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À fleur de peau

À fleur de peau

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Depuis que les nuits de Chine sont d’encre, l’humanité a toujours aimé se peinturlurer le corps, les cheveux, les ongles… Mystique primaire, héraldique superstitieuse… Nos amis supporteurs perpétuent avec plus ou moins de bonheur cette tradition. Du moins cette débauche de pigments ne dure-t-elle que le temps d’un match. Il en est autrement des tatouages.

Je ne sais, si comme moi, vos errances estivales vous ont conduit sur les grilloirs sableux de nos rivages. Mais j’ai compris là, dans les fragrances de monoï, de chichis et de barbecues, pourquoi la France était de loin, le pays le plus visité au monde.

Certains esprits taquins argumenteront immédiatement de la beauté naturelle de nos milles paysages. D’autres, inénarrables plaisantins, soutiendront que c’est l’histoire et ses encombrants vestiges qui transforment notre pays en appeau à touristes. D’autres enfin, acides pince-sans-rire, prendront arguties de la qualité de vie à la française…

Ramassis d’âneries ! Ce qui attire ces hordes de portefeuilles à délester, c’est notre faculté inégalée à transformer nos plages en salon d’art moderne. De la poupée bodybuildée qui s’échappe de son bikini taille fillette, à la bande dessinée ambulante en passant par le fakir androgyne ; notre pays est sans conteste, l’antre de l’élégance et du bon goût.

De toutes ces tendances d’art corporel, il en est une qui ne cesse de prendre de l’ampleur : le tatouage. Au point d’ailleurs que certaines entreprises y flairent un nouveau support de publicité et offrent contre un logo fièrement arboré, quelques menues verroteries.

On se souviendra du matelot qui loin de sa douce pouvait y rêver en contemplant les rondeurs de son biceps. Le tatouage était ici promesse autant qu’engagement. Il permettait de s’inscrire dans le temps et d’en défier le naufrage. Moyen d’affirmer sa liberté de courir après une chimère singulière, ce serment affirmait aussi que l’homme a besoin d’autrui pour se révéler et s’accomplir.

Aujourd’hui, on ne se tatoue plus par fidélité mais pour faire de son corps une œuvre unique. On tend sur sa peau, le rideau coloré d’un masque. Singularité et désincarnation. Le corps n’est plus qu’un support. De ce point de vue-là, le film Le Tatoué où s’illustrèrent Jean Gabin et Louis de Funes, était prophétique. Le corps devient un objet que l’on peut décorer comme une voiture ou un appartement. Il est exposable, négociable et l’individu, sous prétexte de le dominer, en devient l’esclave. Il n’est plus que ce qu’il montre.

Plus encore, ont fleuri sur les pelouses de nos stades et par mimétismes dans nos rues, les empreintes dites tribales. Comme certains marquent leur bétail, d’autres se laissent ainsi ferrer du signe qui les fait membre de la caste. Il ne s’agit pas tant ici d’un engagement libre, que d’une appartenance soumise aux règles du troupeau.

Bien sûr, les défenseurs de l’art appliqué au corps pourront me reprocher ma charge et soutenir que le tatouage ne doit être compris que comme une quête esthétique. Qu’ils me pardonnent alors, mais je dois avoir l’esthétique douteuse qui me fait préférer ce que la nature a si bien tissé, sans rien vouloir y rajouter.


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