne voyant qu’une vague silhouette de dos.

 

Comme il est d’usage pour les films policiers, le point de la violence est à aborder ici.

Lors de sa sortie en salle, le film a été catégorisé de tous public avec avertissement. Des scènes ou des propos pouvant choquer la sensibilité de certains spectateurs.

Et il se révèle que le film présente des scènes de crimes avec des gros plans sur les victimes et quelques descriptions des sévices subis. Les lieux sont généreusement imprégnés de sang afin de refléter la violence déchainée contre chacune des 7 victimes.

Certains échanges verbaux reflètent parfois un caractère familier, voire vulgaire, et violent. Les dialogues ne prennent par moment pas de gants pour retranscrire les tensions au sein des équipes de la Criminelle.

Deux scènes en particulier sont de nature à mettre mal à l’aise le spectateur. La première lorsque Guy Georges perd son sang-froid en plein tribunal et menace une avocate d’un geste éloquent, la seconde au cours de la garde à vue du suspect lorsque celui-ci raconte aux enquêteurs son premier meurtre.

Dans la première, c’est plus la soudaine explosion de violence qui provoque un sentiment de choc alors que l’échange entre les protagonistes s’intensifie au fur et à mesure de la séquence ; la seconde est plus marquée par la froideur du tueur et l’aspect impulsif de son passage à l’acte criminel.

 

Ce côté aléatoire des crimes constituera une faiblesse dans la narration du second arc du film : le procès de Guy Georges en avril 2001.

En effet, le réalisateur semble vouloir lancer en l’air plusieurs interrogations pour tenter de cerner la personnalité complexe du suspect et comprendre les incohérences ou faiblesses du dossier d’enquête.

Au final, aucune réponse concrète ne sera apportée pour mieux comprendre ce dossier déjà bien complexe. Beaucoup de points resteront dans le vague avec un retournement de situation final qui peut paraitre un peu incompréhensible pour le spectateur assis dans la salle.

Un étrange sentiment reste que Guy Georges devait être condamné parce qu’il fallait un coupable à la Police Judiciaire et qu’il avait le profil adéquate pour correspondre à plusieurs critères du profil du tueur.

Cependant, cette partie du film est beaucoup plus intéressante puisqu’elle n’est pas constituée d’un simple empilement de faits ou d’événements, mais tente au moins de poser une réflexion et de voir au-delà du simple monstre dépeint dans la presse.

 

En conclusion, L’Affaire SK1 est une bonne production policière française.

Le film présente en de nombreux points des faiblesses, notamment scénaristiques, qui peuvent être imputé à une certaine inexpérience solo du réalisateur.

L’ambiance retranscrite, le rythme énergique et le bon jeu d’acteurs compensent ces lacunes et permettent de passer deux bonnes heures de divertissement qui n’apporteront pas plus d’éclaircissements à ceux connaissant les faits, mais permettront aux plus jeunes de connaitre cette affaire au-delà du nom sinistre de Guy Georges.


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