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Houellebecq, écrivain en période réfractaire

Houellebecq, écrivain en période réfractaire

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Nous avons donc fait une mise en ligne « Spécial Houellebecq ». Nous avons tous lu Sérotonine, du moins, nous l’avons tous acheté. 340 000 ! Savoir que ceux qui ne lisent qu’un livre par an liront celui-là m’attriste. Je ne dis pas que c’est nul. Mais Sérotonine est tout sauf le livre à lire quand on n'en lit qu’un par an. Je ne recommanderais pas à quelqu’un qui ne va jamais au musée de commencer par l’urinoir de Duchamp !

 

Pour que le lecteur de droite jouisse


Cela ne commence pas si mal. Il y a de la jouissance intellectuelle. Houellebecq campe un héros hermétique au modernisme et au camp du bien, tant mieux. On se croirait un peu dans un long poème de Philippe Muray. On jubile devant ce héros qui fait un doigt d’honneur à toute la modernité et au politiquement correct, qui fume, qui boit, qui mélange les déchets des autres, qui a des propos racistes, qui dit pédé et putes… Qui dit vrai, sans dialectique. « Je n’aurais peut-être pas fait grand-chose de bien dans ma vie, mais au moins j’aurais contribué à détruire la planète. » (p 48). Mais, le poème contre-moderne s’épuise un peu, et après avoir joui en lisant, que nous reste-t-il ? Homo post lectio, animal triste ? L’homme est un animal de désir et nous savons que toute la littérature de Houellebecq montre que notre monde, le monde de la jouissance, a tué l’essence même de l’être humain. Pourquoi flatter ainsi notre cerveau réactionnaire ? Pour garder les nouveaux lecteurs venus à lui avec Soumission et n’ayant retenu du livre que cette formidable capacité à prophétiser le futur proche ?

 

Pour que le lecteur de gauche s’y retrouve


En équilibriste, Houellebecq sait faire en sorte de ne pas perdre son premier lectorat pour qui sa narration est une lecture miroir, ces bobos décadents et se trouvant profonds quand l’industrie du porno pénètre les arts. Ils sont tellement infatués de parler philosophie en montrant qu’ils ont tout vu, tout essayé, et qu’ils sont blasés devant tant de cul. Un public semblable à ceux qui ont fait tous les manèges à sensation d’une fête foraine et parlent de yoga et méditation avec un sérieux frisant le ridicule. Le porno est un commerce pour Houellebecq, il ne sert absolument pas la narration, totalement dispensable. Retirez la scène de zoophilie et celle de pédophilie et vous verrez que le livre tient le coup. Le porno est juste semé pour que ses lecteurs s’y retrouvent. Ils seraient déçus de ne pas en trouver. Quel dommage que Houellebecq ne prenne pas le risque de décevoir ! Après avoir lu une page entière d’insanités déblatérées avec désinvolture et indifférence par Florent le héros de Sérotonine, nous pourrions lui mettre notre poing dans la gueule et commenter à la Francis Blanche dans les Tontons Flingueurs : « C’est curieux cette manie chez les pornographes de faire des phrases. » Un tourbillon pour étourdir le lecteur, le salir, l’assimiler.

 

Une littérature miroir


A l’instar de la littérature pour enfant qui raconte aux têtes blondes des histoires de cartable, de cantine, de papa divorcé, de cour de récré… Houellebecq raconte dans Sérotonine nos pauvres vies, notre pauvre psychisme. Le miroir est déformant, bien sûr, caricatural, c’est le propre de la littérature pour enfant. L’homme prend des antidépresseurs, il est libidineux, il n’a vécu que des échecs sentimentaux et il peut enfin à 50 ans être sûr d’avoir raté sa vie. Le héros est tellement caricatural qu’il manque d’épaisseur et même de réalité. On se dit qu’il doit se mentir à lui-même, on se dit surtout que Houellebecq nous ment. Il a décidé de nous priver de littérature. Il est incapable d’en écrire parce que nous serions incapables d’en lire ? C’est fini. Michel Strogoff, nous n’y aurons plus droit.
Houellebecq, malgré tout, malgré lui, nous dit tout de même des choses bien sûr. Il parsème son roman de références littéraires et de fragments d’âmes. Et comme l’indigence du livre brouille les pistes, on a l’impression d’être encore plus fort d’avoir percé le mystère, d’avoir su percevoir toute la profondeur de l’écrit derrière le rien et le porno. Un roman d’amour ! Une quête métaphysique ! Une prière ! Il faut dire qu’un miroir fonctionne dans les deux sens, il est donc fort à parier que la profondeur que l’on prête à l’écrit de Houellebecq soit en fin de compte la nôtre que l’on y projette.

Etant devenu un produit comme les autres, Houellebecq est devenu un écrivain en période réfractaire. Une Amélie Nothomb de plus qui ne sait que se reproduire à l’infini. Il a une idée d’histoire, il plaque une dose de saillies réactionnaires, une dose de porno, une dose de références littéraires et philosophiques et il laisse ses lecteurs s’enorgueillir d’avoir su voir l’intelligence et la profondeur au-delà de l’indigence. Houellebecq s’échine à ne pas écrire le roman qu’il veut écrire. Soumission fut le roman raté de la conversion. Sérotonine est le roman d’amour avorté. Il veut tout gâcher. Il le fait exprès et devient ainsi comme Les Nuls pour la littérature. On dirait du Philippe Katerine. Il nous prend pour des cons et on est censé aimer. Alors que l’on aimait bien quand Katerine faisait de vraies chansons. Alors que l’on aimait bien quand Houellebecq faisait de vrais romans.


Houellebecq : celui qui ne sait ni écrire ni vivre
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Tsss… Houellebecq, Houellebecq !
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Sérotonine : Trop pudique pour être sincère
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