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Salam aleykoum Michel Houellebecq

Salam aleykoum Michel Houellebecq

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L’objectif ici est de se demander quelle est la place de la religion dans Soumission, quelle forme prend cette dernière et ce que le livre de Houellebecq laisse en termes de questionnements sur le sujet religieux. C’est donc une réflexion d’ordre métaphysique sur les religions, issue de la lecture de Soumission que nous allons tenter de livrer. Et c’est en creux que Soumission révèle la nature du christianisme.

Le Chrétien ne connaît pas la paix

S’il est une conséquence de la société chrétienne, c’est d’avoir mis l’être humain dans une situation de se prendre la tête en permanence. Le christianisme a fait de chaque homme une fractale du combat entre le bien et le mal. Le Christ a promis l’épée et c’est ainsi que nous le reconnaissons, dans la quête intérieure cherchant notamment à rectifier l’intention. La paix de l’âme est une aspiration, un désir, mais jamais une réalité d’ici bas. Le chrétien converti est en équilibre instable permanent toute sa vie, d’où d’ailleurs l’importance des sacrements pour lui, et notamment de celui de réconciliation. Sa conversion est un chantier ouvert, une démarche sans cesse recommencée.

L’homme moderne a vécu dans une hérésie chrétienne hors champ, une caricature (donc quelque chose de diabolique) de l’Eglise, un avatar où le message du Christ devint morale pour tous. Cet homme là avait donc conservé le sentiment d’être le terrain où le bien et le mal s’affrontaient en permanence. Et toutes les crises métaphysiques et existentielles des modernes d’hier et d’avant-hier en sont l’illustration. Et la paix vint de la société de consommation, une paix de consommateur organisée par avance par la révolution bourgeoise qui a transformé le citoyen chair à canon en citoyen-consommateur. L’homme postmoderne assis dans son confort n’est plus un être de désir, mais simplement un être de jouissance. Evacuée la souffrance mais bonjour tristesse. Ce consommateur est un brin animal triste, sans passion, comme le héros de Houellebecq. Quelqu’un dont la matière a rempli la vie, quelqu’un que les objets agacent. Le narrateur va décrire et dire les objets qu’ils contemplent, comme le reflet vide de son âme. Houellebecq s’échine à dépouiller ses écrits de style, à coller à une structure proche de Wikipedia. Sortis du combat du bien et du mal, on sort également de l’aventure et de l’Histoire, et on ne peut pas l’écrire avec panache. Houellebecq postmoderne animal triste est entré dans le monde du recyclage : recyclage des mythes et des valeurs républicaines, des droits de l’homme, vieilles lunes jetées comme des bouées pour ceux qui veulent cultiver leur identité si littéraire, cette identité qui est faite du souvenir du combat du bien et du mal.

Et l’Islam impose sa paix

Alors même que la société postmoderne ne se souvient plus de l’origine de ce qui fit ses valeurs, voilà qu’arrive par-dessus tout ça, une civilisation qui vous maintient hors de l’Histoire. Ca tombe bien, vous n’étiez plus calibrés pour l’aventure. La fuite pathétique du héros de Soumission entre deux tours d’élection illustre parfaitement son amateurisme de héros justement. L’aventure ne dure qu’un temps très court. Le héros houellebecquien ne peut être d’ailleurs qu’un narrateur, quelqu’un qui raconte, pas quelqu’un qui vit.

La modernité écœurante pouvait il y a encore peu de temps pousser au suicide par volonté d’exister une dernière fois, mais d’exister vraiment. L’Islam est en revanche une euthanasie, une bonne mort de la personne humaine, de son libre arbitre. Et vous y retrouvez même le plaisir de la matière sans se prendre la tête sur le mystère des intentions etc. Le sexe, l’argent, la bouffe sont des valeurs préservées et enviables pour les mâles dominants qui trouvent enfin un monde fait pour eux. C’est à se demander pourquoi le diable inventa l’idéologie du communisme quand on voit l’efficacité de ce ciment là ! Mais il faut de tout pour défaire un monde…

Le narrateur est un homme au final qui cherche une réponse à la question du comment. Et non à exprimer des questions à la réponse donnée de toute éternité. Sa quête religieuse n’est pas une quête de la vérité. Car il y a quête religieuse, d’abord manifestée par son intérêt subi pour l’actualité, puis par son parcours dans sa fuite dans les pas de son auteur fétiche Huysmans. Et il ne cherche pas quelqu’un, il ne cherche pas à se mettre en relation avec Dieu. Non. Il cherche un mode de vie qui lui convienne, qui lui ôte cette tristesse et son angoisse de vieillir et de souffrir. Comment faire pour être libéré de cette prise de tête ? Comment faire pour être libéré des choses de la vie ? Comment faire pour être libéré de ma volonté, de moi-même ? L’Islam est une réponse à tout ça. Car l’Islam, plus qu’une religion, c’est surtout une civilisation, un mode d’organisation de la société et, un mode d’organisation de la vie quotidienne. Le christianisme ne pouvait pas lui répondre, car en réponse à toutes ces questions, il montre la croix. C’est la croix qui est la réponse donnée, et la bonne question à trouver face à cette réponse éternelle, est un glaive à double tranchant, une mise en combat de la personne humaine pour une participation au combat céleste pour le salut du monde et la gloire de Dieu.

Dans sa tentative de suivre le modèle de Huysmans, il médite de façon assez inefficace dans sa cellule de monastère. Ses tentatives de contemplation le font rester à la surface des choses et de lui même. Il n’y a pas de relation d’amour dans sa quête de religiosité. Il ne cherche pas à savoir par qui il est aimé, il ne cherche pas à aimer. Il quitte le monastère parce qu’il ne peut pas fumer dans la chambre à cause d’un détecteur de fumée. C’est un argument comme un autre. Prétexte d’un homme resté hermétique à la mise en relation avec Dieu proposée, d’un homme incapable de prier. Il part le troisième jour, bien sûr, il abandonne le troisième jour. C’est l’anti-résurrection du héros de Soumission, un chemin à rebours, pour effacer de sa mémoire les traces de son adhésion intellectuelle et esthétique à la culture catholique. Eureka ! Il trouve la solution, sa solution. Cette dernière s’assoit sur un raisonnement produit : ce que Huysmans a aimé dans la vie monastique, ce n’est pas Dieu mais la vie toute réglée et pensée pour vous. Le combat spirituel est pour lui, il en est sûr, une façade pour habiller un simple désir d’abdiquer la volonté, d’être guidé par un plan de vie. Il rentre au bercail et on voit très bien vers quel projet il va se tourner. Vers celui qui va lui conférer un nouveau statut social, comme dans le monde moderne, qui va lui proposer de jeunes musulmanes pour épouses, et qui va organiser sa vie quotidienne jusqu’à la fin. Suite logique de la société jouisseuse et sans désir dans laquelle il vivait jusque là, suite logique où son âme sera en paix, débarrassée qu’elle sera des désidératas et des dilemmes de la personne humaine.

Oui, effectivement, l’Islam est une religion de paix, puisque religion de la volonté abdiquée, religion du désir oublié, religion de la petite vie réglée, religion du caïd ou mâle dominant, religion hic et nunc uniquement. Et oui le Christianisme est une religion de combat, puisqu’il s’agit sans arrêt de chercher à caler sa volonté sur celle de Dieu, de rectifier l’intention. Le Christ nous a promis l’épée. Le piège républicain d’amalgamer les religions entre elles, a conduit à choisir sur étagère la religion la moins contraignante, la plus en phase avec la fatigue d’exister, l’usure de l’incarnation, la plus en phase avec la postmodernité.


Tsss… Houellebecq, Houellebecq !
Tsss… Houellebecq, Houellebecq !
Houellebecq : celui qui ne sait ni écrire ni vivre
Houellebecq : celui qui ne sait ni écrire ni vivre
Et Houellebecq fit ouin ouin
Et Houellebecq fit ouin ouin

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