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Nicole Esterolle en artcontemporainistan

Nicole Esterolle en artcontemporainistan

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Propos recueillis par Maximilien Friche

Dans cet échange avec Maximilien Friche, directeur de la revue en ligne, le laboratoire du verbe, Mauvaise Nouvelle, la mystérieuse Nicole Esterolle, dont l’audience sur internet est très grande, nous parle de sa raison d’être, de son combat pour la défense d’un art à contenu, de sa méthode pour la diffusion de ses textes. Mauvaise Nouvelle a donc l’exclusivité de fait pour la dispersion de ce document récapitulatif, puisqu’aucun autre média ne semble apte à s’y intéresser… Ce qui est d’ailleurs sans importance, puisque Nicole est à la fois le message et le média : « The medium is the message », disait un certain Marshall McLuhan… Sauf qu’ici, la conjonction des deux est parfaitement consciente et assumée.

Maximilien Friche : Nicole Esterolle, qui êtes-vous ? Depuis combien de temps existez-vous ? La première fois que Nicole Esterolle s'est exprimée, c’était à quelle occasion ?

Nicole Esterolle : Je suis née sans aucune préméditation de ma part, comme ça, naturellement, il y a une douzaine d'années. J'avais envie d'écrire sur une exposition d'art officiel, une grosse exposition, une grosse opération d'art contemporain institutionnel particulièrement inepte. Et j'avais l’envie folle de flinguer l’affaire. Et je ne pouvais pas le faire sous mon nom, parce que j’ai une certaine notoriété en tant que peintre et en tant que fondateur d'une revue d'art. Je ne voulais donc pas mélanger les choses, ce n'était pas spécialement par peur, mais plutôt par méthode, pour distinguer les sphères d’action et sans doute aussi pour avoir plus de liberté, pour qu'il n’y ait pas de phénomène de diffraction, de perturbation. J'ai commencé ainsi : j’ai rédigé un texte et je l’ai envoyé à tout le fichier de contacts que je possédais en tant que directeur de revue. C’était il y a une douzaine d'années. Suite à mon envoi, j'ai eu des quantités de retours positifs, quelques-uns de négatifs, quelques insultes et même des menaces ! C’est dire si j’avais fait mouche ! J'avais touché juste. Nicole venait de naître et elle avait des choses à dire au monde de l’art.

MF : Heureuse naissance d’une bavarde !

NE : Je me suis prise au jeu, j'ai donc continué avec un 2ᵉ texte, etc. Mon activité s'est ainsi développée et j'ai également agrandi mon listing. Ensuite, j'ai reçu l’aide d’un ami qui a développé un site propre, un blog. On s'était mis d'accord pour appeler ce site : le schtroumpf émergent. Schtroumpf émergent, pourquoi ? C’était une allusion à l’appellation « jeune artiste émergent sur la scène artistique internationale ». Il s’agit en général d’un diplômé avec félicitations du jury de l'école des beaux-arts, et son statut de jeune artiste émergent sur la scène artistique internationale lui permet d’exposer dans les galeries subventionnées, les musées ou les FRAC et de bénéficier de toutes les formes d’assistanat. J’ai cessé d’utiliser cette expression de Schtroumpf émergent qui était pourtant rigolote, car j’ai pensé qu’il fallait être plus précis et compréhensible par tous, et j’ai opté alors pour l’appellation de « plasticien conceptalo-bidulaire » qui commence à être de plus en plus employée par le milieu !

MF : Le ton était donné : de l’humour, de l’esprit, de la jubilation et de l’audace. Je comprends donc que la naissance de Nicole est liée à une fameuse exposition, j'imagine aussi que c'était un peu la goutte d'eau qui faisait déborder le vase, l’aboutissement d’un ras-le-bol vis-à-vis du grand n'importe quoi dans le domaine de l'art contemporain. Ça faisait sans doute un moment qu’un agacement flirtant avec la colère devait monter en vous…

NE : Oui, en effet, car déjà, avec la revue que je dirigeais, j’étais à rebours du contemporainisme officiel, en y révélant des quantités d'artistes qui n'étaient pas de l'ordre du conceptuel, mais plutôt du sensible, du poétique, de l’onirique, etc. Autant de vertus qui étaient qualifiées déjà de valeurs réactionnaires par les intello-progressistes des structures culturelles étatiques.

MF : J’aimerais rebondir sur le mot « conceptuel ». Je pense que ce dernier représente le cœur même du combat de Nicole Esterolle. Au regard de ce que je vois dans le Nicole’s Museum – on en parlera plus tard – où il y a beaucoup de choses abstraites, on comprend que votre combat n’est pas uniquement orienté vers l’académisme. C’est donc bien l’art conceptuel qui pose souci. Je qualifie l’art conceptuel de catégorie d’activité intellectuelle, d’exercice intellectuel. Ces jeux intellectuels, comme des jeux de mots en objet ou en acte, ont toujours existé. Il s’agissait d’illustrations d’essais, de la mise en pratique d’essais de philosophie. Agissant dans les mêmes lieux que l’art, ils sont devenus une avant-garde comme une autre. Le souci n’est bien sûr pas là, mais dans le fait que cette avant-garde a fait un hold-up sur le mot art et a tenté de remplacer tout l’art d’aujourd’hui en se qualifiant de contemporain. Est-ce que je me trompe en qualifiant ainsi le cœur du combat Nicole Esterolle ?

NE : Le combat, c'est d’abord de protéger l'art qui a un vrai contenu. Comme dit Jean-Philippe Domecq, l'art conceptuel, c'est l'art sans art, c'est-à-dire un art sans contenu mais avec une charge intellectuelle, idéologique, posturale et souvent un engagement politique. Cela permet de vider l’art pour mieux le bureaucratiser, l'intellectualiser et le financiariser aussi. C’est ainsi qu’on fait de l’art un attribut, un outil de toutes sortes de pouvoirs, aussi bien bureaucratiques, institutionnels que financiers. Cela permet aussi à une certaine catégorie sociale de se parer pour pas cher des plumes de la haute distinction et des signes d'appartenance à une classe supérieure.

Un art de l’entertainment

MF : C'est marrant, ces exercices intellectuels transformés en objets auraient dû paraître sans intérêt et totalement ennuyeux, et ce qui est surprenant, c'est de voir que cet art contemporain a trouvé finalement tout à fait sa place dans le monde du divertissement. La culture n’est rien d’autre aujourd’hui, l’art est amazing. Et la culture est là pour divertir le peuple. La culture, c'est quand les gens n'ont plus rien d'autre à faire. On n’est pas dans le domaine de l'art, on est dans du passe-temps. Il faut occuper les masses par des événements. Et donc, effectivement, l'art contemporain est peut-être un produit bienvenu, car complètement malléable.

NE : Ce qui caractérise aussi l'art contemporain, c'est cette pratique récurrente du minimalisme, du gigantisme, du surdimensionnement de l’insignifiant, etc. : autant de procédés de fabrication d’un spectaculaire très médiatique et « évènementiel ».

Pensons aux énormes tulipes de Koons. Pensons à cette mode actuelle de l’« art immersif ». Pensons à ces milliers d’œuvres conceptalo-bidulaires aussi divertissantes que le mouton à 5 pattes ou la femme à barbe de la Foire du Trône, qui bourrent les FRAC. Pensons à cette banane écrasée entre deux parpaings, à cette salade fraiche sur un tas de charbon, à ces tas de bonbons, à ces voitures écrabouillées, à ces tas de gravats, à ces entassements de toutes sortes de choses (j’ai une collection d’images de 168 tas réalisés par des plasticiens conceptualo-bidulaires de renommée mondiale).

On est en mesure aujourd’hui, grâce au progressisme de l’art, de pouvoir fabriquer de l’objet culturel en intellectualisant la laideur et la vacuité.

Et cette grossière transmutation arrange bien les bureaucrates et spéculateurs de tous poils, qui ont été qualifiés pour leur insensibilité foncière à la réalité intérieure des œuvres d’art authentiques.

De la « durabilité » des œuvres d’art

MF : Alors admettons qu'il y ait un cataclysme, et que des années après, des archéologues retrouvent un hangar d’un fond régional d'art contemporain avec ces œuvres d'art que l’on vient d’évoquer. Sachant que ces dernières ont le même statut que les autres œuvres acquises par l'État, à savoir qu'elles sont inaliénables. Imaginons notre archéologue qui arrive là, qui voit cette cabine téléphonique sans téléphone, cette vache en résine qu'on avait mise dans les arbres des Champs-Élysées, ou je ne sais quel étron géant en plastique… En quoi pourrait-il qualifier ces objets d’œuvres d’art ? Ce n’est pas leur inutilité qui suffit à les qualifier d’art ! Que dirait-il ? Est-ce là une collection de jeux éducatifs, un cabinet de curiosités ? À aucun moment, le mot art ne pourrait lui venir en tête, c’est certain.

NE : Les œuvres des FRAC sont à 80 ou 90 % des œuvres sans contenu, mais complètement conceptuelles, posturales, comportementales avec une lourde charge idéologique. Et effectivement, quand, bientôt, tout l'environnement intellectuel soutenant cet art sans art aura disparu, ça ne voudra plus rien dire. Le vrai scandale avec les FRAC, c'est que ça bourre les collections publiques, mais pas seulement : ça discrédite et invisibilise toute la création actuelle. Mais vous savez, c'est Buren lui-même qui dit que l’art contemporain est l’art qui correspond à une période d'une trentaine d'années, de la fin du 20ᵉ siècle et du début du 21ᵉ siècle.

MF : Je pense au pauvre Marcel Duchamp ! Il a fait son ready-made en iconoclaste joyeux de ce qu’était l’art, en pied de nez dada, et, en soi, cela pouvait tout à fait avoir sa place. Le souci n’est pas le premier qui fait ce ready-made, mais le 2e et tous ceux qui suivent. Le premier homme qui a comparé une femme à une rose est un génie ; le 2ᵉ est un idiot. Mais alors, pour l'urinoir proclamé art, c'est encore pire. Ceux qui imitent Duchamp depuis près d’un siècle sont tous plus idiots les uns que les autres.

NE : Et c’est cela qui a permis d’affirmer par le philosophe Jean Baudrillard que l’art contemporain était « une conjuration des imbéciles »… Et c’est pour cela que Buren confère de la durabilité à ses œuvres, en les réalisant en béton armé.

La méthode Nicole Esterolle

MF : Maintenant, je voudrais que l'on parle de la méthode Nicole Esterolle, sa marque de fabrique. Parce qu'il y en a plusieurs qui attaquent l'art contemporain, l'art conceptuel, l'art financier, l'art officiel, selon tous ces termes qui convergent. Mais tous le font avec des méthodes différentes. On connaît bien Aude de Kerros qui a analysé le phénomène du soft power à travers l’art contemporain et sa financiarisation. Il y en a d'autres qui interrogent philosophiquement l’idée du beau : qu’est-ce que la beauté ? Nicole Esterolle fait différemment, elle déboulonne par l'humour et par l'esprit et en rétablissant la légitimité d'en rire, la légitimité de ne pas aimer, de trouver ça grotesque, de balayer tout ça comme de l'écume. Alors parlez-moi de votre façon de faire !

NE : C'est venu naturellement. Je ne suis pas journaliste, je ne suis pas sociologue, je ne suis pas philosophe de l'art, mais je suis artiste peintre… On peut tout à fait aborder l'art contemporain et le démonter sous l'aspect économique, sous l’aspect juridique, éventuellement sous l’aspect moral ou philosophique. Mais ce n'est pas mon rôle et je n’en ai pas la compétence. Je pense qu'il est plus facile pour moi de l'attaquer en le tournant en dérision. Les Polonais attaquaient le système soviétique en le tournant en dérision, et ça leur évitait en prison. Aujourd’hui, en France, il faut faire la même chose, car c’est inutile d’argumenter avec des crétins. Il faut cependant continuer à analyser juridiquement, philosophiquement, comme le font certains, malgré l’absence de reconnaissance de leur travail immédiatement « réactionnarisé » par la police de l’art et les inspecteurs de la création.

Il faut admettre que les agents de l'art contemporain, qui sont la plupart du temps des fonctionnaires, ne sont pas des interlocuteurs. Ce ne sont pas forcément des gens méchants, ils ne mordent pas, mais ils sont souvent très niais, ils sont même désarçonnants de candeur et de gentillesse. Ils ne savent que répéter des éléments de langage prémâchés. Ils ont une pensée de pendule à balancier.

Il n’y a pas d’arguments pour défendre l’immédiate et mystérieuse évidence d’œuvre d’art, pas plus qu’il n’y en a pour détecter l’ineptie d’une œuvre sans art. Pour combattre ces absurdités, il suffit donc de montrer simplement les œuvres et de prendre des extraits des discours et des commentaires, complètement délirants, qui les accompagnent. Ces textes sont d’un tel ridicule qu’ils feraient un tabac, s’ils étaient déclamés à haute voix sans en changer un mot, sur une scène de cabaret humoristique !

La stupidité ronflante de ces textes se passe de commentaires, et c’est pour cela que, quand j’en reproduis des extraits, je me contente de les accompagner d’un bref « ben voyons Ginette ! », qui clôt le débat. Ils sont d’ailleurs d’un tel ridicule et d'une telle prétention qu’ils ont ainsi la capacité de s'auto-détruire sans intervention extérieure. 

MF : il suffit donc juste de montrer l’inepte dans sa vanité auto-déconstructive

NE : Voilà, car l'art contemporain contient en son sein le principe de déconstruction, et donc sa propre obsolescence programmée à terme. C’est le cycle infernal de la déconstruction progressiste qui est inexorablement à l’œuvre. Un progressisme de nature plutôt gauchière, cela s’entend, car on n’imagine pas de progressisme droitier, soucieux lui, de durabilité.

De l’essence gauchière de l’art « contemporain »

MF : Parlons politique donc, puisque vous m’y invitez. À l’origine, vous n’étiez pas spécialement politisé, je me trompe ?

NE : J’ai toujours été de gauche, congénitalement, mais aujourd’hui, avec cette sorte d’inversion des valeurs, me voilà taxé d’extrême droite, voire de réac nauséabond.

MF : Moi, j'ai des petites théories là-dessus. Pour moi, la gauche n’est pas un lieu de la pensée, mais un mouvement perpétuel. Ce mouvement est d’ordre révolutionnaire. Et donc la gauche est amenée à renier tout ce qu’elle fut, qualifiant de réac ceux qui sont attachés aux valeurs qu’elle défendit. On a plein d’exemples : la laïcité d'avant, c’était mieux que l’islamo-gauchisme ; le féminisme d’avant, c’était mieux que le wokisme ; la défense des travailleurs plus sociale que l’instauration de ZFE… Toute la gauche d’avant est rendue obsolète, il faut suivre le mouvement. Et la gauche en mouvement lance sans cesse des anathèmes et traite de fascistes tous ceux qui ne surfent pas sur la vague du progrès et tentent de construire une pensée propre et fidèle à des valeurs. Ça vous est arrivé aussi. Ça doit faire drôle quand même, quand on est quelqu'un de normal, attaché à un peu de justice sociale, d'être d'un seul coup traité de fasciste sous prétexte qu’on ne marche pas dans la vaste blague de l'art contemporain qui est, en fait, l’aboutissement du plus vaste projet capitaliste visant à la réification de tout le vivant et de toute création humaine.

NE : Oui, et ce qu’il a de plus étonnant et cocasse, c'est que les tenants de l'art contemporain, qui sont statistiquement de gauche ou d’extrême gauche à 90  %, deviennent ce qu'on appelle des idiots utiles du capital droitier, des crétins nécessaires au service des capitalistes. C'est un des paradoxes de l'art contemporain. Au nom d'une espèce de progressisme, de ce « gauchisme culturel » comme le désigne le sociologue Jean-Pierre Le Goff, ils nourrissent la fondation Pinault, par exemple, et toutes les collections de fondations d'entreprises, lesquelles sont d’abord une manière à la fois de défiscaliser et de fabriquer de la monnaie. L’art contemporain est un excellent produit financier spéculatif. Il est un moyen de pratiquer sans crainte le délit d’initié. Et l’on se retrouve dans cette situation des plus croquignole, où c’est la pensée progressiste gauchère qui aide à constituer les collections artistico-boursières du grand capital.

MF : Eh oui, l'argent de poche des plus riches de la planète est garanti par les plus grands militants d'extrême gauche.

NE : Quand on voit les prix des œuvres de Koons dans les ventes aux enchères internationales chez Sotheby's ou Christie's, on se dit que pour un malheureux chien sculpté en baudruche, on aurait pas mal de pompes à eau en Afrique et quelques panneaux solaires… Les prix de telles œuvres relèvent du scandale le plus absolu qui devrait alerter les éditorialistes de Libération et de l’Humanité. Mais cela ne les concerne pas et ils laissent ainsi ce grain à moudre pour Nicole… Pour qui ce n'est pas le premier sujet de préoccupation. Car son premier sujet, c'est la défense de l'art véritable, celui qui a un contenu, tout simplement pour la survie de l’humanité.

De la définition de « l’art véritable » 

MF : Un sujet m’interpelle et m'agace depuis longtemps, il s’agit de la catégorisation de l'art. Les critiques adorent ranger les artistes dans une obsession du tri. On sépare les cubistes des impressionnistes, les nabis des fauves, etc. Cette pratique taxidermiste m'interpelle. En effet, on classe les morts, ok, et l'autre partie de l'art qui a ses catégories et ses sous-catégories, c'est justement l'art contemporain : les conceptuels, les performeurs, les happenings, le street art, l'art féministe, l'art trans… J'en passe et pas des meilleurs. Là aussi, on trie. C'est une obsession moderne, le tri. On trie l'art comme les déchets en démocratie, comme les gens en dictature. Je me demande s'il ne serait pas urgent de tout mélanger pour confondre les usurpateurs ! En vrai, l'art vivant ne serait-il pas inclassable ? À votre avis, pourquoi ce réflexe, cette manie de se distinguer les uns des autres ? L'art avec un contenu échappe-t-il à cette manie ? Est-ce là une distinction encore entre art véritable et art contemporain ?

NE : Ce besoin de trier et catégoriser, c’est sans doute une façon de conjurer le mystère inhérent à l’art, cette part qu’il possède d’irréductible à toute analyse… Alors on essaie de classer à partir des signes extérieurs, pour mieux contrôler peut-être. Les critiques-historiens d’art sont des experts en la matière, pour compenser le plus souvent leur incapacité d’appréhender l’art par l’intérieur, par sa substance même.

Ceci dit, il existe un classement, que je trouve sympathique, même – et surtout – parce qu’il ne sert à rien, et qui a été inventé par Jean Clair. Il faut pour cela tracer sur une page deux axes de coordonnées. Sur l’axe vertical, on ira, vers le haut, vers plus d’intellectualité ou d’apollinien, et vers le bas, vers plus de sensible ou de dyonisien. Sur l’axe horizontal, on ira, vers la gauche, vers plus d’abstraction ; vers la droite, vers plus de figuratif.

L’abstrait sensible ou lyrique de type Serge Poliakoff sera donc en bas à gauche. L’onirique surréaliste de type Victor Brauner en bas à droite. Le conceptualo-bidulaire tout en haut, plutôt à droite. Daniel Buren en haut au milieu, Jeff Koons en haut à droite, Olivier Mosset en haut à gauche.

M.F : Alors tentons de définir cet art véritable, une œuvre qui a un contenu. Est-ce que cela passe nécessairement par un savoir-faire ? Les vrais artistes seraient ceux qui réalisent par eux-mêmes, contrairement à un Koons qui fait réaliser en usine ?

NE : Oui, mais pas seulement. Une véritable œuvre d’art a une charge d'humanité et non d'idéologie, etc. Bien sûr, elle renferme un savoir-faire, mais surtout, elle possède une dimension sacrée, un mystère irréductible à toute analyse savante. C’est en cela qu’elle a un caractère d'universalité, indépendamment du temps, de la région géographique, des cultures locales, etc. Et c’est en cela qu’elle est patrimoniale et partageable, c’est en cela qu’elle fait lien social, c’est en cela qu’elle est art véritable. Alors que l'art contemporain, c'est effectivement un art de classe, qui favorise les inégalités sociales et terrorise le prolétariat.

L’art du mépris de classe

MF : Malheureusement, c'est vrai, que ce prolétariat n'ose pas dire qu’il n’aime pas l’art contemporain, n’ose pas dire qu’il ne le comprend pas, n’ose pas dire que le roi est nu, n’ose même pas en rire. En cherchant ce qui distinguerait l’art que l’on veut véritable et l’art dit contemporain, on pourrait dire que le premier commence toujours par le temps du silence, c'est-à-dire celui de la contemplation muette. Les discours ne viennent qu’après, et nous savons que c’est un plaisir de gloser sans fin sur les œuvres, ce n’est pas l’écrivain que je suis qui va démentir, c’est savoureux de mettre des mots sur ce que l’on a ressenti, justement pour ressentir davantage. En revanche, pour ce qui est de l’art conceptuel particulièrement, le discours prime, il est toujours premier et la contemplation est totalement absente. Le discours, le dossier de presse, la note d’intention, tout ça est tellement primordial en art contemporain que parfois, il supplante l’œuvre qui n’existe même plus.

NE : Oui, l'art contemporain, comme disent certains, c’est du « processuel discursif », c’est de l’emballage verbeux avec rien dedans, c’est de la crème fouettée sur fond de néant, mais c’est surtout de la vacuité que l’on peut combler avec du discours terrorisant.

MF : Ah oui ! Terrorisant en plus d’être théorisant !

NE : Il y a un inepte consubstantiel à l'art contemporain, qui produit une torsion du sens ou une torture mentale, que l’on peut qualifier de pathogène et de psychogène. C’est ainsi qu’il devient un outil de domination par la terreur, comme le père Ubu enfonçait des petits bouts de bois dans les « oneilles » à ceux qui ne lui obéissaient pas ou qu’il n’avait pas assez décervelés.

De l’indispensable « gentil médiateur » 

MF : Je me souviens avoir visité une certaine biennale d'art contemporain de province. C’était un florilège de niaiseries performatives et de moraline moderniste en acte. Et il y avait des jeunes gens, appelés médiateurs bien sûr, pour nous expliquer les œuvres d'art, nous les rendre accessibles, ce qu’elles ne sont pas naturellement, puisqu’elles sont dépouillées de beauté. Ces jeunes gens n'avaient pas fait d'études en histoire de l'art, c’était des communicants. Par ailleurs, très gentils, adorables même et empreints de curiosité que l’on aurait aimé nourrir avec autre chose que des bêtises. On m'a montré une couverture de survie au sol : j'ai compris qu'on rejoignait le catéchisme de mon enfance, me montrant l'indifférence des gens vis-à-vis du pauvre dans la rue… Il y avait également un mur rempli de tampons de visa : et là, j'ai compris effectivement que ce mur de tampons qui ressemblaient à des oiseaux migrateurs représentait les migrants que nous peinions à recevoir avec enthousiasme… Bien sûr, il y avait le médiateur pour m'expliquer. Je ne vais pas faire l’inventaire de toutes les œuvres, mais je finirai par une expérience qui consistait à s’assoir sur un banc en bois sur les balcons de la sucrière et à savourer un son qui vrombissait sous nos fesses. Même plus de morale, juste l’expérience sous les yeux humides du jeune médiateur heureux de nous faire profiter de ce moment et curieux de recueillir nos impressions. J’ai souri sans les dents, en pince sans rire, en pensant qu’effectivement cela me faisait quelque chose quelque part. Est-ce ça aussi la marque de l’art contemporain, de tout le temps avoir besoin du médiateur pour nous expliquer, pour nous vendre de la soupe idéologique humanitariste, décolonialiste, éco-responsable etc. (quand cette même soupe n’est pas utilisée pour asperger les vrais tableaux du Louvre)  ?

NE : Ah, le gentil médiateur ! Il est en effet incontournable, tout comme le critique agréé par la DRAC, tout comme le dossier de presse, la note d’intention de l’artiste et du curator (commissaire d’exposition), etc. Il est indispensable pour vous faire courtoisement avaler les pires inepties. Mais les exemples d’inepties voire d’atrocités artistiques que vous venez de citer, il y en a des milliers, voire des centaines de milliers en Artcontemporainistan…

Ça va durer encore longtemps, cette plaisanterie ?

MF : Et l’on se demande combien de temps va pouvoir durer cet ahurissant délire ?

NE : Il est possible que cela dure moins qu’on le redoute… Car on constate que ces grotesqueries officielles ont de moins en moins de public. Il y a également de moins en moins de mécènes ou de sponsors qui les soutiennent financièrement, parce qu'ils se rendent compte que ce n’est pas forcément bon pour leur image. Et comme l’argent public se fait de plus en plus rare, les collectivités locales commencent à rechigner à gaspiller ainsi l’argent public… Et si les élus locaux continuent à subventionner l’inepte, c’est juste, parce qu’ils savent bien que s’ils ne le font pas, ils seront traités d’immondes réactionnaires.

De la consanguinité dégénérative en AC

MF : pour le moment, les rentiers de l’art contemporain sont encore là et bien là…

NE : En effet car il existe d’autres facteurs de perpétuation du grotesque et de l’invraisemblable en art.

Il faut en effet prendre en compte le fait que ce petit milieu bientôt cinquantenaire de l’art contemporain est un entre-soi générant une consanguinité qui ne peut être que dégénérative, par fermentation anaérobie produisant de plus en plus de tarés délirants.

Il faut prendre aussi en compte le fait que ces lobotomisés sentent bien l’imminence du dégonflage de la gigantesque baudruche vide qui les emploie. Il faut comprendre que cette angoisse existentielle génère chez eux, à titre défensif, l’excrétion d’atrocités artistiques de plus en plus effrayantes, le développement exponentiel d’une hargne déconstructive et une surenchère paroxystique dans l'inepte conceptualo-bidulaire.

Il faut prendre en compte aussi que tout cela s'articule avec le marché international spéculatif du même inepte de type Koons et Cattelan, à développement exponentiel dans la violence symbolique.

Il faut prendre en compte que les sociologues, n’osent pas non plus et n’ont pas le droit de la ramener sur le sujet tabou de l’art contemporain. Aucune enquête auprès des visiteurs à la sortie des expos, aucune analyse, aucune statistique…

Bref, prendre en compte cette absence totale de vraie sociologie de l’art, qui laisse libre cours à nos sociologues maison Nathalie Heinich et Alain Quemin pour leur virtuose enfonçage de portes ouvertes.

Bourdieu, idiot utile du grand capital

MF : Finalement, et là encore c’est un paradoxe, ces militants progressistes mettent en œuvre le principe de la reproduction sociale tant décrié par Bourdieu.

N.E : Exactement. Mais ajoutons que ce qui a manqué à Bourdieu, c'est une dimension spirituelle ou sacrée dans son approche de l'art. Sa « neutralité axiologique » de sociologue s'est ainsi retournée sur lui-même quand il a soutenu l’artiste allemand Hans Haacke, qui représentait son pays à la Biennale de Venise. Ce plasticien idéologisé à souhait avait complètement défoncé le sol pour protester contre le Deutsche Mark et le capitalisme, etc. Et Bourdieu, admiratif de cet acte purement politique et sans contenu artistique véritable encombrant, a écrit un livre avec lui. La cote de cet artiste combattant le capitalisme a tout de suite flambé sur le marché financier international de l’inepte politisé. Bourdieu est ainsi devenu, comble de l’ironie, l’idiot utile de cette opération de survalorisation purement capitaliste du rien.

https://lagazettedenicole.art/bourdieu-grand-pere-de-lart-ideologique-et-du-wokisme/

https://lagazettedenicole.art/bourdieu-social-traitre/

Non, l’art n’est pas mort !

MF : Mais tout à l’heure, vous aviez l’air d’insinuer que même Buren avouait que l’art contemporain allait mourir, que ce ne fut finalement qu'un moment de l'art.

NE : Disons que pour les burénolâtres progressistes, l’art sans art, l’art mort est vivant, et que l’art à contenu, l’art vivant et la peinture notamment sont morts car ils appartiennent à une époque disparue.

MF : Bah oui, pour eux, il faut évoluer, car la peinture n’est que l’art des grottes, n’est-ce pas ! L'art des grottes, et l’art bourgeois aussi ! Alors que, finalement, la peinture n’a jamais cessé d’exister, même cachée, il y en a encore. Quant à l'art contemporain, oui, comme ils sont dans la déconstruction, ils vont tout simplement finir par s'autodétruire.

NE : C'est ça. Et c’est pour cela que Nicole Esterolle a l’intention de déconstruire les déconstructeurs, de démasquer les négateurs de la réalité, en montrant cette réalité d’une création actuelle qui n’a jamais été, aussi variée, aussi luxuriante, et d'une richesse incroyable et dans tous les pays.

Et c'est cette réalité que je montre avec le site nicolemuseum.fr où figurent plus de 9000 artistes du monde entier. J'ai arrêté de développer ce musée virtuel parce que je pourrais en avoir le double, le triple, mais déjà, avec mes 9000 artistes, je montre la richesse, la variété, la joie, la générosité, l’inventivité, la liberté des vrais artistes.

Quel scandale que les fonctionnaires de l'art, qui ne connaissent rien, essaient d'invisibiliser cette richesse. Peu importe finalement qu’ils organisent la production de leurs choses grotesques, mais qu'ils nient l'existence d’artistes idéologiquement libres, qui ont simplement un don, une personnalité, une sincérité, une nécessité intérieure, une écriture propre et un supplément d’âme, est d’une cruauté scandaleuse.

Je me souviens, lorsque j’ai créé mon magazine sur l’art, j’avais eu un correspondant dans une ville, et ce dernier petit à petit s'était mis à couvrir telle ou telle installation d’art contemporain. Quand il m'avait apporté un texte sur un artiste international qui faisait des installations dans un grand lieu culturel de cette grande ville, j’ai refusé de le publier en lui conseillant d’arrêter de collaborer avec moi pour que cela ne nuise pas à sa carrière. Je lui ai dit : « Tu es brillant, tu es gentil, tu ne connais pas l'art, tu as tout ce qu'il faut pour réussir dans l’appareil institutionnel. » Et effectivement, il est devenu directeur de FRAC très peu de temps après, puis inspecteur de la création, etc.

https://lagazettedenicole.art/lart-contemporain-et-le-genie-detat-sous-tous-ses-aspects/

Les déconstructeurs ont en commun le simplisme intellectuel.

MF : c’est l’art ou la carrière !

NE : Je pense aussi à ce haut commis de l’art officiel, installateur des FRAC, maintenant bras droit de Jack Lang à LIMA, avec qui j'avais fait un entretien pour le magazine que je dirigeais. Il m'expliquait alors que pour lui, il y avait deux grands artistes : Buren et Chomo. Deux artistes aux postures sociales radicalement opposées, l’un très urbain, l’autre homme des bois, mais sociétalo-posturaux autant l’un que l’autre, et pouvant séduire également ce grand commis de l’art sociétalo-questionnatoire dit contemporain.

MF : C'est marrant, quand on me dit Buren, je pense immédiatement aux abris de tramway de Tours. C’est lui qu’on est allé chercher pour concevoir le rouge (qu’il a déposé) et un poteau zébré comme d’habitude. Et je me dis finalement, Buren, c'est un équipementier de nos villes, comme Decaux. Son principal talent, c’est la relation publique manifestement. À l’Élysée, il s’est fait décorateur d’intérieur avec sa verrière tricolore. C'est simpliste, même pas franchement laid… Le vrai scandale, ce n'est même plus ce qu'il fait, c'est que ce soit toujours lui, partout, qui officie. Quelle rente a cet homme ! C’est comme s'il n'y avait qu'un seul artiste en France.

NE : L’autre scandale est que ces œuvres sont en béton et donc indestructibles comme les blockhaus du mur de l’Atlantique… Combien de milliers d’années va rester sur place l’alignement d’énormes buses en ciment autour du port de Nantes ? Même question pour les fameuses colonnes du Palais-Royal. Que faire quand l’imposture burénienne ne sera plus crédible ? Quand les citoyens de ce pays en auront-ils assez qu’on se moque d’eux avec ces insignifiances bétonnées imposées à leurs yeux ? Insignifiances indestructibles, mais aussi inamovibles car « in situ ». C’est-à-dire indissociables du lieu qu’elles parasitent ?

Pour me calmer les nerfs et conjurer cette malédiction burénienne, j’avais fait réaliser un montage photo, en plaçant une sculpture colorée de Mikael Bethe Selassie sur chaque colonne du Palais Royal. Ainsi, nos colonnes de Buren peuvent-elles retrouver une fonction sensée en devenant des socles pour les sculptures d’un vrai artiste.

MF : Ah oui, c'est excellent ! Voilà enfin une utilité trouvée à l’art contemporain : le transformer en mobilier urbain pour l’art.

Le nicolemuseum.fr, arme de reconstruction massive

MF : Mais revenons au Nicolemuseum.fr, parce qu'on n’a pas tout dit à son sujet. J'aimerais faire le lien avec cette idée que vous m’aviez dite, que le mieux, pour faire carrière dans l’art contemporain, était de ne rien connaître ni comprendre à l’art, être le plus incompétent possible en quelque sorte. Or, j’ai une phrase en tête de Nietzsche qui dit : « L’homme de l'avenir est l'homme de la mémoire longue. ». Quand on est un artiste, on aime l'art, on aime ceux qui nous ont précédés. Il est vrai que je parlais tout à l'heure de contemplation et de pouvoir aimer une œuvre immédiatement sans avoir tout un corpus de références, mais quand on l’a, on apprécie encore mieux l’œuvre. Un artiste isolé, qui ne s’intéresserait pas aux autres artistes, me paraît complètement absurde. Tous les artistes se connaissent. Je fais beaucoup de portraits d'artistes vivants et je rejoins ainsi modestement votre démarche avec votre musée. Eh bien, je m'aperçois que le fait déclencheur de leur carrière pour ces artistes, fut un coup de foudre, ce fut d’entrer dans un musée, de voir telle ou telle œuvre : Caravage, Vermeer, Picasso, Le Greco, les peintres de la Renaissance italienne…

NE : J’espère que nicolemuseum.fr a cette vertu déclencheuse de carrière. Dans cette collection, il y a des artistes actuels de toutes tendances, sauf conceptuelles évidemment, et de tous les pays. C’est une grande famille accueillante et propice à la découverte de soi-même, par la confrontation et le dialogue. Avec les artistes vivants de tous pays, mais également avec des artistes du Moyen Âge ou du siècle dernier, qui ont un rapport fraternel avec les actuels. La différence d’époque ne saute pas aux yeux. On constate une espèce de continuité dans le temps et dans l’espace.

MF : Eh oui, les modernités, les avant-gardes, sont de toutes les époques.

NE : Oui, les vraies modernités – pas celles d’essence conceptualo-bidulaire – s’appuient sur des valeurs éternelles, car il n'y a pas de ruptures de fond dans l’histoire de l’art… Sauf à nier l’existence de l’art et de sa raison d’être comme le font les « mémoricides » déconstructeurs progressistes burénolâtres.

Du « retour de la peinture »

MF : J’ai remarqué que certains peintres actuels essayent, avec raison j’estime, d'assumer cette mémoire longue. Ils se posent la question : comment peindre après tous ces gens ? Ils s’en font les héritiers, rendent hommage avec un pas de côté, en individuant l’histoire de la peinture. Ensuite, on les voit, après avoir achevé leur peinture, essayer de gâcher un petit peu pour anticiper l'œuvre du temps, en quête de l’instant de grâce de l’effacement annoncé.

NE : Oui, je comprends. Méfions-nous, en effet, de ce système qui fabrique une nouvelle peinture, annonçant avec tambours et trompettes un retour de la peinture, car en fait de retour, c’est le plus souvent de la peinture intellectualisée, saccagée, salopée, déconstruite, bref, assez dégueulasse, etc. contemporainisée en quelque sorte.

MF : Ceux que j’évoque échappent au système, même s'il y a une part d’intellectualisation à laquelle il est difficile d’échapper, ils font montre d’un réel talent.

NE : Tant mieux. Et d’ailleurs, il y a aussi de très bons peintres qui sont récupérés parfois à cause d’une espèce d'erreur de casting de l'institution. Mais dans ce cas, et particulièrement dans les salons tels que les biennales, on trouve d’excellents peintres africains. Ils ont été choisis, non pour leur talent que les curators ne savent, bien sûr, pas évaluer, mais surtout parce qu’ils sont africains. Et c’est ainsi que l’on trouve dans la minorité protégée « africaine », d’authentiques grands créateurs comme Ernest Dukû qui côtoient des opportunistes décolonialistes sans nécessité comme Kader Attia, Bathélémy Toguo ou Pascal Martine-Tayou.

MF : Si je suis racisé, selon l'expression même du camp du progrès, on tolère que je fasse l’art de la grotte, on tolère que je fasse encore de l’art bourgeois… Le camp du progrès a toujours ce regard de commisération, puisque selon eux, ce sont des gens qui ne sont pas arrivés à notre stade d'évolution, qui est le stade de la déconstruction. Donc, les Africains ont encore le droit de faire du figuratif. Un jour, quand ils seront grands, ils feront de l’art avec un urinoir, comme nous !

NE : Il n’y a pas plus colonialisteque l’art contemporain décolonialiste ! C’est ce qu’a déclaré le plasticien algérien Kader Attia, après avoir compris qu’il avait été marionnettisé, instrumentalisé, colonisé par l’État français pour servir de vecteur de repentance de la France envers son pays d’origine.

MF : Exactement, j'ai le souvenir, dans les délires décolonialistes du camp du progrès, d’une performance qui eut lieu au Quai Branly. Ils avaient fait venir un maître vaudou pour faire devant le public un envoûtement du lieu. Il était considéré comme un performeur. Mais quelle différence avec « le village nègre » de l’époque de l'exposition universelle de 1889 ?

De Marcel Duchamp, inventeur malgré lui de l’art « contemporain »

MF : Bref, passons sur ces incohérences scandaleuses. Je me disais un jour en sortant d’un salon d’art contemporain que, finalement, j’avais été confronté à une série de jeux de mots en acte et de blagues. Pas si grave…

NE : Pas si grave, sauf qu'il y a beaucoup de pognon en jeu. Intellectuellement, ça peut être drôle, c’est certain. D’ailleurs, à la fin du 19ᵉ siècle, il y a eu le salon dit « des Artistes incohérents », qui montrait tout un tas de choses absurdes et grotesques. On dit que ce salon a peut-être inspiré l’art de la dérision propre à Marcel Duchamp, dont André Breton disait qu’il était « l’homme le plus intelligent du monde » … qui sera donc le géniteur, malgré lui peut-être, de l’art conceptuel fait de pure cérébralité mondaine

MF : Ce que tu évoques là avec ce fameux salon des incohérents et Duchamp, ce n’est presque pas dérangeant parce qu'on a le droit, dans une sorte d'avant-garde, de proposer un exercice intellectuel, comme je le disais au tout début. Le vrai problème, c’est de nommer art cet exercice intellectuel et d’affirmer qu’il est le seul art méritant le soutien de l’argent public, puisqu’il n’y a pas d’art autre que « contemporain », c’est-à-dire conforme à la doxa ministérielle.

NE : Et c'est ainsi que la dérision de l'art, sa déconstruction, le « cassage » de ses codes bourgeois, la subversion des critères artistiques ancestraux deviennent l’exercice coutumier des apparatchiks de l’appareil institutionnel. Cette démolition systématique au bulldozer, carburant à la bêtise crasse, est d’une barbarie mentale et d’une violence symbolique inouïes.

MF : C’est à croire qu’ils n’ont pas compris que Duchamp voulait seulement faire un pied de nez au système de l’époque. Le pauvre ne se doutait pas que son pied de nez allait devenir système planétaire.

NE : Oui, mais ceux qui ont récupéré Duchamp et réaménagé son propos n’ont pas compris qu’ils allaient être, à terme, les victimes de cette vile opération. Ils sont ce qu'on appelle des crétins doublement utiles, car ils le sont aussi pour leur propre disparition. Ils sont les rouages d’une mécanique complexe et perverse qu’il faudrait démonter. Aude de Kerros, Christine Sourgins, Jean Clair, et bien d’autres ont fait ce démontage, mais leurs ouvrages ont été impitoyablement blacklistés, dans les bibliothèques des écoles d'art. Comme c’est le cas pour le nicolemuseum.fr et la Gazette de Nicole, de telle sorte que les étudiants en art ne sachent surtout pas ce qui passe.

Combattre le négationnisme d’État et sa stratégie d’invisibilisation des lanceurs d’alerte

MF : En effet : la meilleure façon de vous combattre est de faire comme si vous n’existiez pas, de vous invisibiliser.

NE : Vous savez, mes textes sont difficilement publiables, et je n’ai pas vraiment besoin qu’ils le soient, puisque j’ai construit mon propre système de diffusion.

Mais je suis tout de même heureux qu’ils soient repris ici ou là, avec ou sans mon autorisation, avec ou sans rémunération.

J'ai été publiée par Marianne deux fois. Avec un premier texte sur Mehdi Meklat, une sorte de voyou-artiste qui proférait des propos sexistes, racistes et immondes sur le Bondy Blog (média en ligne qui donne la parole aux jeunes des banlieues), des propos qui ont fait scandale parce que la gauche avait de la peine à justifier ces provocations, au second degré selon leur auteur. Notons que ce même « Kid des banlieues » avait représenté la France à la Biennale de Venise en association avec la plasticienne internationale française Laure Prouvost, héritière des Lainières de Roubaix : une belle alliance entre le prolétariat des banlieues et la grande bourgeoisie.

Marianne m’a publié un deuxième texte qui était un grand réquisitoire contre la critique d'art alignée. Et ma collaboration avec Marianne s’est arrêtée là. Dommage pour Marianne, car mon lectorat en ligne, qui est sans doute aussi important que celui de Marianne, aurait pu gonfler ce dernier et réciproquement. Mais bon, Madame Polony n’a sans doute pas compris cela, ou bien a-t-elle eu peur de l’aspect débraillé de mes textes… La même chose s’est produite avec Causeur.

 MF : Comment expliquez-vous cette réticence ?

NE : Ce que j'écris n’est pas journalistique, ça n’a pas l’air sérieux. J’écris sur le mode de la rigolade désinvolte. Je n’ai pas le format ni le style qui leur correspondent. Mais je m’en fiche, car j’ai une grande audience sans le passage par la presse.

Priorité à l’« événementiel » et au spectaculaire

MF : Il y a, à mon avis, peut-être quelques craintes aussi de la réaction des financeurs de presse pour qui l’art contemporain est toujours un argent de poche. Et j'y vois aussi, chez les médias généralistes, l’éternel complexe de ne pas investir un domaine qu’ils ne connaissent pas bien. Et finalement, ils ne l'investissent que via l'événement. Ce qui intéresse la presse, c'est le quoi de neuf. On s’intéresse donc bien plus à l'événement qu’à l'artiste et son œuvre. Le bon client de la presse et des journalistes, c’est le faiseur d’événements, le fameux commissaire d’exposition.

NE : C'est ça, absolument, et vous avez raison de me rappeler cet aspect des choses. C’est ainsi, en effet, que, concernant les livres critiquant l’Art Contemporain, la presse ne signalera que ceux qui feront événement parce qu’écrits par quelque vedette universitaire, et qu’importe si le contenu du livre est indigent. C’était le cas du livre de Benjamin Olivennes, intitulé « L’autre art contemporain. Vrais artistes. Fausses valeurs ». Pourquoi ça a été publié ? Tout simplement parce que son père, Denis Olivennes, est un grand directeur de presse. Le livre lui-même est certes gentil comme tout, mais complètement simpliste. Et c’est aussi parce que cet ouvrage était inoffensif, qu’il a été aussi bien diffusé et récupéré par le système pour lui servir de contre-feu.

MF : On pourrait presque parler alors d'opposition contrôlée.

NE : C'est complètement ça. C’est pour cela que Nicole Esterolle n’est pas publiable autrement que par elle-même et que c’est très bien et plus cohérent comme ça. Le medium et le message s’interpénètrent pour faire une entité cohérente et autonome.

Un florilège d’insultes et de menaces

MF : Et puis cela vous permet de recevoir critiques, insultes et menaces en direct…

NE : J’en ai de moins en moins. Je le regrette, car elles m’intéressent toutes. Je cherche, en effet, « qui parle » à travers chacune, de quelle surdétermination elle est le produit. Je cherche aussi à savoir quel est le profil socio-cul de ceux qui me demandent de ne plus leur envoyer mes textes. Quand il s’agit de fonctionnaires de l’art, je leur réponds en leur précisant que ces textes leur ont été adressés à titre professionnel et que le fait de refuser des informations ou des éléments de réflexion s’inscrivant dans leur domaine de compétence, est de l'ordre de la faute professionnelle…

Je conserve bien sûr toutes les réponses, réactions diverses, insultes, menaces, élaborées ou non, comme un florilège à fournir aux sociologues de l’art, dès qu’ils se seront libérés de Bourdieu et auront retrouvé le droit de travailler correctement.

MF : La nature des insultes, c'est quoi ? Sombre fasciste ?

NE : Il y a toutes sortes d’insultes, toutes aussi misérables intellectuellement les unes que les autres. Les plus fréquentes sont : réactionnaire, fasciste, aigri, jaloux, pétainiste, complotiste, nauséabond, populiste, etc. Les plus vicieux me menacent, façon Gestapo, de me dénoncer à la CNIL.

Je ne peux résister ici à vous faire part de la note de service très croquignolette que M. Oudart, alors délégué aux Arts plastiques au Ministère, avait envoyée à ses collaborateurs qui avaient reçu l’un de mes textes par mail :

“Bonsoir, la lettre de la supposée Nicole Esterolle, qui est connue pour défendre des positions haineuses aux antipodes de ce que le monde de l’art défend. Cette lettre, comme les ouvrages qu’elle signe sont franchement nauséabonds. Il importe évidemment de n’apporter aucun crédit à ce torchon. Bien à vous.”

Gniak ! Gniark ! Sympa le haut fonctionnaire, non ?

Pour plus d’infos, cliquez ici : https://lagazettedenicole.art/monsieur-oudart-execre-madame-esterolle/

MF : Hilarant en effet. Mais Y a-t-il des artistes présents dans le musée de Nicole qui demandent à ne plus y être ?

NE : Sur les 9000 artistes figurant dans mon musée, il n’y en a eu que trois ou quatre pour me demander d’en être retirés. Vérification faite, il s’agissait toujours de gens perturbés socio-psychologiquement… ce qui n’enlevait rien à l’intérêt de leur travail.

MF : N’avez -vous pas eu de menaces pour des questions de droits d’auteurs, de la propriété intellectuelle des œuvres ?

NE : Très peu non plus, parce que j’utilise des images que les artistes eux-mêmes font circuler sur Internet, et parce que cela implique un accord tacite de leur part pour en élargir la diffusion.

MF : Auriez-vous un exemple de mauvais procès qui vous aurait été fait ?

NE : Oui, j’ai une histoire assez croquignole, elle aussi, à vous raconter à ce sujet.

Dans la Gazette de Nicole, j'avais publié un texte où je citais un artiste assez connu non pour son talent intrinsèque, mais parce qu'il est président d'une association d'artistes qui s'appelle la FRAAP (Fédération des réseaux et associations d’artistes plasticiennes et plasticiens), une espèce de truc institutionnel qui sert à ramasser des subventions. L’artiste en question fabriquait, entre autres bidules conceptuels, des pièces d’art faites d’éponges trempées dans la couleur. J'avais reproduit une image d’une de ses œuvres, constituée, elle, d’une sorte d’écheveau de fils électriques de couleur allant jusqu’au sol, vers un néon qui écrivait le mot « exil ». C'était bien évidemment en référence à l'immigration, etc. C’était formellement autant qu’idéologiquement pitoyable… et illustratif de ce que je dénonçais dans mon texte.

Mais l'artiste s'en est aperçu et a hurlé comme quoi j’avais utilisé son image sans lui demander la permission. Il a aussitôt alerté l’ADAGP (Société de gestion des droits d'auteur française, dans le domaine des arts visuels), qui s’est empressée d’éplucher tout le musée de Nicole et s’est aperçue que, sur les 9000 artistes y figurant, il y en avait 855 qui étaient inscrits à l’ADGP. On m’a alors signifié que j’avais, soit à payer les droits, soit à retirer ces 655 artistes du nicolemuseum.fr.

Après quelques coups de fil pour expliquer que leur demande était absurde, imbécile, injuste et qu’elle serait préjudiciable pour l’ADAGP autant que pour les artistes, pour leur dire également que notre travail était bénévole, que le constructeur et gestionnaire du site était un ami, désargenté comme moi, apiculteur en Haute-Loire. La consigne a été donnée de nous laisser tranquilles.

MF : Vous faites le boulot que beaucoup ne font pas. Parce que le but d’un artiste, c’est tout de même d’être vu ! Entre nous, les diverses associations de protection des artistes devraient plutôt s'intéresser à la grande braderie opérée par les commissaires-priseurs plutôt que de fliquer ce qui se passe sur Internet et chez vous.

NE : Bien sûr, on ne peut pas me reprocher de vouloir donner gratuitement de la visibilité aux artistes que nous aimons !

J’aimerais, pour l’occasion, saluer ici le travail de cet ami qui a conçu le site, Damien Maigre, apiculteur, conducteur de bus scolaire, qui un jour est venu vers moi pour me proposer ses services. Il avait déjà construit un site appelé « ventalaferme.com » pour faire connaître les petits producteurs bio… C’est rare, magique et précieux, l’amitié et la gratuité dans notre monde. Ce musée a été alimenté pendant 5-6 ans, et maintenant, on s’arrête là, heureux d’avoir cette collection de 9000 artistes. Il pourrait y en avoir le double de la même force, mais ces 9000 illustrent bien la vitalité, la richesse et la diversité de la création actuelle dans le monde…. Une richesse que trop de gens, qui se prétendent cultivés, ignorent.

MF : Votre musée, c'est un peu le salon des refusés finalement ?

NE : Pas forcément. Il n’y a pas que des « génies méconnus. » Il y a de vrais grands artistes très célèbres (je pense ici à David Hockney ou à Georges Condo) qui sont dans les circuits financiers internationaux. Ceux-là servent un peu d'alibi au marché de l’art pour nous expliquer que, contrairement à ce qu’on dirait, les artistes ont leur place et ne sont pas invisibilisés. C'est comme dans les collections de FRAC, on trouve bien 5 à 10  % de vrais artistes qui servent de caution, d’alibi ou de boucliers humains.

MF Vous savez que pour faire des portraits d'artistes, je suis allé plusieurs fois piocher dans votre musée.

NE : Oui, je me suis aperçu que le nicolemuseum.fr qui reçoit une moyenne de 100 visiteurs par jour, était devenu une référence. Une référence aussi sur Google, car lorsque l’on y cherche un artiste, le musée de Nicole arrive dans les 3 premières propositions.

MF : Je suis allé piocher dans votre musée parce que je ne m'intéresse qu'aux artistes vivants. Non pas que les morts soient mauvais, mais on ne peut pas prendre de bières avec eux. Mais revenons à vos publications, il y a celles sur Internet, dans la presse, mais aussi des livres ! Combien de livres avez-vous publiés ?

NE : Trois. Le premier s’intitulait La Bouffonnerie de l'art contemporain.

MF : Oui, je l'avais chroniqué dans Mauvaise Nouvelle.

NE : Je l’avais publié chez Jean-Cyrille Godefroy, éditeur inspiré et courageux. La « Bouffonnerie » était un recueil de textes déjà publiés ici ou là, et s'est vendu à environ 5000 exemplaires. J'ai même reçu les félicitations de Jean Clair, qui m’a dit l’avoir lu avec délectation  !

Le deuxième livre, deux trois ans après, s’intitulait L'ABC de l'art contemporain. Et puis le dernier, c’est donc L’art n'a jamais été aussi con-temporain qu'aujourd'hui. Je suis heureux que mes textes existent sur papier. Ils ont eu, certes, cent fois plus de lecteurs sur internet, mais le papier leur donne une matérialité bien tangible et rassurante, une certaine noblesse.

De l’énorme audience de Nicole sur internet

MF : Expliquez-nous comment se passe la diffusion de vos textes sur internet, pourquoi obtenez-vous une telle audience ? Pouvez-vous évaluer précisément cette audience ?

NE : J’espère que l’intérêt des lecteurs pour mes textes entre en jeu à cet égard, mais il y a aussi mon système de dispersion, qui s’apparente à un jet aérosol envoyé dans l’atmosphère d’internet. Je sais que je diffuse en direct par mail à une liste d’environ 10 000 personnes : artistes, journalistes, critiques d’art, galeries, centres d’art, institutionnels, politiques.

Je sais que j’ai en moyenne 100 visiteurs quotidiens pour le nicolemuseum.fr, entre 50 et 100 pour le blog de Nicole, 27 000 abonnés pour la Gazette de Nicole, 9000 abonnés au Facebook de Nicole.

Mais je sais aussi que ces quatre sites sont mécaniquement en liaison multiplicatrice en se renvoyant les uns aux autres, de telle sorte qu’il doit se former comme un nuage de lecteurs aléatoires ou irréguliers dont le nombre pourrait être entre 50 et 100 000… J’aime cette imprécision numérique et géographique, car elle me fait rêver. J’ai appris, il y a trois ans, que j’avais eu 17 visiteurs du nicolemuseum.fr en Ouzbékistan… Ça fait rêver, non ?

De la Gazette de Nicole

MF : Comment avez-vous, en plus du musée, été amené à réaliser la Gazette de Nicole ?

NE : C’était, là encore, sans préméditation. C’est Jean-Jacques Tadjian, quelqu’un de très connu dans le milieu du graphisme et du dessin underground, qui est venu à moi et m'a proposé de faire gratos ce magazine en ligne. On en est au numéro 79 après 7 ans de publication. On y a présenté 850 artistes environ. On diffuse à l'international ! On y trouve, dans une sorte de cocktail explosif, dix artistes très variés que je choisis dans mon musée. Cette Gazette dont personne ne parle, fait aussi référence avec ses 27 000 abonnés déclarés et une centaine de milliers de lecteurs aléatoires. Quant au musée, puisqu’on est dans les chiffres, il reçoit 100 à 150 visiteurs par jour, même quelquefois beaucoup plus. On le visite même depuis l’Ouzbékistan, l’Arabie saoudite, le Japon, le Canada. Et encore une fois, tout ça gratuitement, bien sûr. Dans toutes ces publications, tout ce que j’écris est sourcé, référencé, je mets le lien où on peut trouver l'information originelle.

MF : Il faudrait vous décerner les palmes académiques, ou vous faire chevalier des Arts et des Lettres.

NE : Je n’accepterai la Légion d'Honneur que si Macron me la remet dans le jardin d’hiver du Palais de L’Élysée, sous la verrière de Buren ! Et que s’il la remet en même temps à mes amis Jean-Jacques Tachdjian et Damien Maigne !

Du Vadrouilleur Urbain

MF : Parlez-nous de ce site « le Vadrouilleur urbain » qui dispersait vos textes planétairement.

NE : C’était une revue culturelle en ligne avec une énorme audience au Canada ainsi qu’à l’international, notamment sur la côte est des États-Unis. Mais, à un certain moment, tout a été bloqué. Était-ce une attaque des progressistes français ou des gens du Palais de Tokyo ? Je ne le crois pas. Une histoire de serveur ? Le résultat, c'est que ce site a disparu avec tous ses textes. Ça fait partie des aléas du web. Pour le musée ou la Gazette, cela m'inquiète un peu de savoir que c'est virtuel. Il n’y a pas de support physique, ça peut disparaître. C’est le prix à payer pour maximiser son audience et rendre virale chaque publication en mettant en lien le blog, le musée, les réseaux sociaux, la gazette. C’est moins noble que le livre, mais c'est le sacrifice que je dois faire pour être lu largement. Et rassurez-vous, je ne me fais aucune illusion sur l'utilité ou la reconnaissance. Toute cette activité, c'est plutôt, pour moi, une sorte de plaisir immédiat de faire les choses, de soutenir des artistes que j'admire. Je n’ai aucune volonté d'inscription dans l'histoire. Les systèmes de reconnaissance sont dans un tel état de délabrement…

MF : De toute façon, il ne faut pas agir dans l'obsession de la postérité, parce que la postérité, c'est presque un concept du passé. En revanche, agir pour se relier les uns aux autres et cesser d'être isolé, cesser d'être invisible, me parait crucial.

NE : Absolument, je ne suis pas en quête de reconnaissance personnelle, puisque de toute façon, je fonctionne avec un pseudo. La plupart ne savent pas qui je suis. Souvent, ça m'arrive de rencontrer des artistes qui tombent des nues quand je leur avoue que Nicole, c’est moi.

MF : Ce que j’aime dans le ton de Nicole, c’est justement cette liberté et cette légèreté, cet esprit typiquement français, qui consiste à ne pas prendre le monde au sérieux, certes, et aussi à ne pas se prendre au sérieux soi-même.

NE : J'essaie de prendre du plaisir et de donner du plaisir, parce que le plaisir, c'est un péché pour les culturo-lango-progressistes qui peuplent les réseaux institutionnels de la maso-culture.

MF : le plaisir masochiste de la destruction, le culte de la laideur, l’intellectualisation de la bêtise, le tout emballé dans un marketing des plus niais.

NE : La laideur esthétisée et la bêtise intellectualisée sont en effet les ingrédients du « gauchisme culturel  », si bien analysé par le philosophe et sociologue Jean-Pierre Legoff, dont les travaux ont heureusement échappé à la cancellisation des bienpensants.

MF : À nous l’élégance, la grâce, la beauté alors !

NE : Autant de notions réactionnaires pour le camp du bien, du bon et du beau officiels. Mais restons optimistes, parce qu'il y a une sorte de schisme de plus en plus affirmé entre cette espèce de culture artificielle et la véritable floraison naturelle. Il y a de moins en moins de connexions entre ces deux univers totalement étrangers l’un à l’autre. Il n’y a pas de pont entre eux, ni donc de contamination possible donc, et c’est tant mieux. Montrer une vraie œuvre d’art à un fonctionnaire de l'art contemporain, c'est comme si vous montriez un tire-bouchon à une poule. Ils ont le même regard où incompréhension totale et fatuité se mêlent. L’art véritable ne relève plus de leur domaine de connaissance.

Du parasitage du patrimoine

MF : Même si l’art et l’art contemporain sont de plus en plus isolés l’un de l’autre, il y a un scandale toujours présent, c’est l’utilisation par l’art contemporain du patrimoine artistique et culturel comme écrin. Dans tous les musées, quels que soient leur domaine, trône à l’entrée un machin conceptuel, et puis, on pense aussi au Vagin de la Reine à Versailles d’Anish Kapoor, etc. On utilise de très beaux écrins pour imposer l'art contemporain au grand public.

NE : Oui, je viens justement d’apprendre que, dans le cadre d’un dialogue entre l’art contemporain et les monuments nationaux, l’exquise Tania Mouraaud, artiste-prof-académicienne des Beaux-Arts et figurant au top ten des stars de l’art étatique français, squattait la tour de la chaine à La Rochelle.

https://lagazettedenicole.art/quand-tania-mouraud-dialogue-avec-la-tour-de-la-chaine-a-la-rochelle/

C'est effectivement un aspect de l'art contemporain de squatter, de parasiter le patrimoine architectural, parce que ça lui permet de récupérer le public et de se parer d’une espèce de légitimité. C'est parfaitement scandaleux.

Je publie souvent une photo qui résume l'ensemble de la situation de l'art contemporain : on y voit le ministre de la Culture, le directeur du château de Versailles et François Pinault, qui posent, hilares, devant un grand homard en plastique de Koons, accroché au plafond dans le Grand Salon du Château de Versailles. Cette image atroce est l’illustration la plus exacte du tragique de notre époque en matière de culture.

MF : Leur rire est jouissance et foutage de gueule.

NE : Oui, ça résume bien la malédiction institutionnelle de l'art contemporain. Tout est là : l'artiste, l’écrin du patrimoine, les institutionnels, et la finance. Alors tout ça, effectivement, il faudrait s'en occuper. Il faudrait que des psychosociologues, des psychiatres ou je ne sais qui s'en occupent.

MF : Mais certains sont plus cyniques que fous, car, quand il s’agit d’acheter des œuvres pour leurs murs, ils choisissent de vraies œuvres d’art plutôt que des homards en plastique.

NE : Il faudrait que les universitaires chercheurs en sciences sociales, d’ultra-gauche pour la plupart, s’emparent de ce scandale qui devrait les alerter les premiers. J’essaie de les harceler pour qu’ils sortent de leur enfermement wokiste, et pour détecter ceux qui ont encore un peu de conscience et d'honnêteté intellectuelle… Mais en vain.

De la crétinerie performatoire

MF : En parlant de cette folie homard au plafond (comme il y a des araignées chez certains), cela me fait penser que nous n’avons pas beaucoup parlé des performers qui sont aussi remarquables dans le registre de la psychiatrie… Je pense notamment à celui qui se clouait les testicules sur la place Rouge à Moscou…

NE : Alors là, ce n’est même pas drôle. Il s’agit de l’activiste russe Piotr Pavlenski, celui qui a fusillé le candidat à la mairie de Paris, Benjamin Griveaux. Il est soutenu par l’historien et critique d’art Paul Ardenne, adepte de la permaculture et qui avait coorganisé à grand frais une exposition sur la motocyclette poétique dans un certain MAC de Provine.

https://lagazettedenicole.art/index.php/2023/06/30/encore-un-proces-du-crapoteux-en-art-contemporain/

Des écoles des Beaux-Arts publiques

MF : On n’a pas encore parlé des écoles des beaux-arts publiques comme instruments de décervelage ubuesque de notre jeunesse.

NE : Oui, c’est un sujet central, que je traite régulièrement, car c’est par ces dispositifs que se génère, se diffuse et se perpétue cette folie furieuse artcontemporainiste. Il y a des textes, des témoignages d’élèves, des rapports, mais là encore la misère est poussée sous le tapis du déni de réalité habituel.

MF : Heureusement qu’à côté de ces ahurissantes écoles d’endoctrinement à l’inepte, où l’on abime des jeunes gens qui avaient l’intuition de l’art, qui ressentaient la nécessité de s’exprimer, qui avaient envie d'apprendre des savoir-faire, des techniques, il existe des écoles dites d’art appliqué.

NE : Certes, mais je pense que la meilleure école est celle des autodidactes. Celle où l’artiste invente son geste, sa technique, en même temps que son propre langage, sa grammaire et son vocabulaire plastique. Il n’existe pas d’ENSP- (Écoles Nationales Supérieures de Poésie… Et c’est tant mieux pour la survie de l’humanité.

https://lagazettedenicole.art/lart-contemporain-va-t-il-disparaitre-suite-a-la-suppression-de-son-appareil-reproducteur/

MF : Finalement, l’art « contemporain » n’existe que par le discours qui enrobe sa vacuité, un discours qui n’a rien de poétique, mais destiné à convaincre, terroriser, affirmer un pouvoir et un ascendant sur celui qui regarde l’œuvre, et à empêcher celui-ci d’accéder à la mystérieuse vérité intérieure de l’œuvre qui n’a pas besoin d’être expliquée quand elle existe… Quand elle n’existe pas, comme dans le cas de l’art dit contemporain, alors l’abscondité langagière du pouvoir est de rigueur.

NE : L'art vrai, naturel, biologique, sans additifs idéologiques possède une dimension de sacré, de transcendance et de mystère. Ce n’est pas du pouvoir, c'est juste le contraire. L'art ne milite pas pour telle ou telle cause ou tel intérêt extérieur à lui.

Avant ce « temps de l’art contemporain », les seuls régimes qui attaquaient et instrumentalisaient l'art étaient les régimes totalitaires de type soviétique ou nazi. Aujourd’hui, cette part de l’art qui se dit contemporain, progressiste et démocratique, est en fait l’excrétion d’un des pires totalitarismes de la pensée qui n’ait jamais existé : celui né de la collusion entre la grande bureaucratie et la grande finance… Ce qui n’était le cas ni pour le soviétisme, ni pour le nazisme.

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Les artistes de notre gazette ne sont porteurs d’aucun message sociétal leur permettant d’être subventionnés et aimés des fonctionnaires de l’art qui détestent l’art et préfèrent un art sans art, vidé de tout contenu sensible.

Ils sont des artistes de la nécessité intérieure, de l’évidence immédiate, de la vérité mystérieuse, de l’inventivité, de la liberté, du plaisir partageable au-delà des barrières idéologiques.

Ils sont à l’opposé de cette nouvelle espèce invasive destructrice de l’écosystème naturel de l’art, : celle des plasticiens dont la vacuité consubstantielle permet le bourrage au conceptualo-bidulaire questionnant le genre, l’identité, le féminisme, le colonialisme, l’homophobie, le racisme, l’égalité des droits, etc. etc.

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