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La vision catholique du monde

La vision catholique du monde

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Les jeunes éditions Chora continuent de nous surprendre en mettant en exergue ces catholiques engagés qui ont servi leur vie durant la vérité et la beauté. Après nous avoir présenté la figure de la théologienne Adrienne von Speyr au travers d’un très bel ouvrage, c’est au tour de Romano Guardini (1885-1968), théologien et universitaire allemand, d’être exhumé du relatif oubli dans lequel il se trouvait. Le recueil de conférences qu’il donnât à la chaire de Berlin dans les années 1920, objet du livre La vision catholique du monde, développe cette vision spécifique qui fraye son chemin parmi trois autres grands types de visions, comme l’écrit dans la préface le professeur Jean Greisch : la vision du naturalisme positiviste qui ne jure que par les performances de l’entendement scientifique, « l’idéalisme de la liberté » qui se réclame du pouvoir d’initiative de la volonté, et « l’idéalisme objectif » qui s’appuie sur les données du sentiment et de l’expérience vécue. La science historique a « exacerbé notre conscience de la diversité illimitée des visions du monde, continue-t-il, au point de vouer à l’échec toute prétention à l’absolu. » Les années 1920 virent ainsi la bataille faire rage autour des définitions ou plutôt des enjeux que se devait d’établir la bonne « vision du monde ».

C’est en cela qu’il est fructueux aujourd’hui, époque déboussolée quand il s’agit d’appréhender le sens de la vie, de la vérité et du beau, de redécouvrir Romano Guardini. L’orientation holistique de sa pensée revêt un caractère saillant, « la saisie du tout » actionnant un levier d’Archimède qui consiste à « prendre au sérieux la Révélation surnaturelle dans tout son contenu, dans tous les domaines et dans toutes ses implications pour la vie réelle. » Greisch renchérit par rapport à l’intuition du théologien : « Seule la Révélation historique et surnaturelle a le pouvoir de nous arracher à l’immanence des faits intramondains, sans pour autant perdre de vue la réalité concrète et charnelle du monde dont nous sommes les habitants. On pourrait illustrer cette thèse en référence au magnifique adage de Simone Weil : "Seule la lumière qui tombe continuellement du ciel fournit à un arbre l’énergie qui enfonce profondément dans la terre ses puissantes racines. L’arbre est en vérité enraciné dans le ciel". » Et Guardini d’introduire sa thèse capitale d’une phrase laser : « Le Christ possède en plénitude le regard de la vision du monde. Le regard de la vision du monde est par excellence le regard du Christ. » Entendre proclamer aujourd’hui une telle profession de foi est scandaleux pour les oreilles du plus grand nombre, dans un contexte de société hyper-sécularisée et farouchement rétive au surnaturel. Si jadis chaque âme travaillait à sa propre destinée et laissait le monde en paix, il n’en va plus de la sorte désormais où chacun se bricole sa vision, son univers dont il n’hésite pas à embêter son prochain par un vulgaire prêchiprêcha. Chesterton avait prédit ce phénomène en affirmant au début du XXème siècle qu’à ne plus croire en Dieu, l’homme ne croirait plus en rien, ce qui l’entraînerait dès lors à croire en n’importe quoi.

La vision catholique du monde de notre universitaire allemand a la grandeur et le souffle profond qui émanent de ces rares esprits radicalement rangés du côté de Dieu. Elle englobe le « tout » de l’être et de la valeur, s’occupe d’intuition, de contemplation : « Pour que la vision du monde puisse se concrétiser, celui qui regarde le monde doit l’embrasser, en pénétrer la profondeur, et en même temps rester libre vis-à-vis de lui. » Le théologien exigeant interroge ses contemporains, et par ricochet, nous-mêmes : avons-nous la foi ? La prenons-nous au sérieux ? Parce que c’est bien là le nœud de la possibilité de vivre au cœur de l’amour de Dieu : « Croire ne signifie pas seulement compter sur des possibilités surnaturelles, ni seulement percevoir, derrière un ici-bas compris comme seul valide, un arrière-plan encore incertain. Croire ne signifie pas non plus s’en remettre à l’au-delà devant l’échec de l’ici-bas. Seul croit vraiment celui qui se place de façon vivante et personnelle au lieu surnaturel où se tient le Christ ; et s’y replace encore et toujours parce qu’il chute encore et toujours. »

Mais comment s’y prendre pour être véritablement participant de cette vision catholique du monde dont on pressent bien, à la suite de Romano Guardini, qu’elle rend l’homme libre et le conduit vers Celui qui est chemin, vérité et vie ? « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. », dit l’Evangile en guise de réponse. Goethe quant à lui, dans son Xénien, formule les choses ainsi : « Quelle est la chose la plus difficile de toutes ? Ce qui te semble le plus facile : avoir des yeux pour voir ce qui se trouve sous tes yeux. » 


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