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Zinc n°1 sur Villiers

Zinc n°1 sur Villiers

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Propos recueillis par Paul Voltor

Badine discussion de zinc entre Voltor et Raouldebourges sur le dernier livre de Philippe de Villiers : Le moment est venu de dire ce que j'ai vu

Paul Voltor : Le livre me donne l'impression de raconter d'une façon quasi historique la chute (la dernière en date) de notre civilisation, de notre nation. Villiers qui est un habitué des romans de personnages historiques (Saint Louis, Jeanne d’Arc et Charette) semble écrire sous forme autobiographie le roman de la chute de la France. Villiers en héros malheureux qui se rend compte que la France sortie de l'Histoire l'a, lui aussi, fait sortir de son histoire…

Raouldebourges : En effet, Villiers est le héros incompris de notre époque. Dans son "Le moment est venu de dire ce que j'ai vu", il se met en scène, se fait à la fois acteur et spectateur. Il est celui qui a eu raison, qui a vu avant les autres, qui a compris ce qui se passait et allait conduire au néant une identité qui serait alors définitivement perdue. C'est bien d'identité malheureuse dont il est question. D'identité, il ne faut d'ailleurs plus parler tant reste infime le malheur. Et tous les tenants d'une identité heureuse qui par calcul politique et ambition présidentielle rejouent le refrain émollient du vivre-ensemble et de la coexistence pacifique des cultures, trouvent ici une réponse cinglante à leur chimère. Ce qui est frappant, c'est la démonstration implacable qui renvoie à celle du "Suicide Français" où la déconstruction méthodique de notre pays et le renoncement des élites mondialisées à défendre ce qu'est notre nation furent quasiment scientifiquement et historiquement analysés par un Zemmour orfèvre. Autre ligne de force du livre : la lucidité de notre auteur qui appartient à la grande famille des veilleurs, alerteurs, résistants, chouans du roman national que sont Zemmour, Sévillia, Finkielkraut et d'autres…. On perçoit chez Villiers, comme un mince fil rouge au goût amer, tout au long de son élégante et érudite écriture, la tristesse intérieure de n'avoir pas pu peser davantage sur ce torrent puissant de l'histoire qui s'écrivait.

Paul Voltor : Concernant Villiers et sa petite leçon d'histoire, je lui trouve un défaut… Il faut bien que les choses soient imparfaites pour donner toute son ampleur au commentateur… Je trouve que sa vision de la France est construite sur le mythe de la résistance. Même si la résistance fut un révélateur de héros, on peut déplorer qu'il n'ait su voir le drame de l'épuration lui qui su distinguer toutes les dérives de l'idéologie révolutionnaire à l’œuvre au cours de l'Histoire… Il s'est passé en 45 la même chose que sous la terreur… Et comme à chaque fois où les heures glorieuses de l'armée sont rappelées, on constate une confusion entre la patrie et la Révolution. Croyant servir l'un, les militaires finissent souvent par promouvoir la seconde. Villiers s'en rend compte pour les guerres de décolonisation et les trahisons de l'Etat vis à vis d'un idéal imaginaire des militaires, mais il ne s'en rend pas compte complètement pour l'ensemble de l'histoire de France. Cela ne date pas d'hier et le militarisme d'une certaine droite a toujours servi l'esprit révolutionnaire. Servir de chair à canon en 14-18 comme dans les guerres napoléoniennes, l'épuration, les guerres de décolonisation, CRS… La logique a toujours été de préserver la République, c'est à dire la forme idéologique de l'Etat, contre son peuple. Villiers dénonce les mythes, sans voir que son patriotisme est construit sur celui de la France résistante et valeureuse. La différence entre ce mythe là et ceux de la gauche est que celui de la résistance a conféré la fierté d'être français alors que les mythes de gauche n'ont conféré que la fierté d'être de gauche et surtout la honte d'être français. 

Au final, Villiers est-il pleinement conscient de la force de l'idée révolutionnaire et de sa perversité ? Ne se condamne-t-il pas à être le moderne d'avant hier, plutôt que d'opposer à la Révolution, la Patrie ? Comment peut-on dénoncer le monstre froid européen, sans dénoncer la République ? Comment ne pas voir que l'Europe n'est qu'une extension du mal déjà présent ?

Raouldebourges : Je crois que nous devons porter le débat plutôt sur la question de l'authenticité des politiques qui prétendent nous gouverner -avec cette idée, imparfaite mais louable par les temps qui courent, du "moins pire des candidats" et du meilleur défenseur des "valeurs non négociables"- que sur le régime politique le plus apte à défendre l'intérêt général de notre pays. Nous sommes obligés d'évaluer les qualités intrinsèques des postulants aux suffrages puis de les choisir en âme et conscience, car ne nous leurrons pas, nous conserverons le régime politique qui est le nôtre pour longtemps encore, et ça n'est pas la "démocratie directe" puissamment véhiculée par les réseaux sociaux qui pourra renverser notre système. La République restera. Ce qui se dissoudra à coup sûr -"Toute démocratie est un désert de sable" disait Alfred de Vigny-, sous l'effet de la multitude des opinions exprimées sur tout sujet, partout, en temps réel, et sans aucune retenue, ce sont les parcelles -s'il en restait- de cohérence du système politique actuel. Plus rien ne se conçoit bien, et les mots pour le dire n'arrivent pas aisément. Boileau doit se retourner dans sa tombe. L'explosion des paroles et opinions a généré du futile, du mensonge, de l'évanescent, du marketing. Nous nous sommes affranchis de la vérité. A cet égard, l'interview croisée de Juppé et Finkielkraut dans le Point du 14 janvier est édifiante. Alors que Finkielkraut, brillant, s'exprime avec cohérence, franchise et lucidité sur les sujets décisifs -Islam, Identité, Ecole…- que nous devons prendre à bras le corps si nous souhaitons rester la civilisation que nous sommes ; Juppé, quant à lui, se livre à un verbiage abscons, technocratique, empreint de taqiya -esprit de dissimulation et de tactique encouragé par le Coran- démontrant ipso facto son désir d'accommodements raisonnables avec l'Islam, éludant tous les vrais sujets en bon fils mondial et maçon qu'il est, Young Leader aux ordres de l'Oncle Sam. Cela donne un ton insipide, mensonger, de ceux qui le conduiront peut-être tout droit à la mandature suprême dans notre pays…" La France tombera très bas par les chefs qu'elle se sera choisis" prédisait Marthe Robin.

Si d'évidence la République contient en son sein les gênes de la Révolution, par la rupture permanente qu'elle institue comme mode de gouvernance, en opposition au système monarchique de primogéniture et de continuité, mais aussi par sa philosophie mensongère placée sous l'empire de l'opinion et du marché mondial, nous n'en sortirons malheureusement pas, car elle a essaimé, est devenue planétaire, un Léviathan puissant et incontrôlable. Il nous faut donc choisir le moins pire des politiques disais-je, le plus "sincère", le plus en adéquation avec les espoirs portés par une part importante de nos compatriotes désireux de s'inscrire dans une révolution conservatrice qui se bat pour maintenir la civilisation grecque et latine, les valeurs chrétiennes, et une forme de vérité sur l'homme et l'histoire. S'il n'y aura plus de grand président en France, à cause du jeu politique que nous nous sommes imposés, de la médiocrité des temps, et des conséquences des choix que fît la nation régicide il y a plus de deux siècles, nous pouvons en revanche penser que Philippe de Villiers incarne un grand nombre des valeurs que nous voulons pour la France et donne des gages intéressants. Il l'a prouvé sur Maastricht par exemple, ou par sa belle amitié avec Soljenitsyne, et a encore du mordant pour la suite. S'il revient dans le jeu, il ne sera pas de trop.


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Villiers et le jour d’après
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Le moment est venu de vous dire ce que j'ai lu
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