Mort administrative
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Mort administrative
Lundi dernier, j'ai failli mourir à cause de l'administration de l'éducation nationale, cette secte, ce « mammouth » qu'on dit moribond mais qui bouge encore, totalement sclérosé, totalement irréformable à moins de virer une bonne partie des personnels, tous plus incompétents les uns que les autres, dont la plupart font ce métier par défaut, et non par vocation réelle.
Cela me fait toujours rire, les amateurs de « Yakafokon » qui prônent le retour qui à l'uniforme, qui aux coups de règle sur les doigts, qui à des valeurs et une histoire que la grande majorité des français ne connaissent plus depuis une éternité, ils n'ont pas encore compris que la société s'est considérablement abêtie depuis les belles années des « trente glorieuses ». Ou alors pourquoi pas la méditation transcendantale avant un cours de français ?
Cela faisait déjà dix jours que j'essayais de leur faire prendre conscience que faire venir deux fois dans la même semaine, à cent kilomètres de distance, une personne qui n'est pas motorisée à cause de son handicap, est absurde. Impossible de leur faire entendre raison, impossible de les inciter au bon sens.
Lundi dernier donc, je reçois un message inflexible, sur un ton méprisant et infantilisant d'une petite chefaillone de bureau qui m'intimait de me rendre au rendez-vous du lendemain qui, la veille encore, devait se faire en distanciel. J'ai été tout prêt de l'AVC, une tension record et un pouls de compétition. Son appel ignoble m'a envoyé aux urgences.
J'ai définitivement compris à ce moment que je ne pouvais compter sur aucun syndicat ni pseudo grande conscience politique, ni collègue se proclamant rebelle à « l'éduc nat » – mais attention jamais en public ni en salle des profs. Même pleins de bonne volonté, ils sont dans le cadre ; ils sont dociles au fond et respectueux des grades. C'est une opposition permise, autorisée, tolérée à condition de ne pas déborder. Le genre qui aime bien la révolte par procuration, qui salue le courage immense des autres professeurs blogueurs qui ont cette imprudence extrême d'écrire sous leur vrai nom et de dire ce qu'ils pensent, mais qui eux s'en garderaient bien. Ils ne sont pas fous. Depuis trente ans que je suis prof, j'en ai croisé de ces anarchistes en pantoufles, de ces ronds de cuir syndiqués. Que j'aie frôlé la mort n'a jamais suscité chez eux que de l'indifférence. De la même manière que l'on parle du « sentiment d'insécurité », on a évoqué mes impressions et mon mal être supposés.
La plupart des gens voient l'éducation nationale comme dans les photos de Robert Doisneau ou « Pause Café », ce feuilleton des années 80. Personne ne réalise vraiment la dégringolade de niveau immense. Mais, las, ils s'en fichent, ils s'en lavent les mains. Tant que l'école gardent leurs gosses et les occupent, le reste leur importe peu. Apprendre à lire, pour quoi faire ? Apprendre à compter, pour quoi faire ? Apprendre à réfléchir, aucune utilité. De toutes façons « la culture c'est comme la confiture moins on en a, plus on l'étale », comme dit l'adage populaire que l'on entend depuis soixante ans au moins, cet anti-intellectualisme, anti-érudition du pékin moyen qui entend ainsi justifier son ignorance crasse. Il n'est pas cultivé, mais il n'est pas prétentieux, comme si l'intelligence du cœur n'allait pas de pair avec la raison et l'intelligence tout court… Ou alors, il est un « notodidacte » ainsi que ce mot est toujours prononcé.
Le cancre est toujours plus la figure sympathique que l'on retrouve portée aux nues dans divers films et BD, le mauvais élève tellement plus sympathique que les premiers de la classe, ces idiots qui font l'erreur de travailler à l'école à entendre la « vox populi ». « Intello » dans les cours de récré est devenue la pire insulte qui soit. Je n'ai jamais bien compris, même enfant, en quoi le fait d'être studieux est-il interdit ? De toutes façons à l'école on préfère maintenant éduquer sur « l'écoresponsabilité », sur la citoyenneté, sur le genre, sur les minorités diverses et variées plutôt que de transmettre quoi que ce soit.