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Déchristianisation, la chance des Catholiques

Déchristianisation, la chance des Catholiques

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Y a-t-il une grâce qui s’exprime par la déchristianisation de notre monde occidental ? Est-ce une indéfectible Espérance qui nous fait voir une opportunité dans la chute ? C’est très chrétien de sourire en se faisant attraper le gras du bide par les crocs des lions. Et si on s’appuie sur cette phrase de Fabrice Hadjadj sur la coévolution du bien et du mal : « L'Histoire [est] comme une croissance, mais comme une croissance double : la croissance simultanée du bien et du mal, et cela de manière inséparable jusqu'à l'heure ultime de la moisson », nous sommes forcés de rechercher ce qu’il y a de bien dans la déchristianisation de notre monde, en quoi cela peut représenter une chance, une opportunité. L’ironie du sort est bel et bien le moteur de la narration qu’opère le créateur.

Moins nombreux et encore plus forts

Les minorités détiennent une plus grande pureté, quant à leur être, que les majorités. En devenant minoritaires, les catholiques se sont regroupés autour du noyau dur de leur croyance et de l’enseignement induit, c’est-à-dire le catéchisme de l’Église catholique. La déchristianisation du monde est aussi une opportunité de désembourgeoisement de la religion. Cette dernière, se décollant de la société, s’allège de l’excès de conventions qui y règnent. Les divisions même au sein de l’Église tendent à s’estomper au regard des agressions dont elle est la cible. Et il se trouve que le plus petit dénominateur commun s’appelle la foi, cela tombe bien. Face au gender ou aux Femens, les Catholiques ont tendance à ne former qu’un. Ce « un » se traduit peut-être par ce qu’appelle Marc Baudrier depuis quelques années, la puissance des réseaux catho : « Majoritaires, ils voulaient changer l'Église, minoritaires, ils rêvent de changer le monde. »

Il est vrai qu’il a suffi d’une poignée de Chrétiens pour faire rentrer l’empire romain et tout l’Occident en mutation en à peine trois siècles. Les minorités ont souvent plus d’effet sur une société que les majorités, car en sortant du cadre, en agissant à la marge, en étant unies autour d’un noyau pur, elles permettent une déstabilisation qui engendre la mutation. Par ailleurs, rien n’est plus difficile que de réformer une majorité, avec ses structures et ses institutions créées, qui font obstacles, c’est alors que l’on a tendance à appeler ça un mammouth.

D’aucuns souligneront que nous avons l’inconvénient par rapport aux premiers Chrétiens d’être en chute alors même qu’ils étaient en croissance. L’énergie et la motivation ne sont pas tout-à-fait les mêmes, et la chute peut mettre certains en désespoir. Sauf que l’on en revient au noyau dur de la foi, qui exclut de fait le désespoir au regard de la victoire déjà acquise par le Christ. À court terme, pour la majorité qui devient minorité, les repères se perdent et l’influence chute. Mais au bout d’un moment, une génération plus tard, les catholiques nés minoritaires sont tout-à-fait semblables aux premiers Chrétiens. Ils peuvent d’ailleurs vite se rendre compte qu’ils sont la cible de critiques absolument semblables à celles des premiers Chrétiens. Il y avait des jouisseurs suffisants qui taclaient volontiers ces intellectuels puritains et mystiques déjà à l'époque. La Rome antique avait ses Caroline Fourest. Celse au IIème siècle écrivait : « Il est une race nouvelle d’hommes nés d’hier, sans patrie ni traditions, ligués contre toutes les institutions religieuses et civiles, poursuivis par la justice, universellement notés d’infamie, mais se faisant gloire de l’exécration commune : ce sont les Chrétiens […]. » Si nous devions véritablement détecter une différence entre premiers et derniers Chrétiens, disons Chrétiens d’aujourd’hui, c’est sans doute dans l’uniformité des dons reçus. Un des scandales de l’époque où les Chrétiens pratiquants étaient encore 14 %, c'est-à-dire dans les années 80, c’est d’avoir été très négligeants sur le sacrement de confirmation. Ce sacrement donne les dons de l’Esprit Saint dont la force. Le sacrement de confirmation est le sacrement qui permet aujourd’hui aux Chrétiens d’Irak ou de Syrie de subir le martyre sans renier leur foi. C’est ce qui permit aux premiers Chrétiens de sourire aux lions, et c’est enfin ce qui peut permettre aux derniers de nos temps de se faire insulter par les Femens ou égorger par des djihadistes du cru. S’il y a une urgence pour la minorité constituée des Catholiques français, ce n’est pas de créer des lobbies à la chaîne, de créer des mouvements politiques en succession de niches diverses et variées, mais c’est d’amener le plus grand nombre d’entre eux à recevoir l’envoi en mission, comme les apôtres à la Pentecôte, d’être confirmés, pour être moins nombreux, mais plus forts.

La bataille de l’opinion

L’influence des Catholiques est plus complexe que de simplement parvenir à mettre un million de personnes dans la rue. Les manifestations historiques de 84 pour l’école libre n’ont, au final, été qu’un feu de paille. Les Catholiques se croyaient encore dans un pays chrétien, ils n’avaient pas encore changé de logiciel pour appréhender le monde. Rentrés chez eux après une victoire, ils n’ont pas fait perdurer le mouvement, notamment pour garder une vigilance sur l’ensemble des projets de l’éducation nationale, bercés dans l’illusion d’une France qui n’existait déjà plus. Versailles n’était déjà plus valable qu’à Versailles… Les catholiques embourgeoisés se sont longtemps contentés de chercher à conquérir et garder le pouvoir économique et politique, présents comme élus locaux, à des postes de hauts fonctionnaires ou dans les conseils d’administration. Ils ont oublié qu’en démocratie, comme le rappelle Marc Baudrier, c’est l’opinion qu’il faut maîtriser.

Le mouvement de La Manif Pour Tous est né dans le monde d’après la prise de conscience d’un occident déchristianisé. L’échec face au gouvernement n’a fait que cristalliser l’engagement politique, au sens large, de la génération Jean-Paul II devenue adulte. Cette génération a reçu l’apostolat d’un pape qui voulait réconcilier le corps et l’esprit, rappeler notre réalité charnelle, et définir le respect du corps et de la vie notamment dans l’encyclique Humane Vitae. Et derrière l’échec sur le mariage pour tous, se cache un mouvement de fond créatif qui cherche à serpenter dans toutes les sphères de la société. Comment transformer le mouvement LMPT en mouvement de fond agissant ? Comment envoyer en mission une génération ?

Et souvenons-nous que les politiques ont toujours redouté l’efficacité d’action de la communauté catholique (tout en misant également sur sa docilité et ses valeurs pour servir les intérêts de la république révolutionnaire.) Cette crainte s’illustre dans les mémoires de Simone Veil, dite simple V, où l’instigatrice de la loi sur l’IVG estimait qu’un soulèvement des évêques aurait fait échouer le vote de la loi. Aujourd’hui, le silence assourdissant de ces mêmes évêques sur l’affaire Lambert, rappelle tout-à-fait cette époque. Heureusement, les moutons-catholiques ont compris qu’il fallait précéder leurs bergers, l’alliance Vita, la fondation Lejeune existent et agissent. Nous voyons aussi le Cercle Charles Péguy de Millon et Delsol essaimer en province vers Rouen, Tours. Certains ex-militants LMPT se sont structurés en niche interne à l’UMP sous le nom de Sens Commun. D’autres signes du temps plus enthousiasmants nous font nous tourner vers Saje Prod, la société de production qui est parvenue à faire diffuser le film Cristeros en France. L’écueil que nous percevons tout-de-suite comme redoutable, avec tous ces exemples, est bien sûr de disposer de tout un tas de bonnes initiatives qui au final, ne se traduisent que par : les cathos parlent aux cathos.

Même si ce dialogue peut permettre de disposer d’une minorité formée et épurée, il faut tout de même parvenir à transformer cette énergie en lobby efficace pour la bataille de l’opinion. Les minorités LGBT et les francs-maçons, particulièrement le Grand Orient, ont tout misé dessus depuis des années. Nous subissons une perte de temps de 30 ans a minima, voire plus si on considère la révolution culturelle de 1968 comme amorce de maîtrise de l’opinion par l’élite intellectuelle. Évitons les fantasmes liés à la complotologie, leur victoire n’est que victoire d’influence. On voit parfois cette même influence battre en retraite face au caractère têtu de la masse, de la réalité, du peuple et de la chair : le non à l’Europe en 2005, le vote front cette année… La bataille de l’opinion, c’est aussi et surtout la bataille de maîtrise des médias et de maîtrise des fictions et des divertissements surtout. En quinze ans de films TV, les Français ont basculé de la tolérance vis-à-vis du PACS à la banalité vis-à-vis de l’homoparentalité. Pourquoi ? Pendant quinze ans, nous avons eu bien sûr quelques reportages réalisés par Caroline Fourest, mais l’essentiel s’est fourré dans les seconds rôles des feuilletons les plus médiocres. Dans Plus belle la vie, ou autres, en arrière plan, il y a toujours un homo malheureux de la non-acceptation de son état par la société avant un happy-end où les plus réac font amende honorable face à l'expression de l'amour. Et puis la téléréalité n'a plus eu qu'à prendre le relais en permettant aux minorités invisibles d'occuper une place de choix. A contrario, Libération déplorait dernièrement la condamnation d'arrière-plan dans les séries américaines de l'avortement, qui est montré dans les fictions comme un crime. Tantôt une jeune fille décide de garder son bébé malgré les conditions infâmes de sa conception, tantôt une femme ayant avorté, rongée par le remord devient la première militante pro-life juste après. Sans doute l'influence des lobbies chrétiens… Cette bataille des lobbies à travers les fictions ou les divertissements est sans doute vile et méprisable. Mais nous vivons en démocratie, cela signifie que nous vivons dans la guerre de l'opinion. Dans une guerre, même de l'opinion, tout acte est vil. Réseaux catho français, êtes-vous prêts à vous lancer dans cette guerre ?


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