Découvrez la collection Mauvaise Nouvelle, aux Éditions Nouvelle Marge.


Un peu de pédagogie sur Maurras

Un peu de pédagogie sur Maurras

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Stéphane Blanchonnet est ce professeur de lettres et écrivain engagé de longue date aux côtés de l’Action Française. Il publie, aux jeunes éditions Nouvelle Marge, un Petit dictionnaire maurassien. Heureuse initiative mise en lumière par une écriture claire, pédagogique et élégante.

Maurras, peu avant sa mort, recouvrant la foi catholique dont le Pape Saint Pie X disait qu’il en était un « beau défenseur », lègue sa vision traditionaliste aux hommes de bonne volonté : « nous bâtissons l’arche nouvelle, catholique, classique, hiérarchique, humaine, où les idées ne seront plus des mots en l’air, ni les institutions des leurres inconsistants, ni les lois des brigandages, les administrations des pilleries et des gabegies, où revivra ce qui mérite de revivre, en bas les républiques, en haut la royauté et, par-delà tous les espaces, la Papauté ! » Boutang, cet antimoderne que nous aimons particulièrement à Mauvaise Nouvelle, fut l’une des figures incontournables de l’Action Française, continuateur de l’œuvre maurassienne, intellectuel de génie, auteur de l’Ontologie du secret, théoricien de la métapolitique (subtile union de la métaphysique et de la politique), parmi d’autres personnages clés comme Bainville, Daudet, Brasillach qui ont tracé au sein du mouvement un beau sillon dans l’histoire du nationalisme français.

Blanchonnet affirme à raison que « si toutes les civilisations consistent en un capital moral et matériel transmis, une seule, LA civilisation, a donné au monde la juste conception du beau, du bien, du vrai et de la raison, c’est la civilisation gréco-romaine, prolongée par le catholicisme, dont la France n’est pas la seule héritière dans la modernité mais sans conteste la plus éminente. » ; et encore : « la pensée maurassienne n’a jamais considéré la royauté comme un fétiche ou une panacée mais comme un moyen de mieux servir l’intérêt général et de mieux incarner l’unité et la continuité nationale. » Cette conception de l’organisation politique de la cité, définie par la fine pointe de la formule « l’autorité en haut, les libertés en bas », prend l’exact contrepied des régimes républicains ayant abdiqué toute autorité, et donc leur légitimité, sous les coups de boutoir de l’idéologie libérale libertaire procédant du siècle des Lumières et devenue toute-puissante.

L’idée libérale d’une société sans élites, non hiérarchisée et égalitariste, et l’idée libertaire selon laquelle l’individu doit s’émanciper intégralement et se préoccuper de la seule satisfaction de ses besoins, ne trouvent pas place dans la vision traditionnelle d’une société chrétienne acquise au primat du bien collectif, à la nécessité de Dieu et d’une verticalité vitale chez l’homme. Nous pourrions le dire avec les mots de notre auteur : « l’histoire de France nous enseigne que la monarchie a fait la France et sa civilisation alors que la République consomme cet immense patrimoine matériel et moral…quand elle ne le consume pas au profit d’un universalisme idéologique. » L’on peut voir ici l’opposition entre le pays réel dont la composante centrale est la société française, classique, catholique, forgée par ses quarante rois, sa culture grecque et latine, et le pays légal fort de ses administrations, ses idéologues, une philosophie désincarnée bâtie sur un progressisme gnostique et millénariste ancien puis accru par la Révolution Française, la doxa d’un homme égalitaire essentialisé, le paradigme absolu de la religion des droits de l’homme et du multiculturalisme.

Nous préférerons toujours une philosophie politique basée sur la réalité d’un corps social constitué d’hommes singuliers et incarnés, à celle construite artificiellement, abstraitement, et violemment, imposant son caractère tyrannique à la masse des citoyens dont la fonction unique est de consommer. Ce dernier scénario a aujourd’hui gagné la partie et offre le triste spectacle de la déculturation et de la décivilisation, autrement dit d’une identité en voie de disparition. Après notre lecture, nous savons que Jean Sévillia, Renaud Camus, Eric Zemmour, Alain Finkielkraut et nombre d’auteurs conservateurs possèdent de fortes affinités avec cette famille de pensée maurassienne, authentiquement humaniste, qui pourrait offrir une option politique crédible si elle parvenait à s’attacher un leader.


L’Art poétique selon Charles Maurras
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Stéphane Blanchonnet et son « petit dictionnaire maurrassien »
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Michel Serres se prend pour un révolutionnaire
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