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We want a Revolution

We want a Revolution

Par  

We always want to change the World


Le mimétisme est un des moteurs les plus puissants de l'humanité et touche aussi bien les événements graves comme la mode, que les sujets futiles comme les révolutions. C'est aujourd'hui ces futilités qui sont à l'honneur. Tunisie, Égypte, Libye, Syrie, Turquie et maintenant Brésil, les révolutions s'arrachent, chacun veut la sienne. Une exception interroge cependant : l'Iran. Après une tentative avortée de renversement du régime, lors de la réélection contestée de M. Ahmadinejad, aucun heurt n'est venu salué la dernière élection, qui pourtant ne changera pas grand'chose au sort des Iraniens. Il faut bien reconnaitre que leur dernière révolution non plus, à défaut d'être foncièrement illégitime, n'a pas été marquée par une progression fulgurante des libertés. Serait-ce, peut-être, que les révolutions ne peuvent finalement aboutir que là où elles ne sont pas les plus nécessaires ?

Une esthétique de la Révolution


Il est vrai que l'Histoire officielle française a largement contribué à diffuser une vision d'un idéal révolutionnaire consacré. Les Révolutions nous fascinent et nous les regardons avec bienveillance, en oubliant au passage que les changements de régime portent toujours des morts dans leur sillage. Déjà Chateaubriand le remarquait, dans les Mémoires d'outre-tombe :
« Tout événement, si misérable ou si odieux qu’il soit en lui-même, lorsque les circonstances en sont sérieuses et qu’il fait époque, ne doit pas être traité avec légèreté : ce qu’il fallait voir dans la prise de la Bastille (et ce que l’on ne vit pas alors), c’était, non l’acte violent de l’émancipation d’un peuple, mais l’émancipation même, résultat de cet acte.
On admira ce qu’il fallait condamner, l’accident, et l’on n’alla pas chercher dans l’avenir les destinées accomplies d’un peuple, le changement des mœurs, des idées, des pouvoirs politiques, une rénovation de l’espèce humaine, dont la prise de la Bastille ouvrait l’ère, comme un sanglant jubilé. La colère brutale faisait des ruines, et sous cette colère était cachée l’intelligence qui jetait parmi ces ruines les fondements du nouvel édifice. »
Plus tard, les Trois Glorieuses, révolution expresse pourrait-on dire, faisait oublier définitivement les dérives de 1789. L'esprit romantique s'installe, Delacroix peint la Liberté guidant le Peuple, l'œuvre est exposée l'année suivante et devient rapidement une des toiles les plus connues de France. Désormais l'image des révolutions ne sera plus celle d'une guillotine, mais celle d'une joyeuse barricade où l'on renverse les gouvernements dans la bonne humeur.

Contre un régime progressiste mais affaibli


Mais que renverse-t-on au juste ? Un régime totalitaire qui restreint les libertés publiques ? Un régime fort à même de persécuter ses serfs les plus vociférants ? Au contraire, pour qu'un Peuple se soulève, il faut que son Gouvernement ait permis qu'il s'instruise. Du Brésil ou de la Corée du Nord, lequel a un régime totalitaire ?
Dans L’Ancien Régime et la Révolution, Tocqueville explique que si la France s'est soulevée, c'est précisément parce que le Peuple y avait de quoi vivre, qu'il ne subissait qu'une féodalité toute modérée, qu'il y était plus instruit qu'ailleurs et ouvert aux idées des Lumières. Rien n'a changé en deux siècles et la Tunisie, qui a déclenché le printemps arabe, était probablement le pays arabe où le régime était le moins insupportable. En regardant de plus près la rapidité avec laquelle s'est effondré le système Ben Ali, on se doute qu'il ne tenait plus qu'à un fil depuis bien longtemps. Il est facile, là encore, de faire un parallèle avec 1789, où Louis XVI -au lieu d'être le tyran qu'on décrit trop souvent- n'eut pas le pouvoir d'imposer les réformes qu'il souhaitait et fut contraint de renvoyer Necker.

Un point plus inquiétant, pour la situation actuelle de la France, est cependant à noter. À l'aube de la Révolution, à l'opposé d'un pouvoir politique quasi impuissant, on pouvait observer un renforcement du pouvoir judiciaire, et de la position de la Noblesse de robe qui l'exerçait. Les Juges se voulaient l'égal du Roi et se félicitaient de la modestie des peines qu'ils prononçaient, à l'opposé de ce que recommandait la loi. L'analyse de Tocqueville à ce propos est formelle :
« Il y avait entre le texte et son application la même différence qu’entre les mœurs des anciens financiers et celles des nouveaux. Les jurisconsultes étaient toujours portés à l’atténuation des délits et à la modération des peines. »
Le lecteur sera probablement le meilleur arbitre pour juger d'une certaine similarité avec l'actualité, quoique grâce à la manif pour tous certains magistrats semblent avoir retrouvé toute la vigueur nécessaire à l'exercice de leur charge et à l'exemplarité des peines qu'ils prononcent. Déchu, Louis-Philippe disait d'ailleurs que « La République a bien de la chance, elle peut tirer sur le Peuple. »

Un pas en avant, deux pas en arrière


Chaque changement de têtes au sommet de l'État est marqué par la chute d'autres têtes. Dans le cas d'une démocratie, c'est le sens figuré qui l'emporte, comme à la direction de la Police Nationale l'an dernier ; dans les autres cas… Après les dirigeants de premier plan, le bain de sang et la répression descendent progressivement à toutes les couches de la société, les nouveaux Maitres se font despotes : Cromwell, Robespierre, Mohamed Morsi… Hergé ne faisait-il pas dire au Général Alcazar, « Une Révolution sans exécution capitale ? Mais vous êtes fou. » ?
Après un temps de désordre plus ou moins long, un nouvel ordre s'installe, plus strict que celui qui a été chassé. Peu à peu, l'enthousiasme retombera et à la recrudescence actuelle des révolutions succédera un "néo-néo-conservatisme". Changer le Monde est peut-être un rêve mais qui veut y croire doit s'atteler à un travail de fourmi, convaincre un à un ceux qui l'entourent au lieu de succomber à la tentation de la révolte, sous-peine d'obtenir le contraire du but recherché. Ceux-là méritent véritablement le titre de Révolutionnaire. Et, comme chantait Jacques Brel, « L'avenir dépend des Révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. ».

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