Le Logos incarné
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Le Logos incarné
Notes sur le Saint-Esprit et la liberté humaine 2/4
Les modernes, fussent-ils « intellectuels », sont à tel point, gagnés par les séductions de la mauvaise foi qu’ils ne réfutent plus, sous les espèces des théologies et des métaphysiques, que d’absurdes doctrines forgées de toutes pièces. La perspective métaphysique est récusée, non dans ses œuvres mais dans ses caricatures grotesques qui n’entretiennent plus avec leur modèle que des ressemblances inventées. La façon dont l’agnostique croit pouvoir récuser la théologie renseigne sur son outrecuidance qui se fonde sur un farouche refus d’interpréter les dogmes, les théories, les visions qu’il considère à tort ou à raison comme hostiles au « progrès ». Que n’a-t-on moqué la Création du monde en sept jours sans prendre la peine comprendre − ce qui paraît pourtant d’une évidence éclatante − que le mot « jour » désigne ici une période dont la durée ne peut être encore déterminée et non une journée de vingt-quatre heure. Le monde, nous dit la Genèse, s’ordonne en sept étapes dont une de repos. Cette vision en vaut bien d’autre. Et que n’a-t-on dit de la Trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit, que les matérialistes considèrent comme une pure aberration.
Outre que les matérialistes n’ont, en matière de fanatisme et de sectarisme de leçon à ne recevoir de personne (ils y excellent eux-mêmes), comment ne pas voir que la Trinité est une admirable formulation de la nature du monde en tant que création du Verbe ? Nulle intelligence scientifique ne conteste aujourd’hui que le monde est constitué comme un langage par la combinatoire infiniment renouvelée d’éléments simples. Or qu’est-ce que la Trinité, à son premier degré d’interprétation, sinon une magistrale théorie du langage ?
Si le Père est le sens, la pensée pure, non encore advenue, hors d’atteinte et toute-puissante dans son éloignement, le Fils est l’Advenue attendue, le Logos incarné selon l’expression de la théologie orthodoxe. Mais entre le Sens et le langage, entre le Logos incréé et le Logos incarné, et dans un ordre plus immédiatement perceptible, entre le mot écrit et sa compréhension dans l’entendement du lecteur, il faut une médiation, un passage, une ambassade. Telle est la mission du Saint-Esprit. Chacun constate que sans l’Esprit, le passage entre le mot et le sens ne se fait pas. Si l’Esprit nous fait défaut, les mots que nous lisons ou que nous entendons ne prennent point sens et demeurent inertes, hors d’atteinte, tels des écorces mortes. La lecture ou l’écoute requiert l’œuvre de l’Esprit. Ce qui est vrai dans l’ordre de l’expérience immédiate du langage ne l’est pas moins à l’échelle du monde selon l’analogie bien connue du microcosme et du macrocosme. Entre ce qui doit être dit et ce qui repose encore, telle une pure puissance lumineuse, dans le silence incréé, et ce qui est dit, offert à notre entendement, l’Esprit circule et cet Esprit qui donne un sens aux choses qui s’offrent à nous, les théologiens eurent de bonnes raisons de le dire Saint.
L’incompréhension, voire le mépris dont les dévots et les pratiquants eux-mêmes font preuve, trop souvent, à l’égard d’une réalité aussi opérative et resplendissante coïncide avec l’étiolement de l’art de l’interprétation. En l’absence de l’Esprit-Saint, l’intellect demeure hors d’atteinte et les mots ne sont que des écorces mortes que l’on idolâtre (et c’est le fondamentalisme) ou que l’on ignore (et c’est le matérialisme). D’où cette sinistre évidence que l’on constate chaque jour, et que certains se trouvent fort en peine d’expliquer autrement : les matérialistes sont des fondamentalistes et les fondamentalistes sont des matérialistes. Lorsque l’Esprit-Saint déserte notre attente, notre liberté nous quitte sans un mot, nos fidélités deviennent obtuses et nos impiétés de pires asservissements.
