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Grosjean met en garde contre la tentation prométhéenne

Grosjean met en garde contre la tentation prométhéenne

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L’abbé Pierre-Hervé Grosjean sait parler aux jeunes. Il le prouve à nouveau dans son ouvrage intitulé Donner sa vie. Il s’adresse aux adolescents et aussi aux adultes qui ont su garder l’esprit d’enfance. « Un vrai don est toujours sans limites. » affirme-t-il en écho au bel adage indien « Tout ce qui n’est pas donné est perdu. » et à la lumineuse inspiration de Saint Bernard « La mesure de l’amour c’est d’aimer sans mesure. » Pour toucher au cœur, il faut savoir user de l’aphorisme mais notre abbé dépasse cette utile nécessité pour livrer une part intime de lui-même, de l’expérience de sa fragilité en tant qu’homme et en tant que prêtre.

Dans la préface, Monseigneur Olivier Leborgne, évêque d’Amiens, déploie le fil suivi :

« Le père Grosjean essaie de dresser un panorama le plus complet des chemins qui se présentent et de l’appel du Seigneur, sans en cacher les difficultés -à confondre la joie et la facilité, on ne peut passer que de déceptions en déceptions- mais en en montrant la beauté et la force. D’une manière très concrète, il débroussaille, provoque, conforte, éclaire. »

La cohérence entre la foi et les actes posés devrait être un défi accepté puis relevé. Comment croire en Dieu sans lui réserver la place centrale dans nos engagements personnels, familiaux et professionnels ? Le « je, je, je », ce « tout à l’égo » comme dirait l’espiègle Régis Debray, cet égotisme contemporain qui décrète « Je veux cela, je veux m’épanouir, accomplir mes volontés, réaliser mes rêves, je veux profiter. » doit impérativement être réduit afin d’offrir un espace à Celui qui pour le chrétien est Chemin, Vérité et Vie. Etre dans le monde et pas du monde est une autre façon d’affirmer l’existence d’un ordre de la foi qui se situerait au-dessus des contingences naturelles. Non pas qu’il faille opter pour une spiritualité désincarnée, bien au contraire le chrétien est épaisseur charnelle, incarnation véritable, mais il est souhaitable de dire avec le Christ : « Notre royaume n’est pas de ce monde. » L’écrivain explorateur français Guy de Larigaudie s’enthousiasmait ainsi : « Il est aussi beau de peler des pommes de terre pour l’amour du Bon Dieu que de bâtir des cathédrales. » et avant lui, Thérèse de Lisieux au XIXème siècle avait humblement confessé dans Histoire d’une âme : « J’ai choisi l’amour du Seigneur dans chaque chose ordinaire. Alors, je mettrai tout mon cœur à les rendre extraordinaires ! » En fait, la vie éternelle est déjà commencée, et cette bonne nouvelle matérialisée par la mort et la résurrection de Jésus comble le cœur du croyant. Il n’y a plus à avoir peur, comme y invitait avec une persuasion prophétique le pape Jean-Paul II.

L’abbé Grosjean exhorte à opter pour la magnanimité et l’humilité plutôt que de croire à la suggestion du démon qu’Eve entendît dans le Livre de la Genèse : « Vous serez comme des dieux. » La tentation prométhéenne n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui. L’hyperpuissance de la technique peut donner le sentiment fallacieux que sa détention entre nos mains est une clé pour maîtriser sa vie et être heureux. Le refus de la transcendance et l’éclipse de la mort des radars occidentaux sont des signes troublants de la démesure qui a gagné le cœur de l’homme. Nous pouvons ajouter l’illimitation des droits de l’individu, c’est-à-dire la création de nouveaux droits à chaque expression d’une demande particulière. Le moloch libéral peut donc se gaver de la prodigalité du législateur et de cette extension infinie de la volonté individuelle. Face à l’inflation des droits, la philosophe Chantal Delsol évoque la réflexion récente visant à distinguer les « droits fondamentaux » revêtant un caractère considéré comme universel, à l’instar de ceux contenus dans la Déclaration des Droits de l’Homme de 1948, des « droits ad hoc », ces droits naissants de second niveau à circonscrire à des situations particulières. Faut-il établir une hiérarchie des droits ? C’est une piste tant la machine s’est emballée follement. Pour paraphraser Chesterton, à ne plus croire en Dieu, l’homme ne croit plus en rien et par conséquent il croit en n’importe quoi. Dans ce n’importe quoi est contenu le principe du nombre, de la multitude des revendications et aspirations s’apparentant à autant de vérités personnelles dogmatiques. Il va sans dire que ce phénomène de « lutte de tous contre tous » contrevient à l’intérêt général et à la cohésion nationale. Il ne faut pas chercher beaucoup plus loin l’une des causes de l’archipélisation de notre pays.

La célèbre phrase de Julien Green nous vient à l’esprit : « Le péché du monde moderne, c’est le refus de l’invisible. » A contrario, l’hypervisibilité des individus fascinés de selfies et rendus technophiles compulsifs est ce refus de toute intériorité que l’époque postmoderne assume pleinement.

A rebours des structures de péché, de la culture de mort, de cette hubris destructrice qui s’empare du cœur humain, notre auteur rappelle que l’amour appelle l’amour. Ce que nous avons reçu est fait pour être donné, nous sommes appelés à mettre au service notre vie pour aimer à notre tour. Il livre à notre méditation les mots de Saint-Exupéry extraits de Citadelle : « Ce pour quoi tu acceptes de mourir, c’est cela seul dont tu peux vivre. » En répondant à ce « pour quoi » de l’existence, le cap de nos vies s’éclaire. Pour retrouver la précieuse liberté intérieure face aux péchés qui blessent et taraudent, il faut encore, nous dit l’abbé Grosjean, pratiquer la confession, régulièrement, avec joie et confiance.

L’un des géants du XXème siècle, Jean-Paul II, au moment où il montait sur le siège romain de Saint-Pierre, le 22 octobre 1978, avait ces paroles :

« N’ayez pas peur, au contraire, ouvrez tout grand les portes au Christ. […] Non ! Celui qui fait entrer le Christ ne perd rien, rien -absolument rien de ce qui rend la vie libre, belle et grande. Non ! Dans cette amitié seulement s’ouvrent tout grand les portes de la vie. Dans cette amitié seulement se dévoilent réellement les grandes potentialités de la condition humaine. Dans cette amitié seulement nous faisons l’expérience de ce qui est beau et de ce qui libère. Ainsi, aujourd’hui, je voudrais, avec une grande force et avec une grande conviction, à partir d’une longue expérience de vie personnelle, vous dire, à vous les jeunes : n’ayez pas peur du Christ ! Il n’enlève rien et il donne tout. Celui qui se donne à lui reçoit le centuple. Oui, ouvrez, ouvrez tout grand les portes au Christ- et vous trouverez la vraie vie. »

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