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Pour ne pas désespérer tout à fait de la France

Pour ne pas désespérer tout à fait de la France

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Ce qu'il y a d'admirable, c'est que cette manœuvre, séduction, détournement et retournement, réussit toujours ; le prolétariat marche toujours pour la bourgeoisie voltairienne et contre la bourgeoisie chrétienne, en particulier catholique ; et toutes les fois que le mouvement de la bourgeoisie voltairienne contre la bourgeoisie catholique rate, c'est contre et sur le prolétariat que retombe le ressentiment féroce de la bourgeoisie catholique ; mais toutes les fois que le mouvement de la bourgeoisie voltairienne contre la bourgeoisie catholique réussit, c'est contre et sur le prolétariat que tombe l'ingrate vacance féroce de la bourgeoisie voltairienne.
              Péguy, 1904
 

            En Macron, que rejetons-nous donc ? Qu'est-ce qui, dans son attitude, dans son maintien, dans son regard, dans les inflexions de sa voix, dans l'écoulement de sa phrase, nous répugne à ce point que nous en arrivons à ne plus pouvoir nous projeter qu'en des alternatives où le pire ne fait que s'opposer au pire ? Mais Macron n'est rien. Ce qu'il faut essayer de comprendre, c'est l'état d'accablement général où nous ont mis quelques décennies de charlatanisme politique, au cours desquelles se sont progressivement épuisées toutes les réserves d'illusion qu'entretenait à grands frais un système d'exploitation des ressources et des énergies qui n'eut jamais besoin de la démocratie que pour servir de caution morale aux plus déplorables opérations. Comment expliquer autrement que nous nous résignions si facilement à voir disparaître de notre paysage social, culturel et politique tout ce qui faisait de la France, malgré tout, un grand pays, un pays de tradition – chrétienne, humaniste, révolutionnaire, peu importe, mais de tradition.

            Ce que représente Macron (qu'on pourra autant qu'on voudra remplacer par n'importe quel énarque de son espèce), c'est d'abord ceci : une entreprise visant à dissoudre en de pure opérations de communication tout ce qui constitue une politique, de telle façon qu'on ne puisse plus envisager l'avenir autrement que comme une pure et simple continuation de ce qui domine dans le présent, étant bien entendu que ce qui domine, c'est ce qui s'impose sans discussion, ce qui relève d'un traitement purement technique : des chiffres, des données, des dispositifs, des rapports de force. C'est, s'il en est une, l'idéologie du fait accompli, telle qu'elle triomphe dans l'expression caractéristique des sportifs : on l'a fait ! Peu importe quoi : on l'a fait, à l'exclusion de toute exigence d'ordre moral ou spirituel qui pourrait porter à ne pas faire, précisément. En d'autres termes, c'est la forme pure du pouvoir, la plus basse et la plus impure, au point de vue duquel toute situation ne se donne que comme une problématique, une manière d'articuler des données soi-disant parlantes (de préférence chiffrée) pour créer les conditions d'une solution prétendument rationnelle mais surtout adaptée aux moyens dont on dispose, ceux-ci ayant à être toujours aussi efficaces que possible, sans considération des problèmes que leur emploi engendre ou permet d'occulter, parmi lesquels surtout celui de la justice exige d'être toujours davantage évacué, à moins de pouvoir se résoudre en simple problème de gestion. Telle est « l'ingrate vacance féroce de la bourgeoisie voltairienne ». 

            Ainsi a-t-on pu naguère se débarrasser des Gilets Jaunes, que leur nom même destinait à se dissoudre dans la foule des opérateurs sans qualification que notre système tend à multiplier comme les cellules d'un cancer, la société toute entière ayant à être traitée comme un vaste corps dont les réseaux du système informatique seront la seule conscience.

            Quant au vote, il garde assurément toute sa valeur. Mais on est en droit de lui préférer l'abstention totale, dans l'attente du moment où tous ceux qui ont voté Rassemblement National ou Nouveau Front Populaire comprendront qu'ils ont été dupes d'un véritable marchandage électoral, comme les autres.

 

                                               Sabres, le 1er septembre 2024


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