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Hélène Raveau ravive les choses d’en haut

Hélène Raveau ravive les choses d’en haut

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Toute littérature est politique et toute poésie davantage car elle convoque Dieu sur terre. Avec les choses d’en haut, Hélène Raveau nous livre bien plus qu’un roman, elle convoque l’histoire passée de l’Abbaye de Port-Royal dans une réalité présente qui rend possible sa résurrection. Un écrivain va rendre justice à la foi des femmes de Port-Royal en usant de son pouvoir narratif. Et Hélène Raveau nous prévient : « L’œuvre ici évoquée n’a rien d’archéologique, elle récuse « l’horreur du musée », cette seconde mort du passé, par se laisser ressaisir par le souffle qui l’avait animé, cet autre nom de la grâce… » (Les choses d’en haut – Hélène Raveau – Editions Salvator – ISBN 9782706712135 - p9)

Le Christ nous a promis l’épée

Voici que notre temps matérialiste, post-moderne, qui ne croyait en rien et qui ne croit même plus en lui-même, renoue avec l’histoire par des soubresauts d’un islam figé au VIIème siècle. Et au moment où des mosquées se construisent pour faire disparaitre les prières de rues, Hélène Raveau imagine que des femmes osent recréer Port-Royal pour affirmer la supériorité et la primauté des choses d’en haut. Et c’est ainsi que le monde se sent défié car inapte à rivaliser, le monde se sent méprisé, lui qui avait tant pourvu. Le simple désir d’adorer le corps du Christ devient un blasphème pour un monde qui se veut suffisant, jusque dans son Eglise parfois. « Oui, Monseigneur. Etre l’ennemi des autres est tout à fait chrétien. » (Ibid. - p52) Les femmes de Port-Royal sont conscientes que le Christ leur a promis l’épée. La lente montée de la guerre civile dans notre pays fait s’unir d’un coup tout le monde contre un ennemi commun : celles qui ont décidé d’orienter leur regard. « Ce droit imprescriptible de ne se donner qu’à Dieu, de ne se tourner que vers Dieu, fut insupportable à une société qui ne tournait ses yeux que vers le Prince » (Ibid. - p18) on aurait presqu’envie de dire prince de ce monde.

Collision des ici-bas de l’Histoire

Hélène Raveau écrit un récit qui transcende le temps pour imaginer la résurrection de Port-Royal tout comme sa perpétuation. Il ne s’agit pas seulement de tenter une deuxième fois sa chance, mais de rallumer un feu qui ne peut totalement s’éteindre. Deux temps se font face et se ressemblent. Marx disait que l’histoire quand elle se répète, se répète en comédie, voire en farce, et c’est bien ce que nous observons ici dans la figure du CRS qui imite la brutalité des envoyés de Louis XIV, tout comme dans la figure d’un président ayant du mal à rejouer la tragédie du roi qui eut le culot d’usurper le centre, en se qualifiant de soleil ! Alors que les femmes qui rebâtissent Port-Royal ne recommencent pas l’histoire, elles se souviennent, elles héritent… Le passé et le présent imaginaire se font face comme deux miroirs, symbole d’un monde qui ne sait que se regarder, se lécher le nombril. Une véritable collision de l’ici-bas dans une collision des temps qui s’entremangent. Le miroir, le lieu où l’époque s’admire, est son trou noir.

Ce roi qui se qualifia de soleil ne supporta pas que les femmes de Port-Royal adorent ce disque blanc dans l’ostensoir, cet ostensoir baroque fait d’or que l’on appelait soleil d’ailleurs… Elles avaient choisi un no man’s land pour en faire le port de leur roi, mais celui qui usurpa le centre, Louis XIV, le roi sacrilège, fit tout détruire et même déterrer les morts. Ironie du sort, comme toujours, Hélène Raveau note après la tempête de 2000 qui avait arraché les arbres délimitant le périmètre du cloître : « Dieu aussi sait faire table rase. » (Ibid. - p28) Ironie de l’histoire aussi quand en 1793, à Saint Denis, les restes royaux seront extirpés du sol.

Détruisez cette maison, en cent pages, Hélène Raveau la rebâtira

Il ne s’agit pas seulement de rebâtir un cloitre, mais de rebâtir une civilisation, de l’orienter de nouveau. « Elle avait eu un haut le cœur le jour qu’elle entendit un journaliste américain dire qu’il ne disait pas aller en France, mais aller au Musée. » (Ibid. - p31) Mais la foi met longtemps à mourir. Et le Verbe ne meurt pas. Et les écrits de Pascal retrouvés dans la doublure de son pourpoint sont toujours là.

Avec poésie, avec ironie, avec culot, Hélène Raveau, en quelques pages, relève une maison, rebâtit un monde oublié, le rend à nouveau possible, vrai, réel. Détruisez cette maison, en cent pages Hélène Raveau la rebâtira. Hélène Raveau oriente notre regard vers les femmes, et les femmes vers les choses d’en haut. Nous voici verticalisés depuis notre intérieur après avoir lu ce roman. On aurait presque envie de rendre réel ce roman, de lancer le chantier du siècle maintenant, de refonder Port-Royal.


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