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Pris en sandwich entre le centre et le milieu

Pris en sandwich entre le centre et le milieu

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Sous l’influence médiatique de ces dernières semaines, j’ai consulté le Robert des expressions et locutions, pour en savoir plus sur le centre. A mon grand étonnement, cet excellent ouvrage ne m’a pas vraiment éclairé sur le sujet. Tout en indiquant « qu’il s’agit de ce qu’il y a de plus important », le renvoie est immédiatement fait vers ce qui touche à l’égocentrisme et à la mégalomanie affirmant qu’ainsi placé, on peut « croire ou penser se croire au centre du monde ou de l’univers. » Je me suis dit que c’était un peu court et j’ai immédiatement lancé mes recherches sur le milieu, son synonyme. Et, là, stupéfaction et incohérence sont venues embrumer mon esprit. Une locution unique met en exergue une situation précise : « il n’y a pas de milieu. » Il m’a semblé qu’il fallait remettre de l’ordre dans tout cela. J’ai donc voulu approcher le centre pour mieux le définir. En effet, si en tous domaines, ceux qui se croient au centre du monde ne sont rien lorsqu’ils sont au milieu, comment désigner concrètement ce qui s’y trouve ?

Tout d’abord il m’est apparu inconvenant de confondre les gens du centre et du milieu. D’autant que le centre – celui de la Terre par exemple – a la réputation d’être mou alors que pour le milieu - celui de la pègre – nous avons plutôt affaire à des durs. Afin d’avoir une approche plus élégante, je me suis donc ravisé et rabattu sur le milieu familial. Mais je me suis vite rendu compte qu’il pouvait s’agir d’un milieu fermé. Par nature, ce qui est clos est impossible à pénétrer. Donc je n’avais plus qu’à attendre que quelqu’un sorte de son milieu pour mieux connaître le centre. Cela étant, sauf à rencontrer une personne venant d’un milieu modeste, j’avais peu de chance d’en savoir plus car le milieu est souvent huppé. Et ces gens là, par principe ne parlent pas à ceux auxquels ils n’ont pas été présentés car ils ne sont pas du même milieu.

J’en suis donc arrivé à imaginer qu’il fallait que je me déplace moi-même pour comprendre ce qu’étaient l’œil du cyclone, le pivot central, l’empire du milieu. C’était là une autre manière de toucher le cœur. Bien que le cœur, soit une situation ambigüe. Placé quelque peu sur la gauche, il n’est pas vraiment au centre. De toute façon je me suis rendu compte que la mission que je m’imposais, qui consistait à rejoindre le centre, en venant de mon milieu était également complexe. Car aller chercher le centre, enfoui au milieu de la mêlée selon une définition classique, c’était me demander de couvrir une distance aussi éloignée du commencement que de la fin !

J’étais sur le point de me résigner et de décider finalement que le centre était impossible à définir et que par voie de conséquence, il n’existait pas. Et cela au grand désespoir de tous ceux qui me disaient que le centre était le point d’équilibre entre tous les maux et que j’ignorais que je me trouvais au centre de tout, sans le savoir. Cela me laissait dubitatif.

Ayant beaucoup de difficulté avec les définitions qui font appel à l’immatériel, j’ai finalement opté pour la concrétisation, par l’exemple. Là, je me suis souvenu de celui-là même qui est à l’origine de tout ce qui se consomme aujourd’hui ans les bonnes brasseries françaises et qui pourtant trouve racines de l’autre côté de la Manche. Notre brave Sir John Montagu Sandwich. Ce joueur invétéré de la fin du XVIIIème siècle, inventeur de l’en-cas du même nom, m’a apporté la solution sur un plateau. Mais pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ? Le centre, c’est ce qui est écrasé au milieu de tranches de pain ! Il faut dire qu’à force de vivre à midi et à toute heure avec la baguette sous le bras on finit par l’oublier. La banalité est la rançon du succès. Et ce d’autant que tout se confond, régulièrement, entre le sandwich et le milieu. Couramment la France est prise en sandwich quand ce n’est pas la représentante de tel ou tel parti politique qui est coincée entre son aile gauche et d’extrême gauche… Il y a constamment une volonté de trancher le milieu et de comparer tout et chacun à un jambon. Quel dommage que de dénaturer ainsi ce délicieux sandwich classique. Tout comme il est désastreux d’adjoindre au saucisson, au pâté de nos campagnes et aux rillettes de al mayonnaise ou du jus de tomate sucré ! De plus en plus souvent on trouve tout et n’importe quoi au milieu de la baguette ! On y met même des frittes ! Alors qu’en réalité, ce qui est vraiment exquis, c’est ce qui est au centre et que l’on fait craquer sous la dent. Car, c’est au milieu qu’on les trouve, les cornichons. Finalement, il y a parfois quelque chose de bon au centre.


Juppé au centre et à côté de la plaque
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Mangeurs de rues… Bon appétit !
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Pris dans la nasse : de la privation des libertés à la déchéance des droits
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