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Bossuet, génie visionnaire

Bossuet, génie visionnaire

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Jacques-Bénigne Bossuet, génie de la langue française, contemporain de Pascal et de ses préoccupations sur le « silence effrayant des espaces infinis », fut l’homme le plus cultivé de son temps, le XVIIème siècle. Joël Schmidt, historien et romancier, nous livre une passionnante biographie de l’aigle de Meaux aux Editions Salvator, duelliste de la pensée jubilant des disputatios avec les protestants qu’il tentera, par une douceur persuasive jamais prise en défaut, de rallier au catholicisme (la grande affaire de sa vie, notamment sur les thèmes de la justification par la grâce, le libre arbitre et le mérite des bonnes œuvres) ; avec les jansénistes contre lesquels il n’est finalement pas si virulent car il admire leur discipline et leur rigueur ; avec les quiétistes (ces réminiscences du catharisme, du gnosticisme et de tous les illuminés qui prolifèrent au début du XVIIème siècle ; sa querelle avec Fénelon l’autre grand prélat de son temps sur la question du quiétisme côtoie les sommets de la rhétorique) ; avec les ultramontains afin de défendre les antiques positions gallicanes de la monarchie française par sa Déclaration du clergé de France en 1682 ; avec les frondeurs mettant en péril l’absolutisme royal dont il est le plus ardent défenseur.

Bien que très proche d’Anne d’Autriche qui l’admirait au plus haut degré, puis de Louis XIV pendant le règne duquel il sera précepteur du dauphin, il ne demeure pas moins un esprit indépendant, souvent critique et contempteur acerbe des excès du pouvoir et des infidélités conjugales des puissants. Formé aux humanités classiques, « Ce que j’ai appris de style, je le tiens des livres latins et un peu des grecs. », initié selon l’usage jésuite à l’histoire, l’astronomie et la physique, il est licencié de théologie puis docteur en 1652. En ce temps de Contre-Réforme catholique, le christianisme est en pleine effervescence et en plein renouveau. Notre ecclésiastique se lie d’une amitié profonde avec Vincent de Paul dont il empruntera le souci constant des pauvres. Dans le Panégyrique de saint François d’Assise, il met en garde les riches : « Gardez-vous bien de croire que les pauvres aient tout à fait perdu ce droit si naturel qu’ils ont de prendre dans la masse commune tout ce qui leur est nécessaire. Non, non, ô riches du siècle, ce n’est pas pour vous seuls que Dieu fait lever le soleil, ni qu’il arrose la terre, ni qu’il fait profiter dans son sein une si grande diversité de semences : les pauvres y ont leur part aussi bien que vous. » L’expression de sa vie religieuse et politique jusqu’à sa mort est contenue dans la devise « Deum Timete, Regem Honorificate » : Craignez Dieu, honorez le roi. Ses nombreuses prédications ou péroraisons, que sont les sermons, les panégyriques ou les oraisons, couvrent une vaste étendue de sujets et de domaines. La mort, la misère et la grandeur de l’homme, sont pour Bossuet, considéré comme Père de l’Eglise, de grandes affaires en ces temps belliqueux où le monarque français prend part à de nombreuses guerres suscitant souvent la réprobation de notre évêque.

Voici la belle méditation qu’il offre dans son Oraison funèbre de la duchesse d’Orléans : « Me sera-t-il permis aujourd’hui d’ouvrir un tombeau devant la cour, et des yeux si délicats ne seront-ils pas offensés par un objet si funèbre ? […] C’est une étrange faiblesse de l’esprit humain que jamais la mort ne lui soit présente, quoiqu’elle se mette en vue de tous côtés et en mille formes diverses. On n’entend dans les funérailles que des paroles d’étonnement de ce que le mortel est mort. Chacun rappelle en son souvenir depuis quel temps il lui a parlé et de quoi le défunt l’a entretenu ; et tout d’un coup il est mort. […] Et je puis dire, Messieurs, que les mortels n’ont pas moins de soin d’ensevelir les pensées de la mort que d’ensevelir les morts mêmes. […] Ubi est, mors, victoria tua ? « Ô mort, où est ta victoire ? » Ô mort ! Nous te rendons grâce des lumières que tu répands sur notre ignorance. Toi seule nous convaincs de notre bassesse, toi seule nous fais connaître notre dignité. Si l’homme s’estime trop, tu sais réprimer son orgueil ; si l’homme se méprise trop, tu sais relever son courage ; et, pour réduire toutes ses pensées à un juste tempérament, tu lui apprends ces deux vérités qui lui ouvrent les yeux pour se bien connaître : qu’il est infiniment méprisable, en tant qu’il passe, et infiniment estimable, en tant qu’il aboutit à l’éternité. »

Dans ses homériques et incessants combats, Bossuet, visionnaire, a très certainement pressenti que la diminution de l’autorité et le relativisme inoculé à la religion constituaient un terreau propice aux idées du XVIIIème siècle qui devaient imposer plus tard leurs visées révolutionnaires.


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