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Lexique de la manipulation ordinaire

Lexique de la manipulation ordinaire

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Il faut bien constater que le vocabulaire des médias s’appauvrit, et qu’il n’est malheureusement pas le seul. Plus grave qu’un appauvrissement est le fait de nommer le réel au moyen de termes qui n’ont aucun rapport avec ce que l’on nomme. Cela a commencé avec la fameuse « Interruption Volontaire de Grossesse ». Qui est contre, à part ceux qui envisage qu’une grossesse puisse durer éternellement ? L’accouchement interrompt la grossesse, et il l’interrompt volontairement lorsqu’il est provoqué. Bien sûr, les expressions « embryocide », voire « homicide prénatal », quoique plus juste, sont inusitées. C’est comme l’ « IVV » du pilote qui saute de l’avion : l’Interruption Volontaire de Vol ne pose un problème que du point de vue des passagers.

Cette maltraitance du vocabulaire a continué avec le mot « homophobie ». Car la « phobie » désigne non pas la haine mais la peur. Et le suffixe « homo » suggère ici une peur de ce qui est « même ». Va-t-on pénaliser la claustrophobie et l’arachnophobie ? La haine des phobies (faut-il parler de « phobophobie » ?) ne s’arrête pas là : l’islamophobie est le dernier crime reconnu. Voilà que notre État, aussi attaché à la laïcité qu’une chèvre à son piquet, se met à protéger une religion particulière contre toute déclaration de peur.

Difficile aussi de ne pas avoir été agressé par le « genre », catégorie grammaticale censée remiser le « sexe » au rayon des fables d’antan. Le sexe, ignoble résidu de notre nature animale, instrument conceptuel machiavélique de la domination des porteurs de pénis sur les autres, laisse la place au genre, immédiatement « déconstruit » pour convaincre chaque individu de son indétermination fondamentale. Puisqu’on vous le dit, vous êtes tous des individus neutres.

Sans doute la palme du vocabulaire truqué revient-elle au mot « euthanasie » : l’acte de « bien mourir ». Voilà que la médecine, à qui l’on a réclamé sans succès la vie heureuse, n’aurait plus à nous proposer qu’une mort bonne. Jouissez de votre mort, vous qui ne jouissez plus assez de la vie pour que les vivants s’intéressent à votre cas. Ce mot entraîne derrière lui un certain nombre d’autres tout aussi cocasses. Ainsi a-t-on vu naître l’expression « aide active à mourir », comme si une aide pouvait être inactive. Soumis à l’injonction de satisfaire aux exigences du malade, le médecin est sommé de se reconnaître comme un simple « agent de l’État », l’État n’étant plus que l’Agent de la Société dont il inscrit fébrilement dans la loi le moindre des caprices. Caprice validé comme il se doit par les sociologues patentés.

Fermez vos dictionnaires, tout va bien. Une fois les mots travestis, on pourra s’occuper de changer le réel.


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