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Extrême ?

Extrême ?

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L’un des plus terribles reproches que l’on puisse faire aujourd’hui à quelqu’un est d’être un extrémiste. Ayant dit cela, on croit parfois avoir tout dit, la condamnation est sans appel, et elle exclut d’office celui qui la reçoit du cercle restreint des gens modérés et, pour cela même, fréquentables.

L’expression n’est pourtant pas sans ambiguïté.


D’abord parce que la personne qui pose ce jugement considère en général sa propre position comme la juste mesure. En ce sens, nous risquons toujours d’être trop ceci et pas assez cela, par rapport à celui qui le serait moins ou davantage que nous. Dire de quelqu’un qu’il est trop extrême pourrait bien être une manière de donner bonne conscience à sa propre tiédeur, comme une façon de se rassurer. D’expérience, nous sommes toujours l’extrémiste de quelqu’un…

Observons que lorsque nous prenons congé d’un dîner, nous ne disons pas : « vous êtes une cuisinière modérément douée ». Un amoureux ne dit pas à sa belle : « tu es modérément belle », ou : « je t’aime avec modération ». Aussi n’est-ce peut-être pas l’extrême qui est en soi le mal. Le mal, comme depuis longtemps l’a remarqué la sagesse grecque, est dans la démesure. Or si l’extrémité peut sortir de la mesure, elle peut en réalité être elle-même la mesure. Ainsi, si je veux donner un kilo de sucre, il me faut aller jusqu’à l’extrémité de la mesure d’un kilo de sucre.

Et inversement, accepterions-nous que tel ou tel se déclare raciste modéré, ou bien voleur modéré ?


Pourrait-on encore parler, comme cet arrêt de la Cour d’appel de Paris de 1952, d’un « antisémitisme raisonnable » à propos des écrits d’un journaliste d’Aspects de la France qui recommandait « une saine méfiance envers les Juifs » ?

Cette façon de parler révèle assez bien le relativisme et le subjectivisme dans lequel nous vivons. Elle procède en effet d’une disposition à tout juger à partir de soi. De celui qui adhère plus que moi aux dogmes de ma foi, je dis qu’il est intégriste. De celui qui attache moins d’importance que moi au règlement, je dis qu’il est laxiste.

Mais au fond, qu’est-ce qu’un chrétien fondamentaliste ? N’est-ce pas quelqu’un qui ne lâche rien des fondements de sa foi ? Et si le fondement de notre foi est le christ, n’est-ce pas quelqu’un qui attache sa vie au Christ en toutes choses ? Mais n’est-ce pas là une définition de la sainteté ? Or qu’est-ce que la sainteté, si ce n’est l’extrême de l’amour ?

Une autre manière de dire cela est de reconnaître que ce qui est mauvais le sera toujours, même avec modération. Pour ce qui est bon, en revanche, c’est un peu différent. La vérité, la justice, sont des réalités qui sont bonnes, mais qu’il s’agit de manier avec prudence. Elles ne sont pas toujours bonnes, car une vérité peut blesser, et la stricte justice manquer à l’équité. Le seul extrême qui soit toujours bon, c’est l’amour. C’est pourquoi saint Augustin écrit ces profondes paroles : « la mesure de l’amour est d’aimer sans mesure ». Quel extrémiste, cet Augustin !

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