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Le crépuscule de la France d’en-haut

Le crépuscule de la France d’en-haut

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Après La France périphérique, Christophe Guilluy, géographe et sociologue, nous gratifie d’un nouveau petit traité, Le crépuscule de la France d’en-haut, où il analyse finement les maux et les malheurs que connaissent les vaincus de la mondialisation, un peu partout dans le monde et en France en particulier, c’est-à-dire un nombre incalculable de personnes, au profit d’une petite oligarchie triomphante qui elle, ne s’est jamais aussi bien portée. « Au son de la fanfare républicaine, la France a adopté toutes les normes économiques et sociétales de la mondialisation » affirme en préambule Guilluy. Pour son plus grand déclin et la perte irréversible de sa souveraineté et de son identité, serait-on tenté d’ajouter illico. Il enchaîne par cette comparaison qui fait mouche : « La société française est devenue une société « américaine » comme les autres, inégalitaire et multiculturelle. En quelques décennies, l’ordre mondialisé de la loi du marché s’est imposé. D’un modèle égalitaire, nous avons basculé en très peu de temps dans une société socialement inégalitaire et sous tensions identitaires ». Comment mieux dire les choses ?

L’ouvrage, passionnant, s’applique ensuite à étayer cette parfaite perception de la réalité de notre pays et à faire démonstration de cette redoutable entreprise de déconstruction. Comment une classe dirigeante a-t-elle pu imposer un modèle sans que personne, et surtout pas les classes populaires, ne l’ait choisi ? Christophe Guilluy nous explique que c’est le double phénomène de la « gentrification » -ou boboïsation- et de la « métropolisation » –captation et concentration des richesses dans les grandes métropoles-, deux enfants légitimes de la mondialisation, qui a permis l’émergence de cette nouvelle bourgeoisie -ou élite- qui a érigé autour d’elle des « citadelles » impénétrables. Et c’est là qu’intervient la subtilité diabolique du processus ; cette classe dominante se pare toujours des atours du bien, ne dédaigne pas voter à gauche, se fond tactiquement dans le peuple tout en le détestant, pratique assidument la religion des droits de l’homme qui lui permet de légitimer son interventionnisme sur tous les sujets, sous l’angle imparable de la morale, assume son libéralisme qui est son Dieu à vénérer, porte en étendard son libertarisme comme preuve incontestable de son ouverture d’esprit au monde, aux autres, à l’Autre, aux minorités. Comprenons-nous bien, cette bourgeoisie est dans la stratégie du front renversé, de la disqualification systématique du populisme et donc des sujets réels qui préoccupent le peuple, de la reductio ad hitlerum contre tous ceux qui s’opposeraient à son hégémonie idéologique et culturelle. Son antiracisme militant est son certificat de vertu qui lui autorise tous les anathèmes et tous les procès d’intention. Les membres de cette oligarchie marxisante nourrissent le Système grâce auquel ils prospèrent contre le monde vivant et libre. Il y a donc un « mensonge de la société ouverte » telle qu’ils la présentent. Leur bienveillance à l’égard des classes moyennes n’est que pure façade. La défense de leurs intérêts passe non par une lutte des classes mais par un « brouillage des classes ».

L’idéologie libérale libertaire dépasse les clivages droite/gauche. Juppé à Bordeaux et Collomb à Lyon défendent le même projet économique et social car ils sont partisans de la mondialisation, de la dérégulation et de la société multiculturelle. Nous ne résistons pas au plaisir de citer le bon mot de Renaud Camus dans l’interview qu’il a récemment donnée à Mauvaise Nouvelle, au sujet d’Alain Juppé, futur président de la république : « on sent bien que Juppé est la dernière station-service avant l’islam ». L’idéologie libérale libertaire, sans-frontiériste, qui sert de standard unique à nos politiques, est favorable au maintien ipso facto des classes dominantes dans les métropoles, ainsi qu’à celui des « key workers », ces femmes de ménage, gardiens, ouvriers du bâtiment, métiers que seuls les immigrés acceptent et qui sont nécessaires pour alimenter le Système. Une main d’œuvre pas chère, taillable et corvéable qui justifie en soi, pour les pays riches mondialisés, l’immigration. Les droits de l’homme et autres calembredaines sont un prétexte tout trouvé et une antienne parfaitement récitée quand il y a des intérêts économiques à préserver. Cette idéologie « constitue depuis des décennies la synthèse la plus accomplie de la cupidité des hommes d’affaires libéraux et de la contre-culture californienne de l’extrême-gauche des sixties ». Un monde d’actionnaires hippies, cools et tolérants, mais dans la réalité parfaitement indifférents aux cultures et aux singularités humaines. Cette classe dominante s’auto-reproduit, évidemment, parachevant ainsi le « système bourdieusien des héritiers ». Dans les subtiles règles du « diversity business », il y a toujours un idiot utile, le beur de service ou le nègre de maison, qui est la caution vivante du discours sur la diversité et le vivre-ensemble. Mais l’idiot utile n’est plus dupe. L’Algérien ou le Marocain de banlieue, inclus et pas intégré, miraculeusement français par le truchement d’un droit du sol dont la finalité remplaciste n’est plus à démontrer, sait pertinemment qu’il n’est pas aimé. Il devient ou deviendra un enfant du nihilisme prêt à tuer la mère, la France, qui ne l’a jamais reconnu. « Proches des immigrés, mais pas trop », pourrait-être la devise de cette élite machiavélique. Dans la vie réelle en effet, la logorrhée multiculturaliste ne pèse pas grand-chose quand les bobos ont à choisir, par exemple, l’école de leurs enfants, leurs héritiers dans le Système.

Une petite statistique utile, donnée par Guilluy : « A la mi-2008, on comptait 3 millions de chômeurs (catégories A, B et C). Ils étaient 5,3 millions début 2015, soit 70% d’augmentation. Parmi eux, seulement 8% de cadres et 70% d’ouvriers et employés ». Les gagnants et les perdants de la mondialisation dans les statistiques du chômage ! « Exclues des métropoles, les classes moyennes, trop vulgaires, trop violentes, trop attachées à un territoire, une commune, un pays, font désormais tâche dans un univers gentrifié, mondialisé et déterritorialisé ». Si la classe dominante a fait tout ce qui était en son pouvoir pour maintenir dans « l’invisibilité » les classes moyennes, il semble que cette stratégie soit en passe d’expirer. La contestation sociale et culturelle monte. Le monde rural et plus largement la France périphérique sont de plus en plus visibles et s’opposent aux diktats des métropoles et autres lobbies économiques et politiques, s’indignent d’être pétainisés, fascisés, ridiculisés, bagatellisés comme dit Chantal Delsol, désinstitutionnalisés. L’expression du peuple refuse sa mise sous le boisseau par cette tyrannie douce imposée par les élites mais de plus en plus démasquée. Le crépuscule de la France d’en-haut a bel et bien débuté. La pénombre gagne. Le peuple britannique a choisi de recouvrer sa souveraineté par le Brexit. Trump a été élu président des Etats-Unis pour la simple raison qu’il comprend mieux les aspirations et les inquiétudes des simples gens quand ces derniers ont été scandalisés par l’arrogance - il s’agit de visionner les 3 face-à-face entre Trump et Clinton pour mesurer le mépris et la haine habillés d’un sourire de cette dernière, de celle qu’ils ont qualifiée de « queen of corruption ». Le peuple qui souffre, le peuple attaché à l’enracinement face au « bougisme » et à la « théorie d’un monde nomade » revendiqués par les progressistes mondialisés, médias et politiques confondus, le peuple qui connaît la vraie vie faite de joies et de peines, cherche, un peu partout dans cet Occident standardisé, à reprendre la main. Le monde de l’hypermobilité est dépassé. Un réinvestissement sur le « village » se fait jour. Il faut s’en réjouir et combattre pour, selon la qualification dédaigneuse utilisée par les élites, qu’un « ouvrier imbécile » continue à peser la même chose dans le vote qu’un « intellectuel éclairé ». Car l’ouvrier imbécile est, pour nous, toujours préférable car il s’ancre dans le réel et non dans les idées. « La classe politique dissimule sa responsabilité derrière une posture morale et/ou républicaine en essentialisant les classes populaires ; le « petit blanc raciste » -et même consanguin- et le « petit arabe ou noir » victimisé et/ou islamisé ». Mais personne ne croit plus à ces sornettes et à ces écrans de fumée.

La preuve irréfutable que la nuit obscure est déjà là ? C’est la tentation du totalitarisme chez la classe dominante pour, dans un baroud pathétique et coupable, tenter de bâillonner les peuples, les réduire, ad vitam aeternam, au silence et à l’insignifiance. Gageure absolue.


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