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Nicole Esterolle, la bouffonnerie de l’Art Contemporain

Nicole Esterolle, la bouffonnerie de l’Art Contemporain

Par  
Propos recueillis par Maximilien Friche

Chère Nicole Esterolle, merci d’accorder à MN cet entretien. Nous avons à cœur à MN, à la fois de déboulonner l’arnaque de l’art contemporain (AC) devenu art officiel, et en parallèle de promouvoir le travail d’artistes véritables. Vous venez de publier un livre jubilatoire sur bien des plans : « la bouffonnerie de l’art contemporain ». Et en entête de ce livre, Aude de Kerros, que nous connaissons bien ici, signe une préface censée en dire plus sur vous mais qui finalement contribue à épaissir le mystère de Nicole Esterolle. Doit-on absolument rester caché pour continuer à exercer une critique libre de l’art contemporain ? Est-ce pour vous protéger personnellement, pour garantir vos sources d’informations, ou tout simplement pour vous jouer d’un système que vous aimez faire tourner en bourrique ?

NE : J’ai une petite notoriété dans le milieu de l’art français, qui risquait de créer une diffraction ou une perturbation dans la réception des éléments d’information et de réflexion qui sont fournis dans mes textes, que je souhaite que l’on prenne pour leur seule valeur intrinsèque. Je pourrais assumer ces textes, mais j’ai préféré prendre un pseudo pour des raisons stratégiques et puis c’est vrai que j’ai ainsi une plus grande liberté d’écriture… Et puis c’est vrai aussi que lorsque l’on entreprend de dynamiter les véhicules de la crétinerie artistique institutionnelle, il est préférable de rester clandestin et de laisser de côté son ego, quitte à perdre son quart d’heure de célébrité warholien… Quant à mes informations, elles sont fournies par les textes mêmes émanant de cette susdite crétinerie d’État : il n’y a qu’à les lire, les choisir convenablement et les citer tels quels, pour qu’elle se dynamite elle-même…

MN : J’aimerais savoir, au fond, quelle est la mission de votre livre ? Quelle urgence, quelle nécessité vous poussent à signer cette saillie outrancière contre un art conceptuel puits sans fonds des subventions publiques, et opportunité rêvée de blanchir l’argent de la finance ? Est-ce une mission d’information du grand public pour dénoncer ce que vous appelez « la dictature totale du couple bureaucrate-spéculateur dans le domaine de l’art » ? Une mission pour décomplexer l’ensemble d’une classe médiatico-intellectuelle qui n’ose plus être honnête intellectuellement, se sentant « coupable de ne rien comprendre » ? Est-ce pour vous faire le porte-parole de l’armée des ombres des artistes méprisés par le système ? Est-ce pour faire cheminer la pensée vers une prise de conscience de la nature même de l’art, sa vérité ?

NE : Oui, c’est pour toutes ces bonnes raisons à la fois, mais pour autant, il ne s’agit pas de « militance », de mission à remplir ou de bonnes paroles à délivrer car ce serait aller droit dans le piège. Non, il s’agit plutôt d’un jeu avec les mots, avec les situations, qui permet de garder une certaine distance avec le sujet… une approche plutôt ludique, humoristique, voire poétique, c’est ce qui m’intéresse.

C’est pour cela qu’à mon avis il n’y a pas d’outrance, comme vous dites, dans mes textes, mais plutôt une prudente distanciation indispensable pour aborder des sujets qui sont, eux, d’une outrance et d’une violence inouïes faites aux sens et à la raison…

MN : Vous décomplexez dès le titre de votre essai, ceux qui n’osaient plus rire du ridicule de cet art d’ « establishment ». Certains passages où vous vous contentez de dire ce qui est, de mettre en lumière la réalité pathétique de telle ou telle performance artistique, me font penser à Philippe Muray, qui loin de se désespérer, faisait œuvre de narration de tout ça, dans une écriture jouissive. Le rire est-t-il devenu réactionnaire dans notre monde ? Le rire est-il la seule façon, ou l’amorce, pour sortir du piège de la dialectique imposé par les sérieux oligarques fonctionnaires et financiers défenseurs de l’AC, ces « professionnels de l’industrie de l’insignifiance » ?

NE : L’exercice que je pratique, qui consiste à faire rire de la bouffonnerie et du foutage de gueule institutionnalisé, à ridiculiser un appareil à fabriquer de la dérision systématique, à subvertir la subversion, à arroser l’arroseur avec sa propre pisse, à faire en sorte que les pervers reçoivent leur perversité en pleine figure, tout cela est assez acrobatique, méta-dialectique, mais très positivement inventif j’espère et sainement jouissif.

MN : Il y a quelque chose dans le rire et la moquerie d’absolument terrifiant, c’est qu’ils révèlent l’agresseur. On voit très bien que celui dont on se moque devient d’un coup extrêmement agressif comme nous ne l’aurions jamais imaginé auparavant. Vous faîtes même la comparaison entre ces jeunes « têtards » émergents sur la scène artistique internationale avec ces jeunes talibans étudiants en théologie sortant des écoles coraniques…

NE : La bouffonnerie de type Maurizzio Cattelan par exemple, qui devient pratique courante aussi bien sur le grand marché artistico-financier spéculatif, qu’en matière de spéculation intellectuelle ou de pédante  « processualité discursive » caratéristiques de la pensée artistique officielle véhiculée par les musées , FRACs et écoles d’art… cette bouffonnerie obligatoire qui vous enjoint autoritairement de désobéir et de rigoler de tout , est d’une terrifiante perversité, d’autant qu’elle s’appuie sur un discours des plus doctes et sérieux qui soit. Mais on connaît bien ce « double-message » aliénant et psychogène : il est celui de tous les systèmes de  pouvoir tordus, abrutis  et totalitaires.

MN : Une fois que l’on a bien ri, on ne peut s’empêcher de porter un diagnostique alarmant sur le virus de la pensée à l’origine d’une telle dérive dans l’art. L’art contemporain produit comme un emballement dans la logique du nihilisme postmoderne, au sens d’une adoration du néant. Vous évoquez tous les trésors de dialectique des professionnels de la sur-conceptualisation, qui aboutissent finalement à ne plus distinguer l’œuvre d’art du discours, le discours de l’événement, etc. Et nous pourrions qualifier tous les discours sur l’AC d’exégèse du néant. Selon vous, peut-il y avoir une fin dans cette logique d’auto-alimentation vicieuse du rien ? Par quel moyen faire taire tout le monde ?

NE : La « bouffonnerie artistique » est une stratégie destinée à vider l’art de son contenu humain, pour mieux s’en servir comme instrument de pouvoir et de rentabilité financière. La sur-conceptualisation du bouffon, du scandaleux,  de l’absurde, du transgressif, permet  de remplacer le contenu par l’enveloppe discursive, de remplacer l’art par son commentaire et de le rendre ainsi plus efficace médiatiquement et politiquement, car « le verbe, c’est le pouvoir » et le pognon… Mais il est évident que ce système pervers est voué à disparaître à terme dans sa propre béance ontologique. Et l’on constate  déjà les méfaits de cet enfermement sectaire, de cette auto-fellation du néant, de cette consanguinité propre aux communautés fermées,  et de cette « auto-alimentation vicieuse » comme vous dites, quand on lit les textes de plus en plus crétins, tarés et délirants des théologiens et terrifiants ayatollahs de l’art officiel et/ou international…

Mais comme antidote à la parole terrorisante de ces grands inquisiteurs rouages décérébrés d’un appareil sans autre finalité que lui-même, il y a les livres et les textes de quantité de personnes réelles et identifiables, bien vivantes et pensantes, mais que l’appareil, aussi aveugle que sourd et con qu’un réveil-matin, ignore bien évidemment… et c’est pour cela que je tiens à vous donner ici une liste (non exhaustive bien sûr) de ces « dissidents de l’art dit contemporain » dont l’histoire retiendra les noms: Alphonse Allais, Jean Baudrillard, Alain Besançon, François Chevalier, Jean Clair, Antoine Compagnon, André Comte-Sponville, Aude de Kerros, Christine Sourgins, Maryvonne de Saint Pulgent, Jean-Philippe Domecq, Benoit Duteurtre, Marc Fumarolli, Hélène Parmelin, Nicolas Grimaldi, Boris Lejeune, Claude Levy-Strauss, Jean-François Mattei, Kostac Mavrakis, Philippe Murray, Octavio Paz, Giovani Panini, Dominique Schnapper, Michel Schneider, Georges Steiner, Wladimir Weidle, Yasmina Reza, Jacques Mougenot, Laurent Danchin…


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