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Ami progressiste, tu vis dans les années 80

Ami progressiste, tu vis dans les années 80

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En vérité, je te le dis : pour toi, le réel n’a pas encore eu lieu. Tu habites toujours en France Black-Blanc-Beur. Ton sommeil est paradoxal et tu n’es pas sorti de ce rêve éveillé que tu as fait – et qu’on a fait pour toi – il y a quarante ans.

Cette pathologie n’est sans doute pas facile à vivre tous les jours : éviter les situations de dissonance cognitive doit constituer une activité épuisante. A moins de vivre complètement coupé de l’actualité, il te faut sans cesse réinterpréter les événements de notre sombre époque afin que ces derniers se conforment au décor de carton-pâte-idéologique dans lequel tu évolues. Certes, les janissaires de la pensée correcte et les indigénistes de tout poil sont là pour t’y aider. Néanmoins, même si l’on s’est cousu les paupières il y a des années, les bruits du monde se font aujourd’hui assourdissants. Être aveugle et sourd à la fois n’est sans doute pas une sinécure. Mais tant qu’il te sera possible d’exposer au grand jour (ou au moins sur Facebook) ta belle âme, je sais que tu seras prêt à endurer les pires sévices.

Tu aimes brandir l’argument progressiste par excellence : « Quoi ?! Tu roules encore au diesel ? On est en 2019, quand même ! Tu manges encore des animaux morts ? En 2019 ?!… »). Tu te crois ainsi, mieux que quiconque, installé dans un présent qu’en réalité tu ne sais ou ne veux saisir – par idéologie ou paresse intellectuelle – et tu nous traites de réactionnaires dès lors que nous soulevons une question qui heurte ta sensibilité pavlovienne et si prévisible.

La génération Ouin-ouin, à la suite des boomers qui n’ont rien vu venir et persistent à ne rien voir, ne veut que ce que son petit estomac délicat est capable de digérer. Le tri sélectif est un mode de vie que les progressistes ont su généraliser afin que leur vision angélique du monde ne soit jamais détrompée : toute information allant à l’encontre de leur conception « bienveillante & inclusive » de la société est relativisée, transformée, niée ou passée sous silence.

Storytelling Degauche

A t’observer plonger aussi promptement dans le déni, on comprend que c’est toi, finalement, qui penses que c’était mieux avant, même si tu prétends que c’était mieux maintenant ; tant et si bien que tu résides corps et âme non pas dans un passé fantasmé ou idéalisé, mais dans un éternel présent expurgé de ses maladies honteuses : immigration de masse, islamisation, ensauvagement.

Ta vie est un conte, ton univers une bulle rassurante menacée par des méchants convenables – le mâle, le blanc, le beauf, l’hétéro-normatif, le catho, le capitaliste, etc. – c’est-à-dire compatibles avec les standards de la communauté. Dès lors que nous te présentons d’autres ennemis, nous rejoignons de facto les rangs de l’infâme, nous sommes les fachos, les racistes, les islamophobes. L’extrême-droite, en somme, puisqu’il te faut bien un ennemi, celui qui menace ton île enchantée, ton Never Land multikulti.

Un peu d’empathie : et si nous enfilions ton casque de réalité virtuelle ?… On croiserait Le Pen, Diable de la République, Führer français entouré de xénophobes à rééduquer. On y verrait les Cathos, avec leurs prêtres pédophiles, y être à peu près tolérés s’ils sont Degauche. On constaterait que les Musulmans sont discriminés et y endossent l’étoile jaune des Juifs : qui ne professe pas son islamophilie est suspect de préparer une nouvelle Shoah (NB : une option de l’appli permet de vouer aux gémonies « Les Religions », manière tout-à-fait acceptable d’exprimer son ras-le-bol de l’omniprésence de l’islam dans le débat public). On nous serinerait que l’immigré a reconstruit la France après la guerre. On s’y aviserait de la nouvelle devise Diversité, Égalité, Fraternité : la liberté étant comme le réel, trop réactionnaire. On réaliserait, enfin, que la langue s’est atrophiée, que le mot race, par exemple, n’a plus qu’un seul sens, celui que lui donnent les racistes.

Convenons-en, ami progressiste, à la décharge de certains d’entre vous : il n’est pas si aisé d’échapper à l’intoxication narrative du Camp du Bien. Se déprendre des réflexes conditionnés par quarante années d’antiracisme® (l’inverse du non-racisme) relève de l’effort ou du traumatisme. Se déciller peut se révéler douloureux et coûteux, socialement et psychologiquement.

Comment t’aider à te libérer du passé et à sortir du déni ?

Mission impossible ? La multiplication des « incivilités », celle des « faits divers » impliquant la diversité, celle des attentats djihadistes, la modification profonde et visible du pays, il semble que tout cela n’y fasse rien. La force de ton déni s’enracine dans un réflexe inconscient de survie : le progressiste supporte l’insupportable par ce mécanisme de défense. Pour toi, sortir du déni signifierait l’effondrement de ton meilleur des mondes. Celui où tu es une belle personne.

Même touché au plus profond de ta chair, nous n’aurons pas ta haine, car tu es du bon côté, celui de la sensibilité olfactive. Par-dessus tout, je sais que tu redoutes que le ventre de la Bête Immonde ne soit encore fécond. Mais si tu vois des nazis partout, étrangement, tu ne verras pas le migrant qui agresse ou qui viole : « Il ne possédait pas les codes… ». Tu ne verras pas non plus le djihadiste tuer au nom d’Allah : « Ce n’est pas ça, l’islam, pas d’amalgame… ». Tu verras encore moins la racaille pour ce qu’elle est : « C’est la faute de la société, on les a parqués dans des ghettos… ».

Ad nauseam.

Mauvaise nouvelle pour toi, ami progressiste : il te faudra un jour revenir du Pays imaginaire.

Lorsque ce que tu ne veux pas voir aujourd’hui aura ruiné la vie de tes enfants, ne compte pas sur nous pour te plaindre. Quand tu réaliseras que les « fachos » n’avaient finalement pas tort et que ta phobie anachronique du fascisme était une manifestation de ta cécité ; quand, après des décennies pendant lesquelles tu auras fermé les yeux ou regardé ailleurs, il te faudra courber l’échine et regarder en face, les yeux embués de larmes, la guerre qui a déjà commencé ; quand la charité chrétienne aura déserté ce vieux pays chrétien par lassitude et nécessité, tu auras beau prier, mon ami : il sera trop tard.


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