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En marche ! ou la satire de notre monde

En marche ! ou la satire de notre monde

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Un conte philosophique et satirique sur le monde artificiel que nos élites standardisées bâtissent, en dépit du bon sens et de toute adhésion populaire, quelle aubaine ! En marche !, de Benoît Duteurtre, est un régal d’intelligence malicieuse, d’humour narquois et de réflexion profonde. L’ouvrage doit être lu par tous les esprits ouverts qui s’obstinent courageusement à vouloir demeurer libres et vierges vis-à-vis du politiquement correct. C’est du Houellebecq pour la lucidité et la très juste critique en creux de la froide et effrayante modernité, mais en beaucoup plus souriant, en plus léger. C’est une matière à rire franchement, luxe nécessaire et salvateur en ces temps obscurs et préoccupants.

Et bien rendons-nous avec Thomas, personnage principal, jeune député tout juste élu en France, dans le pays-témoin de tous les progrès, la Rugénie, située dans cette Europe devenue province des Etats-Unis où l’anglo-américain a remplacé les anciennes langues nationales, pour assister aux championnats de la Diversité : « Grand coup de projecteur sur la Rugénie qui accueille les premiers championnats internationaux de la Diversité. Si vous croyez que le ballon rond n’est pas réservé aux machos, qu’une femme voilée peut être une athlète et qu’une personne handicapée peut courir le cent mètres, venez à Sbrytzk (capitale de la Rugénie) déconstruire les stéréotypes. Vous y rencontrerez des sportifs du monde entier accompagnés de leurs coachs. Au programme, les meilleures footballeuses professionnelles, mais aussi des sprinteurs LGBT, des perchistes islamistes, des gymnastes en fauteuil, des boxeurs autistes s’affronteront amicalement. Un nouveau challenge pour la Rugénie et son projet humaniste écoresponsable… » Quand une équipe de handballeuses lesbiennes bulgares affronte sept musulmanes koweïtiennes voilées, n’éveille-t-on pas toutes les curiosités et la Rugénie ne parvient-elle pas au sommet du progressisme? Le progressisme ultime par le sport, bien vu…

Dans ce pays, les flatulences bovines sont considérées comme légales ou non à l’aune de l’empreinte écologique qu’elles laissent. La dérégulation des échanges et l’abandon de l’Etat-providence, ainsi qu’une stricte réglementation de la vie quotidienne conduisent « au développement de l’agriculture biologique comme à l’éradication de la consommation de viande et de tabac, aux déplacements à bicyclette, à la pratique du sport et au recyclage des déchets - sans oublier les droits des femmes, des handicapés et des personnes LGBT. Liberté économique et régulation éthique de pratiques individuelles : ce double défi permettrait seul, d’aborder sereinement le troisième millénaire. » Et ce n’est pas tout, ce meilleur des mondes orwellien ou huxleyen peut se targuer d’incarner la fine pointe du progrès : assouplissement du marché du travail, développement des énergies renouvelables, lutte contre les stéréotypes, libéralisation des transports publics et interdiction des véhicules diesel, ouverture de l’audiovisuel public à la publicité, féminisation des conseils d’administration, fin des allocations chômage et instauration des quotas d’enfants issus de l’immigration dans les universités. Dans le roman, Stephan Gloss, théoricien de ce monde nouveau et conseiller personnel du président, établit trois piliers dans son ouvrage La globalisation heureuse : liberté économique, protection des droits humains et sauvegarde de la planète. Voici comment il développe sa vision : « J’ai rappelé en quoi une société contrôlée n’est pas mauvaise par nature, mais en quoi l’Occident s’est longtemps fourvoyé en prônant une régulation de l’économie par l’Etat. Car l’économie se nourrit de son propre élan, comme l’a montré le fabuleux décollage asiatique. En revanche, ce qui s’impose désormais à l’humanité est la régulation des comportements : une guerre à tous ces gestes par lesquels l’homme fragilise l’écosystème et se met en danger lui-même. C’est pourquoi je prône une économie ouverte et une vie réglementée, non au sein du cadre archaïque de la nation, mais par l’ensemble des peuples attachés à ces enjeux : libérer le marché pour la prospérité de tous ; combattre les mauvaises habitudes de consommation et d’hygiène ; respecter les choix des individus et ceux de leurs communautés fondées sur des spécificités religieuses, sexuelles ou autres - afin qu’elles se juxtaposent au lieu de se combattre. »

En aparté du roman de Duteurtre et de sa Rugénie formatée aux canons modernistes, que peut-on dire de la France elle-même cantonnée au rôle de sous-préfecture du monde global ? Qu’elle va, dans un élan de panurgisme, entériner d’ici peu le « pacte des migrations » que l’ONU souhaite imposer aux 193 nations du monde qu’elle référence. Cet avatar en forme de nouvelle perte de souveraineté est le cocktail spécial, le bouquet d’apothéose qui signe pour la France l’entrée de plain-pied dans LE NOUVEAU MONDE (qui ressemble plutôt à une antichambre de l’enfer) : monde du multiculturalisme, du marchand, du Dieu-Argent, des patrons et footballeurs milliardaires, de la déculturation et de l’arasement de toutes les cultures particulières. Le « pacte des migrations » établit que les transhumances de populations à l’échelle planétaire seront désormais « sûres, ordonnées et régulières ». Voici donc la Tour de Babel érigée en déesse toute-puissante ! Voilà encore l’assurance de la plus grande instabilité et de conflits sans fin. Le démographe et professeur franco-américain Stephen Smith, dans son ouvrage La ruée vers l’Europe - La Jeune Afrique en route vers le Vieux Continent, considère « qu’un quart des habitants de l’Europe seront africains en 2050 ». Jean Raspail de son côté, fin observateur de ces sujets depuis les années 60, avance qu’en 2050 en France, plus de 50% des personnes de moins de vingt ans seront d’origine extra-européenne (africaine, asiatique, moyen-orientale…), marquant ainsi un basculement démographique et culturel irréversible. Interloqué par ces prévisions alarmistes mais bien réelles, on peut se demander sans trop d’espoir quand enfin les politiques cesseront-t-ils de piétiner et détruire notre civilisation? Car ils feignent encore, entourés du cortège pitoyable des « intellos et journalistes caviar », de ne pas comprendre les revendications des « gilets jaunes » qui ne seraient ni très précises ni bien consistantes… Le MONDE D’AVANT considéré par ces tristes élites comme moisi, blanc et fascisant, ne concerne pas moins que les agriculteurs, ouvriers, employés, petits commerçants et artisans, ce monde réel englobé dans le vocable « classes moyennes » ou « France périphérique » et qui subit les affres de la mondialisation et l’incurie de ses promoteurs. Ce noble monde ancien ne s’offrira pas en victime expiatoire et pourrait bien extirper de leur somnolence tous les embourgeoisés du confort, du pognon, des loisirs, du fitness, vertueusement parés de leur conscience verte, adeptes auto-satisfaits du diversity et du charity business, lascivement vautrés dans leurs pauvres certitudes matérialistes…

Autre actualité ou plutôt autre constat relatif à l’abandon de la politique au profit de la sacro-sainte communication. Si nous sommes « ravis » de savoir, par exemple, que le premier ministre pratique la boxe, source de forme physique et de détente (qui pourrait par ailleurs lui être utile en cas de durcissement du conflit actuel), est-ce bien décent de prêter attention à ce type d’information quand on voit l’état de déliquescence et de désespérance du pays ? Notre homme n’est bien sûr pas seul responsable, les médias endossent leur part (prépondérante), ainsi que tous ceux qui trouvent intérêt pour des choses aussi superfétatoires. Ces cinquante dernières années, la politique a été sacrifiée et remplacée petit à petit par la communication qui est désormais omnipotente dans notre paysage. Autrement dit, on a substitué à la complexe et passionnante réalité humaine une vie superficielle faite d’éléments de langages, de scoops, de news et de fake news, de tweets et de likes… On a bâti une société de spectacle, fragile, déconstruite et sans colonne vertébrale. Les hommes politiques se sont totalement discrédités car ils n’ont plus pris soin du peuple que les élections leur confiaient. C’est là un symptôme très grave de la maladie qui nous ronge : les élites politiques n’aiment pas le peuple et lui préfèrent toutes les idéologies transformatrices que sont l’eugénisme, le multiculturalisme, les droits de l’homme et le mondialisme.

Terminons tout de même par un sourire, grâce à la réplique du paysan Hans dépossédé de sa ferme trop polluante et transformée en ferme bio modèle, aux frais de l’Etat rugène, tandis que sa femme se découvre une passion soudaine pour les livres : « J’aurais jamais cru que les pets de nos vaches conduiraient ma femme à la poésie ! »


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