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L’exotisme du voile

L’exotisme du voile

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« Voilées pour ne pas être vues, Cernées d'un silence absolu, Vierges de pierre au corps de Diane, … c’est un cri… » etc. On reconnait ce qui fit vibrer les fans de Michel Sardou, ce qui fit se lever la ménagère de moins de cinquante ans de l’époque pour laisser se rabattre son strapontin en plastique bleu du zénith de Berry-Bouis et transformer ainsi le palais des sports en lieu d’extase. La fosse à fans s’improvisait sous les paupières déjà lourdes du King of french pop music, j’ai nommé Michel Sardou ! Cette idée de musulmanes voilées en plein désert excitait tous les fantasmes possibles des frenchies en mal de chèche et d’aventures.

Mère Denis avec deux trois vaches normandes à Bab El Oued 

Force est de constater qu’aujourd’hui, lorsque nous croisons de ces « voilées pour ne pas êtres vues » dans les rues et les bus de nos cités, nos réflexes nous portent peu vers le désir et davantage vers la défiance. Et quand bien même nos yeux percevraient au-delà du voile, la possibilité d’un joli minois, les joues garnies de poils pubiens de l’homme en pyjama qui accompagne la forme féminine, suffisent à nous renvoyer dans notre quotidien sans aventure, notre ici-bas fait de sentiments d’insécurité.

Pourtant, si nous étions là-bas, cet ensemble de voiles et de barbes nous enthousiasmerait au point d’ouvrir un carnet de bord et de raconter notre voyage et laisser un souvenir digne de Lonely Planet ou du Routard. Il y a quelque chose qui bloque, qui cloche. Par quelle baguette magique suis-je devenu raciste ? Par quelle baguette magique l’intrusion de scènes rappelant l’exotisme de mes vacances devient la possibilité de l’émergence d’une haine ?

Je sais. C’est simplement parce que les personnages ne vont pas avec le décor. Cela ne fait pas crédible. C’est comme une publicité mensongère, une tromperie, un plan foireux. Je veux bien voir des voilées et des barbus à Calais ou Saint Denis. Mais rendez nous le soleil, la lumière de la Méditerranée, la chaleur du désert, la couleur des épices, etc. Ce n’est pas en mettant un wagon de figurants au bord de la mer du Nord que nous verrons pousser les palmiers ! Imaginez un peu que l’on largue la mère Denis avec deux trois vaches normandes à Bab El Oued ! Maurice avec béret, baguette et claquos en plein souk ! Ce n’est pas sérieux…

Le carnaval a assez duré

Est-ce donc simplement un problème de décor à l’origine de mon racisme naissant à la vue de toutes « ces voilées pour ne pas être vues » croisées au quotidien ? Je ne suis pas dans l’ambiance Sardou, avion, désert, chèche, ok. Mais il y a autre chose. Le fait de côtoyer autant de voiles ôte toute possibilité de fantasme et de poésie. La fréquence empêche l’imagination de faire son travail. Cela revient trop souvent. Et puis, c’est comme les desserts ; quand il n’y a que ça, on finit par être écœuré et même réclamer des dévoilées grassouillettes et laiteuses bien de chez nous. A poil Paulette ! A poil Paulette ! A poil ! Et puis quel mystère ? On en a fait le tour des « voilées pour ne pas être vues » maintenant. On est bien loin de la frêle silhouette imaginée sous des vêtements amples froissés par un vent chaud, rose noire sur tapis jaune de sable. Et puis, quand on discerne une Paulette bien de chez nous là-dessous en train de houspiller son jeune Mohamed aux mèches blondes sous l’œil lubrique du jeune étalon de mari, mal déglacé, prénommé Kévin, on se dit que le carnaval a assez duré !

Je regarde le clip de Sardou et je me dis que ce Maghreb issu de notre imagination, ce Maghreb qui fut le nôtre, n’a quand même rien à voir avec cette France de notre quotidien, cette France qui n’est plus la nôtre. On nous a menti sur l’immigration ! Les palmiers ne sont pas vraiment mobiles, les palmiers n’ont pas de jambes, maman, et le voile n’a plus rien d’exotique quand il devient l’accessoire fétichiste de déracinés en mal d’identité. Bas les masques ! Bas les voiles ! A poil Djamila, à poil Djamila, à poil !


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