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Persécutés dans l'indifférence

Persécutés dans l'indifférence

Par  

Ya'Rab Ieshuah !

Je l'affirme sans problèmes, ce texte vient de ma colère, de ma révolte, de mon cœur, de mes entrailles, de mes tripes. Il n'a aucune prétention à l'exhaustivité, juste à partager ces élans pour ceux qui sont pour tout chrétien d'une proximité grandissant de jour en jour.

À mes yeux, ce sujet n'est en aucun cas réductible à un simple cas pratique de discussion polémique. Aussitôt que j'en parle, ce sont jaillissant face à mon regard des personnes, des amis, des visages, des sourires, simplement entrevus ou côtoyés quotidiennement durant deux ans et jamais oubliés à Jérusalem, en Israël, en Jordanie, en Égypte, en Palestine, au Liban lors de mon séjour dans la « Ville Sainte » des trois religions « du Livre » de 1998 à 2000.

Je dédie ce texte à mes grands parents maternels partis en pèlerinage en 1965 en Terre Sainte. Ils avaient parlé à ma mère de ces chrétiens des premiers temps et aussi de leur colère face à la désunion des églises, désunion dont le Saint Sépulcre est le symbole le plus criant. Et c'est ma mère qui à son tour m'a transmis cet amour pour ce christianisme pauvre mais vivace des pays proche et moyen orientaux.

Quelles sont leurs origines ?

Ce sont les chrétiens de langue et de culture arabe vivant au Proche et au Moyen Orient. Ils sont orthodoxes à 60%, liés surtout au patriarcat grec, et catholiques à 40%. Bien souvent, des catholiques eux-mêmes sont hélas persuadés que ces croyants sont la résultante de l’œuvre apologétique de missionnaires occidentaux alors que ce sont eux qui nous ont prêché l’Évangile en premier. Lors de la première et de la deuxième guerre du Golfe, les américains sont allés jusqu'à leur envoyer des prêcheurs pentecôtistes ou évangéliques pour les « convertir ». Ils descendent donc directement des chrétiens originels, et ce sont eux les premiers défenseurs des lieux saints à Jérusalem. Il en est même célébrant encore et priant dans la langue du Christ.

Séparés du patriarcat -Rome- devenu le premier des cinq après la conquête musulmane, ils se sont progressivement constitués en églises nationales afin de pouvoir continuer à survivre (les quatre autres patriarcats au Moyen Age étant Antioche, Jérusalem, Athènes, Constantinople).

Les chrétiens d'Orient sont persécutés par les régimes politiques inspirés de l'Islam, monarchiques, théocratiques et impériaux depuis le début de la conquête de l'Arabie par les disciples de Mohammed, le « Prophète ». Cette persécution s'est exercée avec plus ou moins de violence selon les périodes, elle était pendant la dernière période de l'Empire ottoman, avant la première Guerre Mondiale, presque supportable bien que les chrétiens orientaux restassent des « dhimmis », à savoir des citoyens de seconde zone soumis à l'impôt religieux ceci afin de garantir leur « protection », forcés de porter du jaune dans leur tenue et une croix les distinguant du reste de la population.

La politique d'Atatürk en Turquie comme celle de Nasser après la Seconde Guerre Mondiale tout comme celles menées par les partis Baas en Irak ou en Syrie leur ont été bénéfiques. Ils ont pu s'émanciper et se libérer plus ou moins de la tutelle théocratique des imams ou des ulémas. Saddam Hussein et Bachar El Assad, ou son père Hafez avant lui, sont des tyrans sanguinaires mais qui protégeaient ces minorités chrétiennes. Elles ont pu ainsi rêver jusqu'en 1991 à un avenir moins sombre pour eux dans leurs pays, leur exil se ralentissant alors.

Depuis 2000 et la fin des années 90, la reprise de l'Intifadah, la montée en puissance du Hezbollah au Liban, et maintenant de l’État Islamique ils n'ont d'autres solutions que la fuite, devant tout laisser derrière eux. Excepté celle de l'Œuvre d'Orient ou de l'Aide à l’Église en Détresse, les chrétiens d'Orient ne reçoivent aucune aide de l'Occident.

Ces chrétiens sont méconnus certes par les médias traditionnels, à quelques exceptions notables et parfois surprenantes. Les catholiques ont toujours eu de nombreuses sources ecclésiales afin de se tenir au courant quand ils le souhaitaient des blessures infligées aux chrétiens des pays du Machrek (région allant du Liban à l’Égypte).

Ce n'est pas « le Figaro » ou « Valeurs Actuelles » les premiers à avoir évoqué leurs souffrances suite aux conséquences désastreuses pour eux de la Première Guerre du Golfe mais Christophe Boltanski dans « Libération » en 1999. Il existe des esprits libres partout et l'Esprit souffle où il veut…

Avant lui, Jean-Paul II ou Benoît XVI ont essayé de faire prendre conscience aux chrétiens occidentaux du martyr vécu par leurs frères et sœurs dans la Foi. Mais c'est, du moins en France, une indifférence que je n'hésiterai pas à qualifier d'abjecte qui domine :

Dans les paroisses si l'on prie beaucoup pour les « étrangers », si l'on glose sur l'accueil et l'écoute, il n'est jamais question des coptes, des maronites, des syriaques, des assyro-chaldéens, ou des melkites dans les intentions de prière ou les projets proposés aux fidèles. Il s'agit de ne surtout pas stigmatiser ! De ne pas faire d'amalgame ! De ne pas scandaliser les musulmans pouvant en avoir vent ! Dans les paroisses grecques-catholiques de Ramallah ou du petit village de Zababdeh perdu entre Jénine et Naplouse, le prêtre et les fidèles ne faisaient aucune déclaration de bonnes intentions larmoyantes, le nouveau venu était tout simplement conduit au premier rang et la messe traduite à son intention sans que cela ne pose question…

Déjà à Jérusalem, je me souviens de ces membres de « l'Emmanuel » ou des « Béatitudes » les ignorant, parfois sciemment, le plus souvent par manque de culture. Je me rappelle de cette jeune femme organisatrice de la messe du Jubilé du Pape en 2000 à Bethléem avec les jeunes invitant d'abord ses amis et relations occidentaux et reléguant les croyants palestiniens au fin fond de la place du « Manger Square ». C'est le Pape Jean-Paul II lui-même qui a suggéré que pour la cérémonie suivante ce soit l'inverse.

Je me souviens de ce « Chemin de Croix » organisé à Pâques 2000 par la même. Elle avait demandé aux policiers israéliens d'éloigner même par la force de cette « Via Dolorosa » tous les palestiniens ne sachant pas que c'était d'abord un moment de Paix avec les musulmans, aussi. Je passerai sous silence les réactions constatées « de visu » alors que je tenais un stand de l'Œuvre d'Orient en 2008.

La lumière du cierge du « Samedi Saint » ou « Samedi de Lumière » à Jérusalem allumée dans la crypte du « Saint Sépulcre » par le patriarche latin et le patriarche grec-catholique était transmise à tous les villages alentours. C'était un signe d'apaisement, un signe de charité.

PAS en 2000 à cause de la sécheresse de cœur et la paresse intellectuelle de membres des communautés dites nouvelles méprisant ces croyants des origines.

Je me souviens de cette petite sœur de la Maternité de Bethléem venue chercher de l'aide au diocèse d’Évreux en 2003 en ramenant au mieux beaucoup de promesses vagues et au pire une indifférence polie face à sa détresse infinie. De la mienne aussi alors qu'elle me tendait les mains m'implorant de faire quelque chose afin que les autres paroissiens réagissent…

Du point de vue géopolitique, les chrétiens orientaux ont été également toujours méprisés par les anglais ou les américains, voire les israéliens, ceux-ci privilégiant le dialogue avec les représentants de l'Islam le plus rigoriste, le plus extrême. Ces croyants arabophones auraient pu être une force de médiation. Cela n'aurait pas arrangé les intérêts pétroliers ou financiers des puissances d'argent, celles-ci préférant avoir en interlocuteurs des fanatiques avides d'enrichissement rapide et beaucoup plus malléables.

Par haine de l'Islam, beaucoup feignent de se soucier enfin du sort de ces croyants arabes partageant en théorie leur Foi. Ce n'est pourtant pas cela ce qui doit nous mouvoir mais la volonté d'agir enfin, de ne pas être seulement des matamores virtuels, confortablement installés devant nos écrans.

Afin d'en savoir plus sur le sujet je conseille la lecture de "Histoire du christianisme, tome 4 : Evêques, moines et empereurs, 612-1054" (sous la direction d'André Vauchez chez Desclée de Brouwer)


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