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La littérature, Israël et la France

La littérature, Israël et la France

Par  

« J’ai honte de notre impuissance, de la honteuse impuissance
des chrétiens devant le péril qui menace le monde. »
Bernanos, janvier 1940.

Depuis plus de quinze ans, l'éditeur Olivier Véron fend l'écume de la production littéraire française avec une discrétion et une constance admirables, portant des œuvres d'une exigence, d'une acuité sans pareilles. Les provinciales – d'abord lettre épisodique politico-métaphysique placée sous le haut patronage de Pascal et de Péguy – est une petite maison d'édition qui publie régulièrement d'intempestifs essais philosophico-politiques, mais aussi quelques œuvres de fiction (roman, nouvelle, théâtre). Il est fort possible que, parmi ses auteurs, seulement un petit nombre de signatures sonne familièrement à l'oreille peu avertie, mais gageons que le nom de Pierre Boutang, au moins, évoquera quelque chose aux plus catholiques de nos lecteurs. Peut-être aussi que celui de Charlotte Delbo, Fabrice Hadjadj, Pierre-André Taguieff, Sarah Vajda ou encore Bat Ye'or, ne seront pas tout à fait inconnus à certains d'entre vous. Il est enfin très peu probable que Rémi Soulié, Henri Du Buit, Tzvi Fishman, Yoav Gelber, ou encore Vladimir Zeev Jabotinsky, soient connus de quiconque lisant ces lignes. Ces écrivains, ainsi que ceux que nous n'avons pas cités, ont en commun de proposer une lecture de la Vérité généralement assez peu audible ou bien de la documenter d'un point de vue singulier, esquissant les lignes de force de l'édifice des Provinciales : la communauté d'histoire et de valeurs de deux peuples, deux vocations, deux nations, la France chrétienne et Israël, patrie juive. Le livre de Michaël Bar-Zvi dont nous vous entretenions dans un récent article, Israël et la France, l'alliance égarée, avait, à cet égard, participé à tracer plus précisément les contours d'une ligne éditoriale qui se condense et s'affine par sa récente collection simplement nommée « Israël et la France ».

Forts de cet auguste entourage et s'inscrivant en plein dans la collection susnommée, les deux ouvrages dont il est question ici surviennent tels de puissant remèdes à notre désespérante, lénifiante et terrifiante époque : deux objets de format 10x17, parfaitement équilibrés pour une prise en main et une lecture au confort optimisé, et, comme tout le catalogue des Provinciales, à la ligne sobre et sombre, aux couvertures bellement ornées des œuvres du peintre Gérard Breuil. Deux trousses de survie. Deux armes blanches, dont la lame complexe fut forgée avec style par deux maîtres virtuoses : Olivier Véron lui-même, et Ghislain Chaufour. Deux livres d'une densité inouïes, éclairant d'un halo froid nos chutes contemporaines. Toutefois, la cruauté de l'éclairage ne doit pas faire oublier l'espérance ici à l'œuvre : ce qui nous est dévoilé par l'écriture, ces forces obscures agissantes, celles qui sacrifient au nom de Baal Moloch (Paris-Jérusalem), ou bien celles qui profitent de l'ineptie de nos pantins politiques pour saper ce qui demeurait de notre filiation humaine (L'avenir du Printemps), doit nous faire mesurer tout « ce qu'il y a de précieux et de menacé ». L'urgence est à renouer avec une « tradition vivante » tandis que « le passé est immédiatement à venir, à fonder dans le risque qui se présente ».

Symptôme n°1 : 2014 a vu l'émigration juive de France vers Israël plus que doubler et devenir la plus importante au monde. Si la motivation sioniste peut expliquer une partie de ces départs, le très fort différentiel de cette année est à mettre en lien avec deux facteurs décisifs : le marasme dans lequel la France semble s'enfoncer sans possibilité de rémission, et le climat d'anti-judaïsme qui règne de plus en plus sur certains territoires de France, lequel accède médiatiquement à une réalité qu'on ne peut désormais que mal dissimuler. Qu'on se rassure, grâce au travail constant d'euphémisation et de distorsion du réel auquel s'adonne avec opiniâtreté la fange journaleuse poudrée au « Padamalgam », certains ne veulent toujours pas voir que le fascisme revient par la fenêtre en faisant voler en éclats le dogme antiraciste, tandis que sa forme défunte est toujours dénoncée avec emphase par nos résistants post-modernes, chiens de Pavlov de l'indignation.

Symptôme n°2 : 2014 est l'année où le mariage fut définitivement (?) dénaturé en étant ouvert aux personnes de même sexe. L'ouverture, l'inclusion, sont, on le sait, les masques riants des plus grimaçantes figures œuvrant à l'avènement du néant : sous couvert d'égalité, ce soit-disant mariage ouvre en fait encore un peu plus la porte aux fossoyeurs de l'origine. Bien entendu, s'opposer à cette « avancée des droits », c'est être homophobe, réactionnaire… en tout cas, un parfait salaud. Et nos « frénétiques de comédie » qui militent pour ce « progrès de l'égalité » furent finalement bien trop heureux qu'on leur donne encore une fois l'occasion de se hausser du col dans la-résistance-au fascisme-qui-ne-passera-pas.

« De l'athéisme dogmatique à la Jérusalem spirituelle »

Dans Paris-Jérusalem, un itinéraire spirituel, Ghislain Chaufour retranscrit pour nous ses entretiens avec Augustin Czartorisky, « écrivain qui préfère la discrétion ». Ce sera l'occasion pour celui-ci de se livrer un peu, tout en se faisant l'accusateur loquace de la République et de son enseignement, lequel « mutile la civilisation française en dissimulant ou calomniant ses origines juive et chrétienne ».

Dans La crise de l'enseignement, Charles Péguy écrivait : « quand une société ne peut pas enseigner, c’est qu’une société ne peut pas s’enseigner ; c’est qu’elle a honte, c’est qu’elle a peur de s’enseigner elle-même ; pour toute humanité, enseigner, au fond, c’est s’enseigner ; une société qui ne s’enseigne pas est une société qui ne s’aime pas ; qui ne s’estime pas ; et tel est précisément le cas de la société moderne. ». Aujourd'hui, c'est l'hypothèse inverse qu'il faut émettre : la société post-moderne est tellement fière de son néant (les « fiertés » les plus incongrues n'en finissent pas de s'exhiber) qu'elle prétend transmettre aux masses cette satisfaction de n'être rien, empêchant le plus grand nombre d'accéder à l'essence de la civilisation française. Pour paraphraser le volubile Czartorisky, le nihilisme est un athéisme, c'est-à-dire une foi aveugle. Une soumission, serait-on tenté d'écrire. En tout cas, selon l'interlocuteur de Ghislain Chaufour, une participation au culte cruel de Baal Moloch, qui exige des sacrifices humains.

À travers ce long dialogue aux acerbes digressions se lit donc un éreintement méthodique de l'enseignement universitaire, littéraire et philosophique, en tant que vecteur du Grand Effondrement. Avoir rompu le lien avec l'origine réelle de la France, cette vocation héritée de son baptême, voilà le scandale ! L'itinéraire proposé par Czartorisky, double littéraire de Chaufour, nous transporte ainsi de Paris, notre post-modernité républicaine, athéiste, pédagogiste, antisioniste, positiviste, relativiste, à Jérusalem, la vraie France reliée au Christ et à sa judéité, ordonnée au miracle et au mystère.

« Par avance leur Alliance nous a liés à l'origine absolue »

Avec L'avenir du Printemps, Olivier Véron témoigne de cet événement que fut cette longue et monumentale vague de protestation contre la loi Taubira. La Manif'Pour Tous et le Printemps Français, deux appellations, trois manifestations : à partir de celle du 26 mai 2013, l'écrivain-éditeur nous propose une vaste réflexion sur la France, son peuple et sa vocation. Pour cela, il convoque tout au long de celle-ci l'éminent Pierre Boutang et son incontournable et séminal La Politique. Nous y croiserons aussi Imre Kertész, George Steiner, Jean-Claude Milner, Paul Celan, Claudel, Maurras, Lacan, Derrida, Judith Butler. L'auteur s'emploie aussi à souligner la culpabilité, dans le sacre de la culture de mort qui préside aujourd'hui, de figures éminentes de la littérature française : Voltaire, « raciste esclavagiste et antisémite », Sade, « chantre absolu de l'adultère et de l'inceste, du viol et de la sodomie ». Sont également évoqués le « geste » de Dominique Venner et la mort de Clément Méric, qui ont marqué chacun à leur manière cet événement singulier, ce « renversement ».

Nourrissant sa pensée de celle d'autres témoins de leur temps que sont les écrivains qu'il a lui-même publiés chez Les provinciales, l'auteur établit un réquisitoire fouillé et précis contre la « ''nouvelle Internationale''– socialistes, altermondialistes, écologistes, antifascistes, pacifistes, trotskistes, gauchistes, communistes, etc. et islamistes mêlés ». Par celui-ci, l'assimilation forcée de tout un peuple au Grand Rien, afin que chaque individu puisse jouir et consommer sans entrave après avoir abdiqué toutes ses souverainetés, est dénoncée avec clairvoyance et force d'évocation.

La loi Taubira n'est qu'un acte supplémentaire à la performance tragi-comique participative qu'est devenue l'Afrance républicaine. S'en prendre au mariage et à la filiation, c'est prétendre balayer la naissance et la nation. Ce tragique constat de déconstruction de la France ne peut alors recevoir qu'une seule réponse, nous dit Véron, celle judéo-chrétienne. Car enfin, s'immoler comme Venner n'a aucun sens : il nous faut plutôt reconnaître et accepter pleinement l'origine juive du christianisme – origine non choisie, tout comme nous ne choisissons pas notre père, notre patrie – et risquer enfin de toute notre âme cette vocation à l'épreuve de l'Histoire.

 

Paris-Jérusalem. Un itinéraire spirituel (Entretiens avec Augustin Czartorisky), Ghislain Chaufour, Les provinciales, novembre 2014, 142 p.

L'avenir du Printemps, Olivier Véron, Les provinciales, mai 2014, 166 p. 

Complément de lecture :
En quoi le sionisme peut-il importer à un CATHOLIQUE français aujourd'hui

 


Makine nostalgique du pays du lieutenant Schreiber
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Israël et la France – L'alliance égarée
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