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Petits pas pressés

Petits pas pressés

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Il y a peu, ayant la faiblesse de vouloir briller en société, je confessais à de jeunes amis m’être remis au sport. La langue perfide d’un de ces trublions crucifia rapidement mon enthousiasme d’un : « Ah oui ?! Tu t’es mis à courir comme tous ces vieux en manque de forme ? ». Juvénile et inconsciente cruauté.

Même si mon premier mouvement fut fort peu charitable à l’endroit de ce morveux insolent, force m’a été de constater d’une part qu’ils avaient les rieurs de son côté et que de l’autre, il n’avait pas tout à fait tort. Je fis donc piteusement retraite.

Je profitais toutefois de mon footing suivant pour, une fois écartés les nuages de la rumination, réfléchir à cet épisode. En réalité, ce qui m’a le plus agacé dans cette sortie peu urbaine n’était pas d’avoir été poussé de l’autre côté du Rubicon des ans, mais bien qu’en la bouche de ce blanc-bec, le terme « vieux » ait été transformé en insulte. Comme s’il s’agissait d’une tare. Je sais bien, qu’en fonction de notre position sur l’échelle du temps, nos opinions évoluent sur le sujet mais une chose est sûre, face à la morsure des ans, nous sommes tous égaux. Il n’y a pas de resquilleur.

Plus encore, cette pique m’a révélé quelque chose de notre société qui tient la vieillesse pour un naufrage. Et de fait, si nous vivons davantage, nous avons des fins de vies plus difficiles notamment du fait de la maladie. Or voilà bien deux réalités que notre monde rejette : la maladie et la mort auxquelles il préfère l’illusion d’un bonheur hédoniste sans limite.

Si bien que la jeune classe ne peut concevoir de faire du sport par seule hygiène ou par prévention mais seulement pour la performance que l’on mesure à coup de gadgets connectés pour la partager sur les réseaux sociaux. En réalité, on ne court pas. On fuit. On fuit le temps et ses avanies en oubliant qu’il est la mesure même de notre expérience dont naît le peu de sagesse que nous ne puissions jamais obtenir.

La vieillesse est un naufrage. Sans doute, mais pas celui que l’on croit. Il est celui d’une société qui par peur de la mort oublie de vivre. Il est celui d’une nation où les plus âgés sont devenus un fardeau plus qu’une chance, un poids plus qu’un socle. Malheureux pays qui n’honorent pas ses pères.

Je plains tous ces jeunes corps lorsqu’ils découvriront leurs premières faiblesses que telle ou telle pilule ne guérira pas. Je plains ces jeunes corps domptés et voués au culte de l’éternelle jeunesse jouissante. Leur chute sera rude lorsqu’il leur faudra accepter de trottiner soutenu par leur déambulateur. A moins bien sûr qu’ils ne décident de partir « dans la dignité » selon l’expression autorisée par les médias officiels, vouant ainsi tous ceux qui meurent bêtement naturellement, à la seconde mort de l’indignité.


Dialogue avec mon Pape
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