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Matriarcat

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« Dis Maman c'était quoi être un homme ? »

Le petit garçon dans sa longue tunique grise réglementaire vient trouver une de ses mères. En 2048, les enfants sont éduqués par une collectivité de mères dans de grandes maisons. Il semble se poser des questions, il a l'air contrarié. Une des mères s'alarme, il a cette attitude caractéristique qu'elle a déjà vue… Elle voit ses craintes confirmées quand il demande :

« Dis Maman c'était quoi être un homme ? »

Et elle commence alors à expliquer :

« Un homme c'était une classification abusive des êtres humains selon leur genre et bien que dénués de matrices les hommes étaient considérés comme importants. Ils étaient brutaux, ils aimaient faire la guerre sans cesse. Et à peine sortis de l'enfance, ils s'amusaient à violenter les jeunes filles. Sans arrêt. Heureusement à l'époque les réseaux sociaux commençaient à se développer et bien qu'à l'époque ils n'étaient pas encore obligatoires et directement implantés dans le cortex cérébral, beaucoup les utilisaient.

C'est grâce à eux qu'un jour une de nos sœurs a dénoncé l'un d'eux, un producteur de cinéma, du divertissement sans utilité civique ou citoyenne. Les mâles nous donnèrent alors eux-mêmes la corde pour se faire pendre.

Nos sœurs dénonçaient sans trêve les mauvais agissements des hommes. Il n'y avait même pas besoin d'un jugement qui aurait pris du temps. Dénoncer quelqu'un faisait de la personne un coupable. Il n'y avait pas d'autres questions à se poser. Bien entendu il y eut sans doute quelques dérives, mais elles étaient inévitables. Et bientôt tout ce qui était viril ou masculin devint signe de mal, de mauvais, de diabolique. Les hommes étaient tous accusés. Ils étaient enfin perçus comme ils sont vraiment : brutaux, méchants, bornés, tournés uniquement vers leurs propres désirs…

…La Vérité se faisait jour.

Même chez ses défenseurs la virilité était assimilée à tout cela, caricaturée, ils contribuèrent à leur perte…

Beaucoup d'entre eux, de plus en plus chaque année, voulaient ressembler aux femmes si parfaites, si douces, si rationnelles, si intelligentes. Ils pleuraient presque de ne pas avoir d'ovaires et encore moins d'utérus. Certains parmi eux, les plus courageux, devenaient physiquement des femmes malgré les souffrances que cela engendrait pour eux, malgré les traitements médicaux à vie qu'ils devaient prendre. Ils étaient montrés en exemple, comme ce Conchita Wurst, un pionnier autrichien. Il assumait entièrement sa part de féminité mais bien sûr ce n'était pas encore suffisant.

Il fallait aller encore plus loin.

Les hommes n'avaient juste là aucune utilité dans le processus de fécondation et de reproduction. A part celui de donner une ou deux cellules. Il fallait trouver une solution. Il fut décidé de les libérer de ce qui leur causait tant de souffrances plus tard à savoir leur verge, une fois la puberté débutée, ce qui va bientôt être ton cas mon cher enfant. Et comme ils ne connaissaient pas les joies d'être des matrices il fallait bien qu'ils les ressentent enfin. Ils devinrent donc les porteurs de vie, portant les enfants à la place des femmes dès la quatrième semaine de grossesse.

Ils sont nourris, logés, n'ont pas le droit d'avoir des responsabilités, ils n'en sont pas capables. Ils devraient s'estimer heureux de leur sort…

Et toi tu es heureux de tout cela ? N'est-ce pas ? »

Le garçon fit fugitivement la moue puis grimaça un sourire.

« Oui bien sûr, Maman » répondit-il à celle qui n'était pas du tout sa mère. Et il retourna à ses jeux.

Elle le regarda de loin sans aucune tendresse, après tout ce n'était qu'un petit mâle, il était temps qu'on l'aide à faire le sacrifice indispensable de ce qui était masculin chez lui. Et ainsi les états unis d'Europe seraient toujours plus heureux chaque jour même assiégés par le grand califat uni à ses frontières. Mais qui leur reprocherait de vouloir se venger de centaines d'années de domination patriarcale ? D'ailleurs les mères en hommage portaient toutes le voile intégral….


Saint Pétersbourg
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Une bien mauvaise nouvelle
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Coup de gomme
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