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Cristeros

Cristeros

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Propos recueillis par Maximilien Friche

Mauvaise Nouvelle : Le film que vous distribuez en ce moment dans les salles françaises s’intitule Cristeros. Il s’agit d’une grande fresque historique sur ces Catholiques mexicains entrés en résistance armée dans les années 20 au Mexique alors même que le pouvoir détruisait la liberté de culte. Il s’agit pour moi à la fois d’un film grand public et d’un film exigeant d’une qualité rare. On y trouve des éléments rappelant le western, d’autres le film de guerre. La mise en abîme de cette histoire vraie entre ceux qui l’écrivent avec leur plume dans les ballets diplomatiques et ceux qui l’écrivent avec leur sang produit quelques tremblements de conscience. Les acteurs incarnent leurs personnages au point de nous faire côtoyer les vrais Cristeros, au point de rendre possible et désirable le martyr pour nous-mêmes, à leur suite.

Est-ce cela un modèle de culture populaire, dont beaucoup appellent de leur vœux ? Peut-on divertir en proposant une aventure au cinéma tout en nourrissant les intelligences et les consciences de cet imaginaire ?

Sajeprod : Le cinéma épique c’est la nouvelle chanson de geste : il a pour objectif de rendre accessible des éléments culturels et de donner envie au public d’aller plus loin.

Pour remplir cet objectif, il faut trouver dans l’Histoire, les éléments qui vont toucher le public et permettre au spectateur d’être embarqué dans l’aventure : les ressorts héroïques, les exploits, les aventures, et les adapter sans dénaturer l’Histoire… C’est donc à la fois une introduction à l’Histoire et une matière à réflexion, un hymne à la liberté et un discours qui s’adresse directement au cœur de chaque spectateur. Les techniques du cinéma, par leur puissance, permettent de développer cet effet d’appropriation de l’Histoire : le spectateur s’identifie aux personnages et ressent leurs émotions.

À partir d’un divertissement, le cinéma peut ainsi proposer des exemples de belles figures, d’actions plus ou moins édifiantes, et conduire le spectateur à se poser des questions, à revenir et réfléchir ensuite sur les actes qui sont posés.

Alors que les autres médias sont dans « l’immédiateté », en nous inondant d’informations qu’on ne peut guère digérer, le cinéma, s’il est bien fait, est donc une forme idéale pour amener à la réflexion, tout en conservant son côté divertissant.

MN : Aujourd’hui on sait qu’un film est réalisé pour 50 ans a minima. Un film a plusieurs vies. On regarde encore des peplums comme Ben Uhr dans les familles aujourd’hui. Le film Cristeros aura également une longévité importante, c’est évident. Est-ce une caractéristique du cinéma populaire de qualité d’être fait pour durer ? Quels sont les ingrédients pour durer ?

Sajeprod : On ne sait si un film est devenu un film culte qu’après plusieurs années… Les éléments nécessaires pour faire un film culte sont au minimum les suivants : une grande qualité de scénario et de réalisation, un casting et une interprétation puissante, une fidélité à l’Histoire, la capacité à marquer très fortement le spectateur et à intéresser de façon intergénérationnelle, quelque chose qui le rend unique, etc.

Cristeros est un véritable chef d’œuvre et dispose de ses caractéristiques : il a donc effectivement le potentiel pour devenir un film culte. Pour qu’il le devienne vraiment, il faudrait aussi qu’un nombre significatif de personnes aille le voir en salles, car c’est un vrai spectacle de grand écran. Même s’il sera aussi agréable à regarder en DVD ou à la télévision, ce genre de fresque épique prend une autre dimension dans une salle de cinéma.

Cristeros est à la fois un western, engagé et populaire, historique, magnifique par ses paysages fascinants, ses chevaux et ses sombreros et la musique de James Horner (auquel on doit notamment celles de Titanic et Avatar) prend le spectateur aux tripes.

Outre la grandeur d’âme des personnages principaux, il raconte une histoire vraie, qui renvoie à la réalité des persécutions religieuses, et à travers elles, à la lutte pour la liberté, thème vraiment universel qui fait référence à de nombreuses situations à travers l’Histoire.

C’est donc un cocktail unique qui doit traverser les époques et devenir un film culte.

MN : On a souvent entendu certains faire le parallèle entre le début du film les Cristeros (où l’on voit les Catholiques protester par pétitions et manifestations aux lois antireligieuses) et les violences policières subies dans le cadre de La Manif Pour Tous. Ayant revu le film récemment au cinéma, il m’a semblé qu’un parallèle plus évident pouvait être fait entre les martyrs Cristeros et les martyrs chrétiens en Syrie actuellement. Et finalement, je me dis que Cristeros est un film qui établira des correspondances nouvelles avec son temps à chaque période où il sera vu pour tous les amoureux de la liberté. Ce film agirait-il comme une caisse de résonnance permanente de son temps, obligeant les consciences à se ressaisir, proposant à chacun de se mettre en mouvement ?

Sajeprod : L’Histoire de ce film est avant tout l’histoire d’un combat pour la liberté.

Il peut donc effectivement faire penser à beaucoup de situations passées ou présentes dans le monde. Mais c’est avant tout l’histoire de ces Cristeros qui ont tant donné pour défendre leur liberté religieuse, leur foi qui était au plus profond d’eux-mêmes depuis des générations et qu’ils ne voulaient pas se faire arracher.

Le film interpelle surtout le spectateur : « Et toi, que serais-tu prêt à faire pour défendre ta liberté ? ». Au-delà de la théorie, il met en scène plusieurs personnages qui chacun a sa réponse : le collaborateur actif avec les tyrans, le collaborateur passif, le résistant pacifique, le résistant armé qui distingue force et violence, le résistant violent, etc.

Le film nous plonge dans les sentiments qu’ont pu connaître les Cristeros et que connaissent ceux qui aujourd’hui connaissent le martyre et leurs familles : les chrétiens crucifiés en Syrie, enlevés au Nigéria, emprisonnés au Vietnam, et de nombreux autres…

MN : On a parlé de censure l’an passé au moment de La Manif Pour Tous, alors que le film était prêt à être diffusé et ne parvenait pas à l’être. Encore aujourd’hui, certains notent les difficultés à trouver ce film partout. Plutôt que d’évoquer la censure, qui suppose une action concertée et délibérée, j’ai tendance à déplorer un certain formatage du monde de la culture, de son économie. Un monde où l’on décrète abruptement ce qui peut marcher ou non en fonction des goûts des spectateurs que tous ont la prétention de pouvoir sonder en profondeur. Est-ce votre combat à SAJE que d’apporter la preuve que telle ou telle œuvre peut être accueillie par le public si l’on accepte de prendre des risques, de réinvestir certaines marges de liberté ?

Sajeprod : Il est important de rappeler qu’en France il est difficile d’exercer une véritable censure, et en particulier sur les œuvres d’art : le cinéma, comme toute entreprise commerciale, doit répondre au souci de rentabilité : un distributeur doit s’assurer qu’il fera suffisamment d’entrées pour récupérer ce qu’il aura investi dans la distribution. SAJE doit donc aussi se soumettre à cette équation économique.

Au-delà de cette contrainte, la volonté de SAJE est de diffuser en France des histoires vraies édifiantes avec des valeurs chrétiennes…

MN : À Mauvaise Nouvelle, on cherche à fuir la pensée militante pour redonner des marges d’existence à la pensée. De la même manière, il y a dans votre domaine une tentation d’une culture militante et/ou confessionnelle, parfois au mépris de la qualité de l’œuvre elle-même. Êtes-vous conscient de ce risque ? Et que faites-vous pour éviter l’étiquetage du type : « c’est bien parce que c’est catho » ?

Sajeprod : Oui, nous sommes bien conscients de ce risque. Nous ne pourrons pas diffuser de toute façon tous les films qui existent. À nous de faire les bons choix.

Notez toutefois que « catholique » signifie universel et que nombre de thèmes qui plaisent aux cathos sont des thèmes universels qui touchent tout le monde. Il y a donc des marges de manœuvre pour éviter les pièges et toucher un large public, même avec des sujets qui peuvent apparaître « cathos ». Et on a pu constater que Cristeros était un bon moyen d’aborder librement des questions de foi avec un public qui y est étranger.


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