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3 romans qui parlent de Dieu, de croisade et de sang (3/3)

3 romans qui parlent de Dieu, de croisade et de sang (3/3)

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#3 – Le plus catholique : Les milices de l’Archange, de Gérard Guyon (Ed. Via Romana)

Gérard Guyon n’a pas, de prime abord, le profil d’un romancier. Universitaire bordelais spécialiste de l’histoire du droit (pénal, notamment) et des institutions, professeur émérite à la faculté de droit de Bordeaux, il était surtout connu pour ses recherches sur les rapports entre institutions et christianisme.

Auteur principalement d’ouvrages juridiques, il signe avec Les milices de l’Archange un texte d’un genre très particulier.

Bien que ce thriller se déroule au sein d’un environnement connu de l’auteur – le personnage principal est un universitaire spécialiste du droit – l’intrigue ne se cantonne pas aux couloirs des facultés ni aux salles de cours. Roman contemporain mêlant enjeux géopolitiques, questions de sécurité nationale, facteurs religieux et terrorisme international, il nous entraîne dans une enquête haletante sur plusieurs continents, à la découverte de la clef d’une énigme dont la paix mondiale dépend. Gérard Guyon livre ici un Da Vinci Code d’un genre tout aussi romanesque, en plus sourcé, plus réaliste, et certainement moins farfelu que le best-seller de Dan Brown. Écrit en 2011, ce roman contemporain n’a pourtant rien perdu de sa pertinence. L’auteur, décédé en 2016, n’aura certainement pas eu le temps de voir combien certaines de ses inventions littéraires (ou intuitions véritables?) s’étaient révélées justes.

L’intrigue débute dans le monde banal, réglé, méticuleux et routinier de l’université. Le personnage principal, le professeur Emmanuel Kant (!), fait l’acquisition fortuite d’un manuscrit ancien, dans un bazar d’Istanbul. Il ne le sait pas encore, mais cet achat innocent va bousculer son quotidien établi d’universitaire respecté et bien installé.

Supérieur attentif et universitaire compétent, le bon professeur se retrouve subitement mêlé à la plus rocambolesque des aventures. Enchaînant les tribulations qui prêteraient à sourire si elles n’étaient pas teintées des pires dangers, se glissant entre les tentatives d’assassinat répétées et les multiples chausse-trappes tendues sur son chemin, notre héros est bientôt secondé dans cette inattendue épopée par sa remarquable assistante.

On dit remarquable, parce que pour une secrétaire, Mlle Payan s’y connaît aussi drôlement bien en maniement d’armes, en combat à mains nues, en désilhouettage, en repérage d’agents clandestins, en gestion du stress intense – bref, en disciplines qu’on apprend généralement plus à la DGSE qu’en BTS Secrétariat. 

Et pour cause, car le professeur embringué, bien malgré lui, dans une course contre la montre pour contrecarrer rien de moins qu’une conspiration mondiale pour abattre l’Occident chrétien pourra dorénavant compter sur le soutien de cette alliée redoutable.

De l’ESM Saint Cyr à la British Library londonienne, des locaux de la DGSE à l’Académie Pontificale Ecclésiastique, de la bibliothèque Vaticane à celle des Prémontrés à Prague, d’instituts de recherche islamique en mosquées, de la Suisse à Rome, d’Athènes à Gabès en Tunisie, nos héros se lancent sur la trace de ceux qui, non contents de conspirer, s’ingénient en plus à semer sur leur passage force cadavres. Dont nombre de dépouilles ecclésiastiques, s’il vous plaît! 

Ce thriller bien mené, truffé de détails passionnants – entre autres sur le fonctionnement des institutions ecclésiales – se déroule sur fond d’enjeux actuels : bataille d’influence entre Islam et Christianisme, migrations aussi massives que subites, problématiques de sécurité internationale et de terrorisme.

Récit de fiction, Les Milices de l’Archange aborde toutefois avec acuité nombre de questions contemporaines. Une entrevue à la Cité Vaticane est par exemple l’occasion de dresser un tableau des forces en présence au sein du monde moderne : 

« Il y a dans l’univers religieux actuel trois clans qui s’affrontent avec des armes différentes dont certaines sont mortelles : les partisans d’un humanisme libéral moderne, asservi aux majorités changeantes de la démocratie qui finira par nier l’homme, – ceux d’une religion exclusive et dominatrice, qui trace les frontières d’un territoire dans lequel se trouveront enclos toutes les nations, – enfin les fidèles attachés au Christ des Évangiles, à l’Église romaine et au Saint-Père garants de la Vérité. » p.167

Ailleurs, c’est le rapport de l’Église à la modernité qui est questionné, faisant écho au pontificat de Benoît XVI et à la publication du motu proprio Summorum Pontificum :

« Ce qui a provoqué une accélération du phénomène [les luttes de pouvoir au sein du Vatican], c’est la volonté du nouveau pape de redonner à la liturgie traditionnelle toute sa place, sa dénonciation répétée de la dictature du relativisme; c’est son rappel des vraies valeurs humaines. Dans ces conflits, la question primordiale est celle de la soumission de l’Église au Monde, à ses valeurs, à ses lois, à ses objectifs (…). Beaucoup voudraient que l’homme soit libéré de toutes les tutelles, surtout celles de la religion (…) Ce serait le triomphe absolu du modernisme et des idées libérales. L’homme enfin devenu Dieu ! » p.162

Quant à la réponse des catholiques à cet enjeu, un Père Abbé bénédictin en ébauche les contours malheureux : 

« C’est nous qui sommes une menace contre notre foi, par nos abandons et nos lâchetés. Comment voulez-vous que les adeptes des autres religions nous respectent, tellement sont peu nombreux ceux qui défendent la civilisation chrétienne? Car ce n’est pas en étant simplement à la traîne du jargon humanitaire qu’on va sauver le monde, et l’Europe en particulier. » p.113

L’intrigue est aussi l’occasion de revenir avec pédagogie sur des questions plus techniques, comme le dialogue des religions entrepris depuis Vatican II : 

« Il y a, depuis quelques années, des aspects trop troubles, dans les relations avec les autres religions  (…). Ce qui recouvre le tout, c’est un libéralisme excessif que l’image traditionnellement conservatrice du Vatican dissimule encore, mais dont les effets sont déjà perceptibles pour les observateurs avisés. » p.249

Et ailleurs, à propos de complicités internes à l’Église, concernant cette même question : 

« On est plus dans le cadre d’un œcuménisme banal où toutes les religions seraient mélangées et recomposées, ni dans celui d’une modernité religieuse accrochée aux valeurs scientifiques du jour. Ceux qui ont investi la place [au sein du Vatican] sont convaincus que l’Islam dominera rapidement l’univers, et que pour contrer sa puissance, il faut hâter le remplacement de la vieille institution pontificale romaine par une structure plus simple qui ferait, pour commencer, l’union de toutes les composantes catholiques, protestants, orthodoxes et serait dirigée par une sorte de Conseil Chrétien Universel. C’est pour éviter ces dérives que le Pape [on pense ici à Benoit XVI, ndlr] a remplacé le dialogue entre les religions par celui des cultures : pour empêcher qu’à force de rencontres et de concessions, la foi chrétienne perde sa cohérence doctrinale et ne soit plus qu’une forme particulière de croyance, parmi d’autres. (…) D’autres, encore moins nombreux certainement mais animés d’une volonté farouche, vont beaucoup plus loin. Ils pensent que la mixité religieuse en Europe est inéluctable, galopante. Qu’il faut s’y préparer… et qu’elle doit réussir. (…) Qu’il faut en hâter la réalisation et faire de l’Islam la tête de ce mouvement. » p.163-164

Des lignes qui font écho à la déclaration commune du Pape François et du Grand Imam d’Al-Azhar, quelques années plus tard – au sujet de laquelle nombre d’interrogations demeurent

Ce qui surprend, dans le livre de Gérard Guyon, c’est le caractère presque prémonitoire de certaines composantes de l’intrigue. Publié en 2011, le roman fait la part belle à un déplacement subit et massif de populations orientales vers l’Europe, sur fond de projet d’offensive djihadiste orchestrée. Gérard Guyon se sera trompé sur le facteur déclencheur de cette migration (un tremblement de terre artificiel), pas sur la réalité des déplacements de population ni sur leurs implications sécuritaires. 

Nos deux héros auront finalement bien du pain sur la planche pour remporter cette bataille – à défaut de gagner la guerre. Une guerre qu’il est toujours possible de perdre, et qu’il importe de ne pas gagner n’importe comment : 

« Il faut être vainqueur dans la justice. Devant Dieu et devant les hommes. C’est ce qui marque profondément les peuples. Le dilemme peut paraître cruel et le choix impossible, mais même si le Christ nous dit d’accepter d’être vaincu, nous ne pouvons pas laisser mourir le christianisme par notre faute, notre inaction. La charité : c’est d’offrir à chacun la liberté de croire et de se voir proposer ainsi la Vérité. Cette Vérité, c’est celle du Christ. Elle est unique. A nous de la protéger et de la transmettre. » p.301

De notre mieux et à notre place, c’est ce que nous faisons à Panoplia.

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