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La personnalité des anonymes

La personnalité des anonymes

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De constructeurs de cathédrales aux tisserands, en passant par les forgerons, les bijoutiers ou les ébénistes, la multitude des hommes « à la tâche » sur le fil des siècles, reste anonyme. A travers l’histoire, ils demeurent dans l’ombre, sauf pour un cercle d’initiés. Peu d’entre eux, architectes, auteurs, maîtres ou compagnons concernés par le reconstitution historique qu’est la culture d’Etat vivent une résurrection médiatique tandis que la plupart des participants au labeur ont, pour toujours, enfoui leurs cendres dans l’œuvre accomplie. Peu importe que leurs signatures soient ou non gravées sur les pierres qu’ils ont polies. Globalement, ils restent tous des anonymes qui ont fait leur temps. Ils ont agi selon leurs moyens, subi leurs rites, fait « œuvre de bien » selon qu’ils étaient talentueux, inspirés ou soucieux d’une participation à la perfection de la société.

Ces hommes d’hier qui accèdent post mortem à une certaine notoriété n’éprouvaient pas forcément, à leur époque, cette ambition de reconnaissance sociale. Leurs actions étaient principalement tournées vers un monde intellectuellement riche mais géographiquement limité. La première révolution médiatique, l’imprimerie, développée à grande échelle, est venue modifier la donne : la connaissance se répand et n’a plus de frontières. Le tout début de la révolution mondialiste et Internet aidant, modifie de nouveau la situation et accentue le phénomène de vedettariat créé par la radio et la télévision. Ce n’est plus la connaissance sans limite, mais « l’information » (dans le sens le moins neutre du terme) qui devient tout azimut. De plus, il semble bien qu’un petit groupe d’individus de par le monde veut, à tout prix, laisser trace de son passage, sans attendre la légitimation de leurs pairs. Ces gouverneurs de pensées, qui se prétendent artistes, intellectuels, philosophes, chercheurs, veulent êtres adulés par le plus grand nombre de leurs semblables. Rien ne semble assouvir leur soif d’êtres reconnus comme étant les plus grands hommes du siècle. Aveuglés par le pêché d’orgueil, ils oublient leur condition précaire et leur pauvre existence, bornée par le présent.

Les anonymes d’aujourd’hui continuent leur petit bonhomme de chemin et subissent le joug de ces « stars » qui, du haut de l’affiche conduisent « la masse ». Ce sont eux, par l’entremise de lobby puissants au service du dieu Money qui décident d’habiller, de faire travailler, ou d’amuser ce bon peuple. Pour ce faire, ils font feu de tout bois. Ils utilisent même les hommes du passé pour « transmettre un message » sans hésiter parfois à nous culpabiliser. Ainsi, nous devons de penser comme Rousseau, Voltaire ou Marx selon la météo du moment. Par ailleurs, les règles sont créées ou imposées sur « le modèle » de telle ou telle étoile de la mode, de la bêtise, de la chanson, etc. Les forts en gueule, les chefs de file nous en donnent l’ordre. Bien entendu, tout cela est formulé dans notre intérêt. De plus, les hommes, dont certains dans l’ombre, qui disposent de ce pouvoir illusoire mettent en place des mécanismes sophistiqués de vérification concernant tous nos agissements. Et ce, pour que nous soyons toujours plus près de leurs bottes. Bientôt, la puce de notre unique « carte de vie » contiendra toutes informations utiles qui permettront aux dirigeants, tant sur le plan économique que politique, de connaître nos choix, nos envies, nos besoins. Un monde segmenté nous attend. Tout sera réglé, organisé et planifié par avance, non plus pour le bien des citoyens, mais pour le bonheur précaire « des unités de consommation ».

En réalité, cette spirale infernale peut prendre fin : Chacun d’entre nous a un rôle déterminant à jouer au sein des rouages sociaux. Ce sont nos gestes, nos actions quotidiennes, qui permettent la réussite des « déterministes ». C’est par notre personnalité, notre espérance et notre foi en l’existence que seront troublées les statistiques et les résultats des sondages. Les consommateurs et les électeurs demeureront des individus à part entière, s’ils ne perdent pas leur âme dans de simples imitations ou singeries montées en épingle par ceux qui se croient « les grands de ce monde ». A ce stade, une prise de conscience, un respect de soi et de son environnement immédiat, seront à l’origine d’une profonde « personnalité nouvelle » qui s’opposera à cette culture de la « dépersonnalisation » que l’on veut nous inculquer en force.


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