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Dostoïevski et Carrrere savent nous mentir avec talent

Dostoïevski et Carrrere savent nous mentir avec talent

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Parfois l’écho qui se crée entre deux lectures consécutives vous surprend. Elles se répondent l’une à l’autre sans que nous l’ayons voulu ou cherché. Le hasard de mes envies et de la rentrée littéraire m’a fait enchaîner Crime et Châtiment puis Yoga. Deux histoire de deux fous : Raskolnikov et Emmanuel. Deux journaux quotidiens à cœur ouvert, le premier à la troisième personne à Saint-Pétersbourg dans le milieu du XIXème siècle. Et le second à la première personne dans le Morvan puis en Grèce en passant par Sainte-Anne de janvier 2015 à fin 2016, entre Charlie Hebdo et les camps de migrants. Le premier héros est un étudiant miséreux et un assassin. Le deuxième est un écrivain célèbre, dépressif de 60 ans, suicidaire et adepte du Tai Shi et de la méditation.

Rien à voir a priori. Non rien à voir. Pourtant en y regardant de plus près, ils traitent du même sujet : l’aspiration à devenir un grand homme, à faire le bien pour l’humanité à travers son œuvre et le désespoir physique et moral de n’y point parvenir par l’autodestruction. Raskolnikov et Emmanuel, pas tout seuls dans leur tête, s’autodétruisent par overdose introspective jusqu’à la folie, parfaitement décrite par les deux écrivains dans leurs langages propres. Deux folies, deux impasses psychologiques.

Dostoïevski et Carrère nous immergent dans la vérité crue du réel et le lecteur plonge la tête la première. Carrère joue avec le lecteur sur l’explicite qui ne l’est pas toujours quand Dostoïevski lui nous ballade avec l’implicite. Tous deux savent nous mentir avec talent. C’est noir, crade, glauque, mais la lumière qui vous rattrape par les cheveux avant de sauter dans la Neva ou dans la Seine n’est jamais loin, dans une rencontre au coin de la rue.

Deux folies, deux impasses, deux rédemptions ?

Ces deux maîtres du bipolaire se rejoignent aussi et en fin de roman sur le sens d’une vie : dans l’amour partagé d’un homme et d’une femme, plus chaste et plus fidèle dans la fiction réaliste de Fédor que dans la réalité fictive d’Emmanuel, mais tout aussi salvateur au fond. Proust disait que les beaux livres sont écrit dans une sorte de langue étrangère. Les livres utiles aussi. Les beaux livres utiles ont leur propre langue. Ces deux-là se comprennent en tout cas, et nous emmènent subtilement à la recherche d’une lumière dans la nuit de nos impasses.

« Tous deux étaient maigres et pâles, mais sur ces pauvres visages ravagés brillait l’aube d’une vie nouvelle, celui d’une résurrection. C’était l’amour qui les ressuscitait. » Extrait de Crime et Châtiment

« Tout ce qui est réel est vrai par définition, mais certaines perceptions du réel ont une plus grande teneur en vérité que d’autres, et ce ne sont pas les plus optimistes. Je pense par exemple que cette teneur en vérité est plus élevée chez Dostoïevski que chez le Dalaï Lama. Bref, pour mon livre souriant et subtil sur le yoga, je me retrouvais un peu emmerdé. » Extrait de Yoga


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