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L’immaturité scolastique

L’immaturité scolastique

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More ne résiste pas à rapporter une conversation qu’il a eu avec un logicien nouvelle formule : « Les écrits d’Aristote ? C’est du grosso modo. Nos garçons d’aujourd’hui sont autrement plus ferrés sur leur Parva Logicalia. Je garantis que si Aristote sortait de sa tombe pour venir disputer avec eux, ils lui donneraient bien du fil à retorde, non seulement en sophistique mais même sur son propre terrain, la logique. » (pp. 65-66).

Ces Parva Logicalia font référence à un traité de Pierre d’Espagne (+ 1277) qui resta le manuel de formation en logique jusqu’au XVII ème siècle dans les universités européennes. Il devint d’ailleurs pape (Jean XXI) en 1276…

Thomas More se régale à rapporter des exemples d’exercices logiques. « Il faut voir tout ce qu’il dit sur les suppositions, les ampliations, les restrictions, les appellations, et, à chaque page, pour ainsi dire, quelles fichues petites règles on y trouve, non seulement ineptes, mais encore fausses » (p. 66).

Ce manuel invite ainsi l’étudiant à percevoir une différence entre « Leo animali est fortior » (Le lion est plus fort que l’animal) et « Leo est fortior animali » (Le lion plus que l’animal est fort) alors que ces deux propositions, ramenées au réel, signifie la même chose. De même, y-a-t-il une différence entre «Vinum bis bibi » (J’ai bu du vin deux fois) et « Bis vinum bibi » (J’ai bu deux fois du vin) ? La différence formelle est importante, nous disent les logiciens, mais elle est nulle dans la réalité (p. 66). Les exemples pleuvent. Nous n’en évoquerons que quelques uns. « Papam verberavi » (le pape j’ai frappé) peut être formellement vrai alors que « Verberavi Papam » (J’ai frappé le pape) sera faux dans la réalité si l’on prend en considération un moment de la vie du pape (enfant ou pape adulte). « En réalité, ce sont eux –ceux qui, n’étant plus des enfants, enseignent encore de tels enfantillages –qui méritent la fessée chaque fois qu’ils font la classe » (p. 67). Les lettrés d’aujourd’hui se rappelleront au bon souvenir de la Sorbonne et de ses cours de logique…

Ces devinettes, précise More, n’ont d’autres effets que de sortir le jugement « des bornes mêmes de la nature » (p. 68). Après quelques propositions croustillantes comme « L’Antéchrist est aimable » ou « L’Antéchrist est affectueux », l’humour morien vient nous river au bon sens : « assurément ni l’Antéchrist ni le jugement dernier ne pourront bouleverser l’univers physique plus à fond que le fait cette logique… » (p. 68). Nous ne citerons pas ici les propositions blasphématoires sur la Mère de Dieu ou les prostituées « possiblement » vierges…  « Envers des logiciens si débonnaires, il n’est pas facile de dire lesquelles, des vierges ou des prostituées, ont la plus grande dette : les unes et les autres, de toute façon, leur doivent beaucoup » (p. 69).

Après avoir évoqué ces quelques trouvailles logiciennes, on a beau jeu de railler les poètes et de louer le sérieux des logiciens. Que dire en effet de cette affirmation dite « vraie » : « L’homme mort peut célébrer la messe » ?  N’en jetez plus ! Il n’y a pas de doute : Erasme a de beaux jours devant lui…


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