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La dérive identitaire de François

La dérive identitaire de François

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La mission ! On n'entend plus que ça à tout bout de champ, dans le moindre propos ecclésial et bien sûr au centre du quart d’heure d’improvisation de la messe. La mission ! Jusqu’au gargarisme. C’est ainsi que le mot devient valise, aussi gros que ceux qui véhiculent ordure et insulte. La mission ! Point de salut sinon hors de soi, à la conquête du tout autre. Dans un monde déchristianisé, voilà que l’on se prend pour des premiers chrétiens en charge d’annoncer une bonne nouvelle déjà vieille de 2000 ans. Pourquoi ne pas assumer d’être les derniers chrétiens, après tout ? L’injonction à se convertir n’en serait pas moins forte. L’urgence sans doute plus grande. Être chrétien c’est nécessairement avoir une pensée apocalyptique, à deux doigts de sa caricature complotiste.

A l’heure actuelle, Le Pape Francois nous propose une vidéo digne du catéchisme de mon enfance (années 80), véhiculant la moraline ambiante à coup de cahiers de coloriage : je tiens la porte à la vielle dame, je souris au clodo en lui donnant 1 €, j’accueille l’étranger avec des sarbacanes et des confettis, je fais le clown devant le cancéreux en phase terminale… Viens dans mon organisation, on est sympa, on ne juge pas, on est quelqu’un de bien… La bienveillance flirtant avec la niaiserie progressiste est notre marque de fabrique. Les cathos sauvent la planète comme les autres, tu peux être rassuré, nous avons tous le même Dieu et nous irons tous au paradis. L’Église y passe pour une organisation humaine, un gigantesque club d’alcooliques anonymes. Mieux vaudrait un corps mystique où chacun serait connu par son nom. Non ? Le clip papal suggère même que devenir chrétien permettrait d’aller mieux, de se sentir épanoui et c’est en phase avec les rayons des librairies catholiques envahis de manuels de savoir-vivre et de développement personnel. Et dire que le christ nous a promis l’épée, une épée à double tranchant sans manche… A partir du moment où l’on côtoie le christ, c’est la prise de tête, la couronne d’épines en permanence qui tente de purifier notre imaginaire et de corriger nos intentions !

On fait donc un congrès mission, on ne parle plus que de ça dans les paroisses, il faut sortir, aller à la rencontre. Il faut dire que la périphérie a la cote depuis François 1er chrétien… L’objectif est clair à l’heure de la mondialisation du marché de la religion : il faut donc gagner des parts de marché. A la fin des temps, il ne restera peut-être qu’une ou deux religions, c’est maintenant qu’il faut agir avec stratégie. On se répartit donc le territoire : moi je fais la sortie de la gare, toi tu fais la tournée des lotissements, lui il s’occupe des afterwork. On est à deux doigts d’organiser des réunions Tupperware. On se croirait en pleine campagne électorale. Et puis faites en sorte que l’église soit accueillante, mettez de la musique en mode pop louange…. Il faut habiller la mariée, l’épouse du christ. Et puis viser les jeunes ! Il faut que l’Église se renouvelle, la jeunesse est une cible privilégiée. Comme s’il n’était pas plus urgent de convertir des vieux, ceux qui ont déjà un pied voire plus dans l’agonie.

Moi, qui ne crois qu’à l’apostolat d’amitié… C’est mal barré. Je n’aurais pas le temps de me faire copain avec 7 milliards de non chrétiens. Si j’aborde un inconnu pour lui dire que Jésus l’aime, il me répondra avec justesse : et pour toi qui suis-je ? Impossible de répondre à l’inconnu. Il faut donc que je le connaisse, il faut donc qu’il soit mon ami. Et pour lui, alors qui serais-je si je ne lui parle pas de ce qui est le plus important, a priori, pour moi, à savoir jésus ? Ai-je parlé de Jésus à mes amis, mes prochains proches ? Ai-je accepté que mes amis, mes prochains proches me parlent de Jésus ?

La mission, ce gros mot, me donne le sentiment d’une Église réduite à son expression humaine obsédée par la nécessité de gagner des parts de marché spirituel. Il s’agirait pour le coup d’une dérive identitaire de la part de l’Église. S’agit-il de gagner des parts de marché ou de sauver des âmes ? Et en premier lieu, égoïstement, la mienne. Si je parle à un ami de Jésus, c’est d’abord pour ma propre conversion dans l’illusion d’un apostolat.

Nous parlons d’évangélisation, de mission, en omettant volontairement la notion de territoire. On en fait fi pour tenter de renouveler l’universalisme, ce faisant on assimile l’Église à une sorte de personne morale, un être juridique donc. Or le territoire signifie justement qu’un curé de paroisse à la charge de toutes les âmes de son territoire sans exception, des personnes réputées catholiques ou non, cela signifie que le Pape a en charge le salut du monde. Hé curé, hé monseigneur, hé François… : pais tes brebis ! Hors de l’Eglise point de salut… Et qui sait qui en est ? Cela signifie que tout salut vient du christ, donc que tout sauvé appartient à son corps mystique… pour ce qui est de participer à tel groupe paroissial de tel diocèse de l’amicale de l’Église de France, on s’en contrefiche.

Benoit XVI, conscient de la mondialisation à l’œuvre dans le monde, conscient du paradoxe d’une Église en croissance démographique et un occident en proie à une déchristianisation massive, insistait sur la nécessité de rechristianisé l’Église avant toute chose, de faire en sorte que les prêtres et les chrétiens aient véritablement la foi, que les prêtres et les chrétiens choisissent la sainteté. J’y voyais là la pierre d’angle de l’Église. Cette dernière peut d’ailleurs devenir invisible humainement, ce n’est pas un problème. En tous cas, elle le doit si c’est nécessaire pour qu’elle reste catholique. Pour la gloire de dieu et le salut du monde, notre slogan.

J’aimerais conclure sur une phrase reçue un jour d’un homme à Tours tandis que je tractais pour un piètre homme politique. L’homme me dit : Nous l’Église, nous ne sommes pas d’accord… ce Nous l’Église, résume à lui seul ce que l’on pourrait qualifier de dérive identitaire d’une Eglise progressiste obsédée par ses parts de marché dans la spiritualité mondialisée. La seule réponse possible à ce nous l’Église est : moi l’Église, moi le cosmos, moi le tabernacle de mon Dieu !


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