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Faire sens ? Et puis quoi encore ?

Faire sens ? Et puis quoi encore ?

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Il est des expressions comme des accessoires de mode. Certaines font florès puis sombrent dans les oubliettes du néant collectif. D’autres parviennent à s’installer durablement dans notre paysage sémantique. Aidé de nos médias, il en est une qui envahit de plus en plus notre univers : faire sens.

Je dois confesser combien je suis absolument hermétique au bienfait de cette nouvelle venue des tocs linguistiques. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il ne s’agit pas de simples mots totalement inoffensifs. Loin s’en faut. En communication, au même titre qu’être ou avoir, le terme faire est à proscrire. Verbe passe-partout, bouche-trou même, on le considère comme faible. Sa notoriété actuelle est donc à n’en pas douter la vengeance d’une minorité opprimée. On peut sourire à cette image mais la réalité n’est pas loin.

Faire sens, c’est vouloir construire une nouvelle signification. Le verbe faire implique une volonté tendue vers un objectif. En l’espèce, on revendique de donner aux concepts, aux mots ou aux idées un sens nouveau. Certains argumenteront même que c’est cela qui fait du français une langue vivante… J’aurais au contraire tendance à croire que c’est en usant correctement de notre langue que nous la préservons le mieux.

 

Un credo révolutionnaire

Faire sens, petite expression de rien est en fait un dangereux credo révolutionnaire proche à l’excès du fameux « « faisons du passé, table rase ». Ces deux mots n’affirment rien de moins que le règne absolu du relativisme. Le sens est donné par ma propre volonté. J’affirme par cette expression, le primat de ma sincérité sur la vérité. Or, la vérité se reçoit. Elle ne s’invente pas.

Faire sens, c’est soumettre cette vérité à mon désir, à mes pulsions, à mon idéologie du moment. Et l’on perçoit bien alors ce qu’il y a de clivant dans ces deux pauvres mots. Notez bien que je n’ai rien contre eux évidemment mais cette malheureuse expression a essaimé. Ses sœurs sont nombreuses : faire corps, faire famille, faire Eglise, faire nation France…

Avant de mener une révolution, les Villa, Lénine et autre Besancenot vous le diront, il faut l’inscrire dans la tête et les cœurs. Les commissaires politiques de la bienpensance sont passés maîtres es-sémantiques redessinant à l’envie les frontières mollement gardées par les Immortels. L’orientation économique de notre pays nous a de longue date conduits à privilégier les formations scientifiques ou économiques… Nous nous sommes concentrés sur le comment au détriment du pourquoi. Et c’est là le drame de nos élites plus attachées à faire marcher la planche à billets pour répondre au canon de réussite du monde que de s’interroger sur l’origine, la finalité et finalement la nature de l’Homme et les mots qui le disent.

Notre langue est une richesse, un héritage, un joyau finement ciselé par les ans. Les recevoir et en user à bon escient nous rend débiteurs. Inacceptable pour ce monde individualiste dénoncé récemment par le Pape François et puis tant qu’ils font sens…


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