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Zinc n°2 sur Villiers

Zinc n°2 sur Villiers

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Propos recueillis par Raouldebourges

Badine discussion de zinc entre Voltor et Raouldebourges sur le dernier livre de Philippe de Villiers : Le moment est venu de dire ce que j'ai vu

Paul Voltor : Mon cher Raouldebourges, voici enfin de quoi prolonger et éventuellement clôturer notre discussion au sujet de la lecture du livre de Philippe de Villiers. J'ai en fait deux choses en tête.

La première concerne une certaine conception de l'homme sous-jacente à tout le livre et qui point à bien des endroits. Cet aspect donne une réelle profondeur au livre et révèle surtout l'ancrage philosophique et théologique de l'homme politique. Cette conception de l'homme tourne autour de la personne humaine comme point de convergence de toute politique, son intégrité, sa dignité, sa souveraineté. Une telle conception de l'humain nous évoque bien évidemment le personnalisme, cette troisième voie percée entre les deux matérialismes que sont le communisme d'un côté et le capitalisme mondialisé de l'autre. Ces deux matérialismes ayant tendance à réduire la personne humaine. Pour le communisme, la personne n'est plus qu'un citoyen, c'est à dire une fonction dans l'organisation publique sous forme de système. Pour le capitalisme, il n'est plus qu'un individu trouvant son origine et sa fin en son propre nombril, dans une sorte d'autophagie encouragée par la société de consommation.

Au contraire, Philippe de Villiers semble puiser aux sources du christianisme bien sûr, mais également d'Aristote pour rappeler que la personne humaine prime sur tout autre chose. Une personne humaine étant à la fois un monde à lui même et un maillon d'une chaîne, une personne reçoit et transmet. C'est en ce sens que sa vie doit être une préoccupation première de sa conception à sa mort naturelle. C'est également en ce sens que Philippe de Villiers dans tout un chapitre dit ses craintes devant le transhumanisme à venir. L'homme n'est pas remplaçable, un peuple ne l'est pas davantage. Le procédé d'immigration n'est rien d'autre que le prolongement à plus grande échelle du principe selon lequel l'homme est remplaçable soit comme organe d'un système soit comme petit individu dont le poids marginal est nul. Pour la première fois, un livre politique semble véritablement ancré.

Mon deuxième point est plus tactique et beaucoup moins philosophique. En fait, le livre de Villiers semble faire le constat de toutes les occasions manquées par notre pays que représentait la personne même de Philippe de Villiers. Ces occasions manquées sont aussi tous ces hommes politiques cyniques qui ont méprisé Villiers en tentant de l'acheter : Chirac, Sarko… et tous ces hommes politiques naïfs qui ont méprisé Villiers pour finir par se vendre au système en quelque sorte : Chevènement, Millon, … Et le livre de Villiers ne fait l'impasse sur aucun homme politique, d'anecdotes en anecdotes et pourtant, il en manque un : JM Le Pen. Et au final, le visage de JM Le Pen semble se dessiner en creux une fois le livre refermé. Je ne suis pas naïf au point de penser que JM Le Pen incarne les idées soutenues par Villiers dans son livre, mais j'ai tout de même le sentiment que le "chevalier blanc" n'a que trop méprisé sa droite tout en ménageant à l'excès sa gauche. La France et les politiques sont passés à côté de Villiers, mais Villiers lui même n'est-il pas passé à côté de lui même ? Aujourd'hui qu'il a disparu de la scène politique, il laisse ses admirateurs orphelins, ayant nourri leur ressentiment vis à vis d'une classe politique "ayant du sang sur les mains", sans rien leur dire du Front National. La politique est l'art du compromis et nous refermons le livre plus convaincus par le vote blanc qu'autre chose…

Raouldebourges : Mon cher Paul, je crois pouvoir dire que le livre de Philippe de Villiers apporte suffisamment de preuves de la sincérité de son engagement politique.

Sur votre premier point, nous pouvons effectivement dire que notre homme s'est pleinement incarné, au sens d'un rattachement véritable au réel, sur un plan privé et dans sa vie publique. Chrétien assumé, marié, père de famille nombreuse, il a pleinement assumé un devoir d'état qui procédait à la fois de son extraction aristocratique et de valeurs servies par une intelligence singulière et une vision intégrale de l'homme et de la société. Dans sa vie publique, la justesse et la force de ses combats témoignent d'un idéal qui allait à rebours de toutes les tendances déconstructrices observées ces 50 dernières années. Villiers a une vision positive de l'homme qui est l'alpha et l'oméga de toute société de vraie culture, et place ainsi sa dignité au dessus de tous les systèmes. "Le sabbat est fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat", telle est la conviction intime de ce catholique. En cela, il combattit de toute sa verve de chouan les idéologies qui voulaient asservir la liberté, éradiquer le passé et l'héritage des siècles, construire des Léviathans européens technocratiques qui détruiraient, il fut visionnaire là-dessus, la volonté et la liberté des peuples. Il fut un éveilleur de consciences, un vrai prophète qui criait, malheureusement pour son propre destin politique et pour notre destinée, dans un désert où sa voix se fracassait sur le mur froid du libéralisme mondialisé, de la société de consommation, et de l'idéal libertaire qui étaient les viatiques de nos contemporains subjugués.

Sur votre second point, je ne puis m'empêcher de considérer comme vous que sa culture "énarchique" a beaucoup pesé sur son comportement politique et a créé chez lui une vraie difficulté à se défaire pleinement des griffes du système. Son passage à l'ENA lui permit de côtoyer les grands et finalement de rester l'un des leurs sur le plan génétique, avec en outre, le masque du trublion ou du gentil empêcheur de tourner parfaitement en rond.

Si c'était à refaire, et lui seul le sait, peut-être serait-il un Soljenitsyne, l'un de ses maîtres et génie du siècle dernier, c'est à dire un vrai dissident, ce qu'il appelle à être, notamment auprès des jeunes générations, puisqu'il se sait désormais libéré du carcan du système.

Peut-être qu'il nouerait, en s'affranchissant de ce monde élitiste et de ses cercles séduisants, certaines alliances décomplexées pour grossir les rangs de la révolution conservatrice ? C'est ce que l'on perçoit quand on l'entend dire toute l'admiration qu'il a pour la force et l'intelligence de la jeune et prometteuse Marion Maréchal Le Pen.

Peut-être mettrait-il son immense orgueil d'animal politique moins au service de son ambition -encore un héritage probable de l'ENA- qu'au profit d'un pays et d'une civilisation en pleine déliquescence exigeant des saints, des missionnaires, des prophètes, des soldats, des gueux et des humbles. Peut-être deviendrait-il le guide des oubliés de la mondialisation, des paysans, des ouvriers, des sans-grades, des TPE et PME plutôt que des stars du CAC 40 et des startups des économies virtuelles et destructrices du réel.

S'il ne faut pas sous-estimer le rôle qu'il eut, et qu'il a encore aujourd'hui différemment, nous ne sommes pas loin de penser que le temps n'était pas encore advenu où devait surgir la figure du sauveur qu'affectionnent tant les Français, que la déflagration et l'apocalypse de notre civilisation n'étaient pas suffisantes et n'exigeaient pas encore la survenue de cet homme -ou femme- providentiel.


Zinc n°1 sur Villiers
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Villiers et le jour d’après
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Le moment est venu de vous dire ce que j'ai lu
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