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La Baraque des prêtres

La Baraque des prêtres

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Il y a des livres qu'on ne devrait pas lire un an après qu'on vous les a offerts. Car le temps perdu ne se rattrape plus et la compréhension de notre monde d'aujourd'hui exige urgemment de tenir compte des leçons du passé.

La Baraque des Prêtres de Guillaume Zeller est un ouvrage de référence qui retrace de façon historique en s'appuyant sur de nombreux témoignages la vie quotidienne du « clergé de Dachau ». Dès son accession au pouvoir en 1933, Hitler décide d'ouvrir un premier camp prototype, Dachau, qui en 1940 regroupera sur sa décision tous les prêtres, religieux et séminaristes catholiques déportés, soit un incroyable ensemble œcuménique de nationalités et de cultures européennes diverses. Se côtoient dans l'enfer concentrationnaire des Polonais -très nombreux-, Tchèques, Italiens, Français… De 1938 à 1945, ils seront 2579 à être internés à Dachau et à y mourir pour la plupart. L'horreur et la révulsion nous frappent, face à cette barbarie dont on sait depuis Annah Harendt qu'elle existe potentiellement au fond de chaque être et de chaque régime politique, face à la haine déchaînée, face au système des kapos, face aux expérimentations médicales perpétrées sur les prisonniers.

Le doute s'insinue souvent puissamment chez les détenus et le Père Morelli s'interroge : « Deux millénaires de civilisation chrétienne… et en arriver là. C'est à se demander si le sang de Dieu n'a pas coulé en vain ; si le démon, le "Prince de ce monde", n'est pas en vérité le Grand Vainqueur, si le Péché ne va pas, dans une vague immense, submerger l'humanité ». Pourtant des miracles auront lieu, nombreux. Ainsi l'ordination bien connue de Karl Leisner par un évêque français nous est décrite en détail et nous convainc qu'il y a en l'homme une part sacrée absolument irréductible. Et comment ne pas être émerveillé par ce propos du même Père Morelli qui, après le doute et la tentation du désespoir, confie, peu après sa libération, avoir « vécu à Dachau les plus belles heures de sa vie apostolique » et « croire vivement, violemment même, en la grâce et en l'amour de Dieu. Evidemment, cette foi suppose la foi en la vie éternelle, mais il n'y a aucune autre solution satisfaisante au problème du mal et de la souffrance ».

L'ouvrage nous ouvre quelques pistes sur les raisons de la résistance du clergé de Dachau à l'oppression permanente : « une personnalité intégrée et de fortes convictions intérieures alimentées par des relations humaines satisfaisantes sont la meilleure protection contre l'oppression, mais l'individu peut aussi se défendre par la compréhension intellectuelle des événements, autant de conditions et de dispositions auxquelles les prêtres peuvent correspondre plus que d'autres grâce à leur niveau d'éducation, leur regroupement dans des baraques homogènes et leur foi ». Ces pistes sont probablement exploitables encore de nos jours pour lutter contre les tyrannies du temps qui ont pris d'autres formes, notamment celles de la douceur.


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