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Le sourire d’Emmanuel

Le sourire d’Emmanuel

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On se souvient du « sourire à visage humain » de Philippe Muray, texte drôle et précis qui décrivit le sourire de Ségolène Royal durant les élections présidentielles qui la virent choisie pour affronter Nicolas Sarkozy. On se souvient que Muray avait comparé ce sourire à celui du chat Chester, en lévitation quand le chat lui-même s’est volatilisé devant une Alice hallucinée, on se souvient qu’en conclusion l’écrivain qualifia le sourire de Ségolène Royal de sourire de salut public, un sourire que les thanatopracteurs imitent très bien quand ils font la toilette d’un cher disparu… Je sais, bien sûr, que celui qui, le premier, compara la femme à une rose fut un génie et le second, un sombre imbécile, mais je ne résiste pourtant pas à l’envie d’imiter le maître en tentant avec mes mots de percer le mystère du sourire d’Emmanuel Macron.

Par quoi commencer ? Emmanuel Macron se distingue essentiellement par sa jeunesse dont il semble faire une source de fierté à laquelle on ne saurait que trop lui conseiller de ne pas s’attacher. Et pour faire le lien avec son prédécesseur qui un temps tomba amoureux du sourire à visage humain décrit par Muray, je souhaiterais m’attarder sur les dents d’Emmanuel. L’avantage avec quelqu’un qui sourit, c’est qu’on voit qu’il en a, des dents ! Sourire est tout de suite pour Emmanuel une façon d’échapper à la tourbe des administrés que son prédécesseur se gaussait de nommer les « sans dents ». Nous avions répondu à l’époque que nous préférions être sans dents que sans culotte, soucieux de nous distinguer de l’esprit de coupeur de têtes qui soufflait alors au gouvernement. Disons-le, Emmanuel est le contraire d’un sans dents. Un gars qui a réussi, un gars qui fait président avant 40 ans, ne peut pas être un sans dents. Et on sent que c’est avec une certaine fierté qu’il affiche son sourire carnassier, sa capacité à mordre. L’omnivore nous nargue d’autant plus qu’il affiche de belles dents du bonheur qu’une orthodontie zélée lui fabriqua sans doute. Il mord la vie à pleine dents… il a la capacité de mordre, c’est surtout ce qu’il faut retenir.

En attendant, c’est sa lèvre qu’il ne cesse de mordre pour manifester l’amour qu’il se porte. Qu’on se le dise, Emmanuel jouit et il n’a pas l’intention de s’en cacher. Il est tellement content de lui, de sa réussite, de ses idées, de son génie. C’est quand même vachement bon d’inviter les maires dans mon palais ! C’est quand même vachement bon de faire jouer Daft Punk par la fanfare militaire sur les Champs Elysées le jour de la fête nationale. C’est quand même vachement bon d’avoir créé un mouvement (En Marche) sur la base de mes initiales ! Vachement bon… Cet homme jouit de lui-même. Comme tout lui réussit, disons-le sans avoir peur d’être vulgaire, il ne débande pas ! C’est un sourire sous viagra qu’Emmanuel nous donne à contempler. Et ce sourire dit à toutes-et-à-tous qu’il est un bon coup. L’anti-Jospin par excellence !

Si on s’éloigne un peu de ses lèvres toujours humectées, on aperçoit un visage, insensiblement asymétrique, un visage qui louche sur lui-même dans un onanisme que désormais on lui connaît. Quelqu’un qui a fait exprès de se raser en continu devant la glace pour mieux songer à quand il serait président. Il louche sur son reflet au bout de son nez, on le sait incapable de nous regarder en face. Pourquoi voulez-vous qu’il vous regarde puisque c’est à lui-même qu’il sourit ?

Mais ne soyons pas mauvaise langue avec ce sourire. C’est tout de même mieux que l’air sévère, les gros yeux, la mine triste, … A le regarder, on distingue le gendre idéal. C’est Drucker qui doit regretter de ne pas avoir tenté sa chance… Emmanuel sourit et nous devrions nous en réjouir. Il n’est pas avare. Ce sourire est la marque d’une générosité infinie. Il le met en partage, il le distribue. Il rompt la glace et se donne en eucharistie à tous ceux qui ne sont rien. Son sourire n’est pas de salut public comme l’autre, c’est un bien public. Emmanuel ne sait pas parler sans sourire. Même quand il dit à une migrante aux Restos du Cœur de repartir chez elle, il sourit. C’est comme ça. Sa nature est de sourire tout le temps puisqu’il se rit de tout.

Le maître du monde est tellement séduisant ! Il est écrit nulle part qu’un dictateur soit obligé de faire la gueule. Il est écrit nulle part qu’une dictature serait nécessairement violente et inconfortable. Emmanuel est la mascotte idéale de cette dictature à visage humain tant désirée par les créateurs de l’Europe, par la finance internationale… Ils ont enfin compris qu’un sourire de gendre idéal valait mieux qu’un œil de Big Brother pour parvenir à la domestication parfaite du genre humain. Le sourire d’Emmanuel est un sourire digital, il a tout compilé, il sait déjà, il nous attend tranquillement depuis le futur qu’il nous a préparé. Si on devait le comparer à un personnage de dessin animé, ce ne serait pas à celui du chat Chester d’Alice, mais à celui du serpent Ka qui dit à Mowgli avec ses yeux en spirale : ais confiance ! Notre confort vaut bien le sacrifice de notre liberté, notre jouissance vaut bien celui de notre vie intérieure. Souriez avec ou sans dents, Emmanuel veille sur tout. Ce sourire-là pourrait bien remplacer notre Marianne dépoitraillée. Il suffit à résumer l’ère qui vient. C’est la welcome-attitude adressée à tous ceux qui renoncent à ce qui fait d’eux une personne, leur enracinement, leur vie intérieure, … leur liberté.


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