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Aucune histoire, jamais de Mathias Lair

Aucune histoire, jamais de Mathias Lair

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Qu’est-ce qui nous pousse à lire un livre de plus ? Rien. Pourquoi ? On en a déjà trop lus, des livres. Pour ma part, je préfère désormais me promener dans Paris près de Saint-Merri en pensant à Desnos ou au traiteur italien du quartier, flâner jusqu’au Point du Jour en longeant la Seine, en songeant à la splendeur des lacs-réservoirs, des barrages et au troupeau des ponts qui bêle l’après-midi. Parfois, il m’arrive même de ne penser à rien, d’être une simple mécanique biologique, heureux d’avoir des tendons, des muscles et des nerfs et de sentir le crottin des pots d’échappement. Loin de l’hypermarché littéraire et des ouvreurs de cartons que sont devenus de nombreux libraires, je survole plus que je n’ausculte. Le survol est une médecine : le stéthoscope a bien été inventé pour ne pas toucher le sein des femmes, pourquoi la littérature ne ferait-t-elle pas preuve d’un peu de pudeur également ? Bref, si on poussait encore le bois au Palais Royal, j’étendrais bien mes jambes à ne rien lire, à ne réfléchir à rien et à fléchir la raie. Mais, hélas, il vous arrive quelque fois des pépites qui vous autorisent à prendre le contre-pied de ce que vous affirmiez une ligne plus haut : Aucune histoire, jamais de Mathias Lair est un de ces livres qui vous conduisent à dire avec Oscar Wilde que « quand on est de mon avis, j’ai l’impression d’avoir tort ». Pourtant tout me sépare de l’auteur : il parle politique, moi non. Il est psychanalyste, je ne suis pas religieux. Il aime le champagne, je n’en bois jamais. Tout nous sépare, sauf que le peu qui nous réunit annule ce qui nous sépare. Son livre n’est d’aucune tradition, hormis celle du Neveu de Rameau. Son récit n’a rien de romanesque, préférant tout évoquer. Il y a dans ce récit l’âme de la liberté. La grandiloquence a son ironie secrète. La liberté est ce qu’il y a de plus dangereux pour un esprit. On l’a oublié depuis qu’on ne lit plus Berdiaev. Mathias Lair a cette ferveur d’être libre, sans un être un opposant-né. La liberté, libérée de la contrainte de l’opposition, n’est-ce pas ce qu’on appelle la littérature et la création ? Je le pense, en reprenant une chouquette. Grâce à Mathias Lair, j’ai mordu de nouveau au précipité littéraire, cette maladie honteuse à force d’être exposée comme un enfant dont personne ne voudrait. Après tout, se promener sur les quais un livre nouveau dans la poche n’est pas si mal, surtout quand on a le talent de Mathias Lair qui joue désormais de la musique avec Rameau.


Mathias Lair : Pour l’amour c’est raté
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Variations autour d’un arbre
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François Cassingena-Trévedy, écrivain et moine
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