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Dialogue entre Charlie et un mahométan

Dialogue entre Charlie et un mahométan

Par  

 - Regardez-les, tous sont Charlie, et tous disent "non". Les Français redécouvrent les joies de l'unanimité. Ils parlent même d'unité nationale.

 - Quoi, n'êtes-vous pas Français?

 - Comment le pourrais-je? Si la France est cela, alors je ne puis en être. Je ne veux être qu'un bon musulman.

 - Soyez-le donc, et vous désolidarisez de ces actes commis en votre nom!

 - Je vous demande de quel droit décrétez-vous qui est ou non un bon musulman. Arrogante Europe!

 - Bon musulman selon nos critères, cela va sans dire.

 - Et là est tout le problème! L'Occident, avec tous ses instruments de mesure, sa table des éléments, ses télescopes et microscopes s'applique à clarifier toute l'étendue du monde physique, et pour lui le monde moral n'est pas moins clair, ou plutôt il est désespérément sombre: vous l'avez tellement éclairé et soumis aux opérations impies de votre esprit qu'il est réduit à néant. Et de ce néant moral, vous bâtissez un ordre. On n'édifie rien sur les ténèbres, vous l'apprendrez à vos dépens. Mais définissez donc vos critères.

 - Bon musulman est celui qui s'émeut aux mêmes choses que nous.

 - Et de quoi donc, je vous prie, vous émeuvez-vous?

 - De tout et de rien, c'est là une habitude qu'à l'Européen moyen: nous nous émouvons du Tibet, du Darfour, de Daech, de la Palestine. Nous cultivons la vertu d'indignation.

 - Pour ce qui est de la Palestine, je vous rejoins évidemment, en quoi je suis un bon musulman selon mes critères et les vôtres.

 - Et quant aux autres motifs d'indignation, les reconnaissez-vous?

 - Concernant le Tibet, peut-être aurais-je une naturelle tendance à défendre les hommes de foi contre un athéisme d'Etat qui par ailleurs persécute l'Islam, mais ce serait une alliance de pure circonstance, tant il est vrai que ces gens-là sont également dans l'erreur, et ce n'est sans doute pas un hasard si vos élites s'en réclament volontiers. Ce à quoi se prête en riant le Dalaï-Lama, touché, quoique nullement dupe, de cette fébrile quête de sens. L'Occident, n'ayant plus de vêtement propre, se pare de toutes les tenues. Il en passe sans cesse de nouvelles, et l'attrait de la nouveauté étant chez lui le plus fort, il se trouve toujours très beau dans ses nouveaux habits, si beau qu'il en change aussitôt, pour ne point cesser de se plaire. Il a d'abord abandonné la soutane pour la blouse du savant et celle de l'instituteur, qui lui paraît désormais bien étroite: il va donc à l'Orient, essaie sur lui toutes ces étoffes colorées, et son miroir le flatte de son universalité. Si Dieu le veut, cet attrait systématique pour tout ce qui vient d'ailleurs les mènera pour ainsi dire naturellement à l'Islam.

 - Mais notre Révolution Française, notre laïcité, nos Droits de l'Homme, notre séparation de l'Eglise et de l'Etat…

 - Vieilleries républicaines auxquelles ne croient que d'incurables bigots, et qui remontent à l'époque où l'Europe aimait à se vêtir du tablier maçon.

 - Mais nous vivons pourtant sur ces valeurs…

 - Quelles sont donc, je vous prie, ces valeurs?

 - Je vous l'ai dit: l'égalité hommes-femmes, la séparation du politique et du religieux…

 - L'Occident, si sage, à moins qu'il ne drape sous le nom de sagesse une atonie et une aphasie maladive, croit encore à ce mythe de la séparation du politique et du religieux, à laquelle personne n'a jamais cru et ne peut croire. Si Jésus, que nous aimons et qui selon le Prophète, loué soit-il, viendra combattre Dajjâl à la Fin des Temps, bien que nous ne comprenions pas plus que les Juifs le sacrilège que vous commettez en le croyant un Dieu fils d'un Dieu en Trois personnes, a bien dit ce que certains chrétiens "laïcs" veulent croire qu'il a dit en prononçant l'étrange: "Rendez à César!", alors nous le récusons sans ambages, et je ne suis pas certain que l'Eglise catholique médiévale ait pris cette phrase très au sérieux, car d'une manière générale l'Eglise catholique n'a jamais eu pour seule fonction que d'empêcher que fussent appliqués les principes qu'elle prêchait. Passons. L'idée de séparer le temporel du spirituel est une pure et simple folie dont seule est capable votre modernité. L'Islam est la négation de la politique, en ce sens qu'il nie qu'il puisse exister une politique hors de lui-même, et que la politique puisse être l'œuvre des hommes. Par plus qu'il ne reconnaît vos "Droits de l'Homme" auxquels il oppose les Droits de Dieu, comme le faisait Joseph de Maistre par ailleurs, il ne reconnaît vos frontières, les vôtres, et celles que vous créâtes après la mise à bas du Califat, implantant du même coup sur nos terres des logiques et des modes de pensée étrangers au milieu naturel: le sionisme européen impie et le nationalisme arabe laïc, qui répondait au premier. Et vous n'avez cessé depuis lors de vous étonner de ce que nous vous combattions. J'appelle lucide l'Européen qui de notre résistance n'est nullement étonné, et serait même plutôt surpris du contraire. Nous sommes en guerre: c'est là toute la déplaisante vérité.

 - C'est une guerre que vous déclarâtes unilatéralement: le "monde libre" ne vous veut aucun mal. Barrack Obama, l'homme le plus puissant de ce même monde, selon la formule consacrée, l'a assez répété, et nous vous avons accueillis par millions.

 - Pour votre perte. Voyez-vous, la République abstraite et indivisible veut n'avoir à traiter qu'avec des individus, en conséquence de quoi elle postule qu'il n'y a de problèmes qu'individuels, au cas par cas: on le lit dans votre presse. Vous tentez de justifier les actes de nos "extrémistes", comme vous dites, par la misère sociale, intellectuelle, et le manque de reconnaissance. Nous les expliquons plus simplement: comment reconnaître votre République puisque nous appartenons déjà à une Oumma, qui quoiqu'il advienne devra devenir à jamais une, indivisible et internationale? Les germes de la guerre ont été plantés par vous mêmes dans vos écoles, en enseignant à des enfants nés des peuples qui eurent à subir votre oppression combien les Européens sont barbares, ce que je crois volontiers, idées prolongées par le hip-hop et la culture populaire.

De "Scarface" à Sniper, la route était tracée. Tout ceci s'est déroulé en vase clos, à mesure qu'étaient glorifiés dans l'entière société les codes culturels de la banlieue parmi vos jeunes, notamment, tous convaincus de vivre à Babylone, comme le leur assènent les chanteurs de reggae, et dont les bouches sont pleines des vocables que nos jeunes composèrent, en pratiquant notamment les inversions de syllabes. Vous appelez cela du verlan et en inscrivez les trouvailles dans vos dictionnaires, comme une main tendue parmi tant d'autres. Puisque nous vivons en République ésotérique, c'est-à-dire qui ne jure que par les symboles magiques et les abstractions, on prononce face à ces évènements incantation rituelle pour conjurer le mauvais sort: on parle de "vivre-ensembles". Une telle chose n'existe plus, si elle a jamais existé, ce dont je doute, et si elle l'a fait c'est bien à mon insu. On m'a rapporté qu'on peut encore l'apercevoir dans vos campagnes et certaines villes de moyenne importance, où nous ne sommes pas encore assez nombreux. Toujours est-il que vous nous avez jeté à la figure ce concept éthéré, sans nous demander un seul instant si nous voulions seulement prendre part à cette opération de nature presqu'alchimique. Or il se trouve que nous condamnons toute forme de sorcellerie, et nous ne voulons pas de votre amour, nous voulons que vous ayez comme nous l'amour d'Allah et que vous obéissiez aux règles qu'Il nous transmit par l'intermédiaire de Son Saint-Coran, et qui nous ordonnent entre autres obligations le Djihad. Les martyrs qui tombèrent récemment pour venger le Prophète ne sont que l'avant-garde: ceci devait arriver. Il n'y a pas de contradictions, là où les vôtres vous ont menés à la ruine.

 - On pourrait dire que ces contradictions mêmes sont cause et objet de notre grandeur, mais je m'étais toujours refusé à croire jusque là que nous ayons une quelconque grandeur…

 - Vous y venez. L'Europe s'applaudit très fort de son relativisme, par lequel vous acceptez notre présence massive sur vos territoires, et c'est en raison de ce même relativisme que nous vous tuons, car il est contre-nature et non-aimé de Dieu. Nous pouvons à l'extrême rigueur concevoir une Europe chrétienne, non pas une croisade laïque et démocratique. - Ce sont pourtant là les seules croisades qu'il nous reste. Celles d'antan ne nous ressemblent plus guère, et nous sommes d'ailleurs les premiers à en fustiger les mobiles et les accomplissements. Combien fûmes-nous archaïques! - Nous vous préférions pourtant alors, nous pouvions en quelque sorte vous comprendre: nous vous disions "Allah est le seul Dieu et Mahomet est son Prophète", vous nous répondiez "Christus Rex". C'était encore de la théologie. Mais vous n'avez plus de théologiens à nous opposer, seulement des intellectuels qui professent la mort de toute théologie, au nom des idéologies d'abord, puis ensuite au nom de la mort des idéologies elles-mêmes. Aucune société ne peut vivre sans idée de transcendance, et nous sommes là pour vous le rappeler.

 - Transcendance, dites-vous. Il y a bien longtemps que je n'avais point entendu un pareil mot.

 - Et pour cause! Vous l'avez vaincue, ou l'avez cru vaincre, et ce-faisant, vous avez créé un vide que nous sommes en train de remplir. Vous n'avez pour toute institution que votre scepticisme glacé d'angoisse, quand nous reposons indolemment dans les sables chauds d'une Vérité acquise pour toujours, jusqu'au moment où nous passons à l'attaque. Et c'est lorsque nous vous attaquons que vous vous apercevez que vous n'avez rien à nous opposer. On meurt pour la gloire de Dieu ou pour l'établissement de la société égalitaire, pas pour le libéralisme. Vous êtes pour ainsi dire sans défenses, ni physiques, ni morales. A notre merci. La défense de l'individualisme, par un apparent paradoxe, ne mobilise pas les individus.

 - L'individualisme est un de nos plus grands achèvements.

 - Vous l'avez dit, c'est un achèvement, un achèvement mental, qui précède l'achèvement pur et simple que nous vous donnerons, si Dieu le veut. Je parlais de vide, et à ce-propos je tiens Pascal pour un de vos plus modernes écrivains lorsqu'il écrit "Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie"; ce qui vous tient lieu de "civilisation" est un trou noir: vous attirez tout à vous, et l'engloutissez pour le consumer, dans le brasier païen de vos effroyables fournaises théoriques. Vous avec désacralisé tout, vous avez tout démontré. Vous avez tout critiqué, tout déconstruit. Tout démocratisé, et par voie de conséquence, tout démoralisé. Ce que vous appelez "activité économique", autrement dit la destruction créatrice, la perpétuelle création et destruction et reconstruction de tout, ne fait que recouvrir d'un manteau de béton, de néons et d'enseignes, une béance fondamentale. Des trésors d'imagination et des fortunes immenses sont dépensées dans l'industrie du divertissement, une industrie non moins vitale que les autres et peut-être même plus, mais vos films, vos séries, rien de tout cela ne vous sauvera du gouffre dans lequel vous vous plongeâtes tout seuls. Ne rejetez la faute sur nous. Nous n'avons rien fait que vous regarder creuser votre tombe en toute quiétude, au son des couteaux qui s'aiguisent, pour vous y étaler avec luxure. Mais il faudra bien reboucher le trou, et c'est là que nous intervenons. N'avez-vous pas un de vos philosophes qui écrivait qu'il convenait de "pousser ce qui tombe"? Par Allah, nos bombes précipiteront votre chute.

 - Je soumets à votre sagacité que le même philosophe a dit que "Dieu est mort"…

 - Chez vous en Occident, cela est indéniable.

 - Vous en convenez donc?

 - Je ne fais que vous le répéter. Vous avez tué Dieu, ou l'idée que vous en aviez et qui certes était fausse, mais qui avait du moins le mérite de donner une morale commune, une unité à la société, et vous tentâtes de le remplacer par des religions de substitutions, des récits syncrétistes, une morale humanitaire qui ne saurait exister ailleurs que dans les écrits délicats de vos penseurs perruqués et poudrés. La base unique et fondamentale de la morale se trouve en Dieu et en son Saint-Coran que l'ange Gabriel dicta mot par mot au Prophète Muhammad, bénit soit-il.

 - On peut être athée et agir moralement. Assez de ce mythe théocratique qui veut que l religion soit indispensable à la société. Vous avez du moins cela en commun avec les Américains: eux-aussi considèrent qu'il convient à l'honnête homme d'avoir "de la religion", ce que note Marx, je crois, dans "La Question Juive".

 - Et vous le pensiez vous-mêmes jusqu'à une date récente. Les Américains ont à peu près échappés à Nietzsche, semble-t-il. Mencken l'a traduit relativement tôt, mais qui a lu Mencken? Ils n'ont donc pas connu l'abomination que l'Europe s'est infligée en la personne de Nietzsche, qui l'a mortellement blessée de ses affreuses questions. Sans doute a-t-il eu la fin qu'il méritait. Il n'aurait en tout cas jamais pu exister chez nous. D'une manière générale, nous proscrivons les écrivains.

 - J'étais déjà parvenu aux mêmes conclusions. Je me demande simplement pourquoi.

 - Je vais vous le dire. De tout temps les écrivains n'ont jamais eu qu'une fonction subversive: ils salissent tout, ne respectent rien, et ne se donnent pour unique mission que de détourner les croyants de la piété par leurs récits obscènes et leurs raisonnements blasphématoires. Votre relativisme, là-encore, en est cause, à moins que cela n'en soit l'effet: vous avez des écrivains parce que vous êtes décadents, et vous êtes décadents, car vous avez des écrivains. Votre littérature moderne commence lorsque s'achève la domination une et indivisible de l'Eglise: l'Eglise étant divisée, et propagée la mauvaise habitude du libre-examen, la société est divisée: c'est alors qu'apparaissent un Montaigne, qui soumet la Vérité à la relativité humaine, un Descartes qui place en l'homme la source de tout savoir et de toute sagesse, et partant de là, toutes les abjections sont possibles, tous les blasphèmes autorisés. Votre Sade, qu'il m'est impossible de lire, pour d'évidentes raisons, montre assez bien ce à quoi peut ressembler une société sans Dieu, et que sa lecture fût pour vous un acte éminemment respectable en dit long sur vous, et votre penchant pour à l’institutionnalisation de toutes les déviances. Que penser d'une nation qui applaudit si fort le "droit au blasphème"? Qui ne conçoit l'ordre social que comme une profanation perpétuelle et minutieuse? La France, à l'anticléricalisme ancien et ancré, est un des pays au monde qui compte le plus d'athées revendiqués. Elle en paiera le prix.

 - Nous revendiquons haut et fort ce droit au blasphème, nous sommes les héritiers de Voltaire.

 - Tout est là: vous avez érigé cet homme épouvantable au rang de demi-Dieu, venant y idolâtrer ses ignobles restes en votre Panthéon, temple construit de la main de Satan même, auquel vous destinez déjà vos caricaturistes. Vous vous dites volontiers "patrie littéraire". Mais quelle société normalement constituée porte au pinacle les écrivains, qui sont en général des êtres vicieux et séditieux, occupés à saper, pour leur plaisir dévoyé et égoïste, les fondements d'une société qui pour cela les acclame? Il y a les civilisations de durée, et les civilisations d'intensité. La plupart appartiennent à la première catégorie. L'Occident seul trouble leur quiétude par son activité insensée, dans tous les champs déployée. Vous fûtes une civilisation de durée vous aussi, mais l'imprimerie, la poudre, la découverte du Nouveau Monde et la Réforme vous firent "renaître", comme vous le dites pompeusement, et soit dit en passant nous prétendons y être pour quelque chose, puisque vous avez lu Aristote dans note Averroès, ce qui ne vous a pas empêché de nous chasser peu de temps après. Je disais donc que vous vint l'idée saugrenue et colossale du Progrès: l'imprimerie, la poudre l'Amérique et le protestantisme, les quatre étant absolument liés. La première permit une diffusion du savoir sans précédent, grâce au latin dans un premier temps, où l'on voit que l'Eglise s'est-elle aussi tiré une balle dans le pied sans le savoir. La seconde vous acquit pour toujours la suprématie militaire. La troisième découverte vous donna un territoire vierge, selon vous, pour y dupliquer l'Europe au goût du moment, ce qui s'appelle désormais les Etats-Unis d'Amérique. Et la dernière divisa l'Europe en divisant l'Eglise, car l'Eglise recouvrait l'Europe. L'Eglise d'Occident pouvait souffrir une Eglise d'Orient: elle ne pouvait endurer une sédition de telle ampleur, après des siècles de règne incontesté. Mais de cette dernière il faut aussi retenir qu'elle accoucha du concept monstrueux de "libre-examen". Emblématique à cet égard est la Bible de Luther: immense succès d'édition, pour ce qui fut une profanation au sens étymologique du terme: il n'y a plus de langue sacrée. De là l'inexorable déclin de la scolastique: la langue savante et la langue sacrée se superposaient, car il n'y avait de science que théologique. Luther, homme par ailleurs très pieux, à sa manière, qui n'est pas la mienne, a bouleversé cela. Mais je digresse. La part de savoir par tête s'accroissant, et ces têtes se faisant de plus en plus nombreuses, par la grâce conjointe de l'imprimerie et d'une relative alphabétisation, devaient se multiplier les esprits indociles et capricieux. Dans les salons feutrés de votre aristocratie décadente s'est commis un long et patient crime, que l'ennui engendra et que perpétua le vice. Mais je vois que vous perdez patience, et vos contre-révolutionnaires pas moins que vos marxistes ont de toutes façons déjà pointé du doigt cela…

 - Oui, je vous parlais de littérature, et vous me dressez un tableau de l'Europe, un de plus, vous ne me parlez que de l'Eglise, que je conchie autant que votre Prophète. Vous parliez d'Averroès, vous avez donc des écrivains.

 - Vous conchiez le Prophète, loué soit-il, bien légèrement… Nous aimons bien citer Averroès car cela flatte les Européens de se savoir instruits par le Monde Islamique, et nous démontrons ainsi combien nous sommes ouverts, mais pour être franc nous ne le lisons guère. Et sans doute l'avez-vous même plus lu que nous. - Lisez-vous au moins les "Mille et une nuits"? Dites oui, par pitié.

 - Ce sont là des textes licencieux et païens dont tout musulman se doit détourner en hâte, et que l'on jette bien volontiers en pâture à vos "orientalistes".

 - Cessez! Que lisez-vous donc?

 - Nous lisons le Saint Coran, qu'Allah le Très Grand, Loué soit-Il, révéla aux hommes par l'entremise de son Prophète Muhammad, que Dieu le bénisse! De vos livres européens, nous retenons "Mein Kampf" et les "Protocoles des Sages de Sion" plutôt que "Madame Bovary" et les "Fleurs du Mal", deux livres qui sous prétexte d'art corrompent la morale la plus élémentaire, ce que vos tribunaux avaient d'ailleurs reconnu en leurs temps. Et vous dites avoir progressé. Vous faites désormais étudier ces "oeuvres" dans les écoles, ne soyez étonnés que vous ne le puissiez déjà plus dans les écoles où nos enfants sont majoritaires. A plus forte raison, n'attendez pas de nous que nous acceptions de vous voir enseigner l'abomination à nos enfants en la faisant passer pour un comportement acceptable sans que nous réagissions.

 - A cet égard, la phrase "Rousseau est contraire à ma religion", qui s'est entendue dans une classe de lycée d'un quartier vraisemblablement classé comme Zone d'Education Prioritaire, est révélatrice en ce sens qu'un de nos réactionnaires aurait pu la prononcer.

 - Tout à fait. Nous ne sommes pas plus républicains qu'eux, mais eux n'ont plus les moyens d'agir depuis l'après-guerre, et sans doute ne les ont-ils jamais eu, et même jamais voulu. L'Action Française n'a jamais commis que des émeutes qui s'arrêtaient toujours à temps, jamais d'attentat. Si vous tenez absolument à nous comparer, songez aux nihilistes russes et vos anarchistes poseurs de bombes. Eux aussi venaient réagir à l'absence de sens, et leurs actes ont marqué un tournant, un basculement de siècle, à ceci près qu'une différence capitale nous oppose: leurs drapeaux n'étaient que noirs. Les nôtres sont noirs, mais ils sont frappés d'une profession de foi.

 - J'ai toujours revendiqué pour moi-même cet héritage anarchiste…

 - Non, vous n'en êtes pas. Vous n'avez jamais été que bourgeois, anarchistes bourgeois. "L'anarchie dans les esprits, l'ordre dans la rue", écrivait votre Bernanos. Nous allons faire que ce qu'il se passe dans vos rues corresponde au contenu de vos têtes. Non pas que nous fussions à proprement parler anarchistes, mais semer chez vous l'anarchie est un impératif stratégique. Vous voici dans la position que vous avez tant honnie du replet bourgeois soudain inquiet à l'idée qu'il pourrait ne mourir pas de son taux de cholestérol, mais d'une bombe ou d'une balle, et les drapeaux tricolores du parti de l'ordre se sont dressés dimanche en votre honneur. On fit même sonner les cloches. - Seigneur, c'est un cauchemar…

 - Vous blasphémez, mon cher Charlie.


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