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Pan

Pan

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 Il existe dans la littérature des personnages chargés d'un symbolisme si fort qu'il se retrouve approprié par l'inconscient collectif et continue d'inspirer longtemps après la disparition de son créateur. Peter Pan fait partie de cette catégorie.

 Création initiale de l'écrivain écossais J.M.Barrie, Peter Pan n'est à la base qu'un élément secondaire du roman Little White Bird paru en 1902.
 Sentant le potentiel de son personnage, Barrie le développera dans la pièce de théâtre éponyme de 1904, puis dans le roman Peter And Wendy en 1911 qui achèvera de rendre le personnage célèbre.
 La notoriété du personnage inspirera de nombreux créatifs qui adapteront Peter Pan sur tous les supports. D'abord cantonné au théâtre, le cinéma puis la télévision reprendront à leur compte l'univers créé par J.M.Barrie.
 Parmi les exemples les plus connus citons les deux films d'animations de Disney (1952/2002), Hook ou la Revanche du Capitaine Crochet (S.Spielberg, 1991), Peter Pan (P.J.Hogan, 2003), ou encore la série Once Upon A Time (ABC, 2011-). 

 Cependant, si la plupart des productions se contentent d'adapter l'œuvre de J.M. Barrie ou d'imaginer une hypothétique suite au récit, bien peu sont celles qui s'aventurent sur les pentes glissantes de la genèse du mythe.
 Régis Loisel, dans son cycle de BD (Peter Pan, 1990-2004) avait entamé une réflexion, sombre et pas vraiment féérique, sur les origines du héros.
 Mais le mouvement s'est grandement accéléré depuis le début des années 2010, probablement embarqué dans la tendance souvent détestable de créer des prequels à toutes les licences de la littérature populaire.
 Après la mini-série Neverland (Sky Movies, 2011) et la saison 3 de Once Upon A Time (ABC, 2013), c'est donc au tour du cinéma de proposer sa propre vision des origines de Peter Pan avec le sommairement nommé Pan.

 Le film, sorti le 21 octobre 2015, est réalisé par le britannique Joe Wright (Orgueil et Préjugés, Le Soliste, Anna Karénine).
 Au casting, nous retrouvons Levi Miller (Terra Nova) en Pan, Hugh Jackman (X-Men, Van Helsing, Australia, Chappie) en Barbe-Noire, Garrett Hedlund (Troie, Eragon, Invincible) en James Crochet, Rooney Mara (Urban Legend, The Social Network, Millemium) en Tiger Lily, ou encore Adeel Akhtar (The Dictator, Utopia) en Smee.
 Notons également la présence anecdotique d'Amanda Seyfried (Lolita Malgré Moi, Le Petit Chaperon Rouge, Les Misérables) en Mary Darling.

 Le récit nous présente donc Peter, orphelin abandonné par sa mère, qui rêve d'aventure et de liberté loin du monde des adultes en proie à la Seconde Guerre Mondiale.
 Une nuit, il est enlevé avec plusieurs de ses amis par les pirates de Barbe-Noire qui les conduisent au Pays Imaginaire. Là-bas, ils les forcent à travailler dans une mine afin d'en extraire l'énigmatique Pixel, la Poussière de Fées.
 Réussissant à s'échapper avec un aventurier du nom de James Crochet, Peter devra braver de nombreux dangers pour devenir le héros connu sous le nom de Peter Pan.

 Au final, ce prequel est-il réussi ? Est-il d'abord utile pour justifier son existence ?
 Le premier constat à tirer de cette production est que Joe Wright et Jason Fuchs, le scénariste, ont pris de grandes libertés avec le support d'origine.
 Le résultat proposé reprend les grandes lignes du récit, les principaux personnages, mais injecte une bonne dose de Steam Punk conférant à l'ensemble un petit côté déjanté et introduit quelques bonnes idées dans les costumes ou les décors.
 La narration reprend le schéma classique de la quête initiatique du héros et sa recherche constante de vérité et de justice. Ne manque que les thèmes propres à Pan, l'enfant qui ne voulait pas grandir, même si ceux-ci sont ébauché dans la situation initiale de l'intrigue.
 Il est cependant nécessaire de pointer deux lacunes dans la construction du récit : les zones de vide et les écarts de rythme.

 Joe Wright est un réalisateur à la filmographie clairement orientée vers les comédies romantico-dramatiques dans la veine d'Orgueil et Préjugés, Reviens-Moi ou Anna Karénine. Et cela se ressent dans la construction de Pan.
 Ce dernier se doit d'être une fresque d'aventure et d'évasion dans l'imaginaire débridé de l'enfance. Le spectateur doit plonger dans un monde où l'impossible devient réalité et ne trouve pas de limite.
 Malheureusement, pour quelques bonnes trouvailles (le voyage entre Londres et le Pays Imaginaire est un pur moment de grâce), le film se perd souvent dans des détours qui font perdre de l'intensité au récit.
 On ressent l'envie désespérée du réalisateur de placer vaille que vaille une romance teintée d'un semblant de drame. Le seul résultat est de faire tâche dans l'histoire.
 Car cet élément ne colle pas vraiment avec l'environnement du monde de Peter Pan. Il est par conséquent plus que capillotracté et se rapproche plus d'un Deus Ex Machina que d'un réel élément narrative au servir du récit.
 De ce fait, conjugué à d'autres éléments parasites, plusieurs écarts de rythme peuvent être observé. Des temps morts gênants, souvent inutiles, qui stoppent le film et dispersent l'attention du spectateur.

 Du point de vue technique, le film est très beau.
 Le soin apporté à sa conception se reflète dans chaque détail visuel présenté au spectateur.
 Les décors d'abord sont à la fois variés et grandioses. Depuis la mine des pirates, la forêt des Imagipiafs, le village des indiens ou encore la grotte des Fées, tous les environnements dont immersifs et parfaitement servis par une 3D maitrisée par l'équipe.
 Les effets sonores et visuels relèvent du même sentiment : grandioses et bien pensés. La sensation organique des animaux et des environnements donnent une réelle crédibilité au monde qui nous est proposé.
 Les effets de groupe sont également très bien rendus. Que ce soit avec les chants dans la mine ou les litanies au village des indiens, on sent la densité humaine se dégager de l'image et pas une simple duplication des voix comme sur d'autres productions récentes.
 Côté effets visuels, peu de critiques à formuler. Le directeur de la photographie fait correctement son travail en composant des ambiances cohérentes et au rendu agréables à l'œil. Peut-être un peu trop orangé sur les scènes de lever de soleil, mais rien de vraiment honteux.
 Les effets spéciaux assurent leur part de la magie du film en faisant voler les protagonistes et en créant les différentes créatures du Pays Imaginaire. Même le monde réel bénéficie de quelques séquences mémorables comme la poursuite du bateau pirate par les chasseurs de la RAF (le film se passe à Londres durant le Blitz), un moment à la fois déjanté et haute en action.

 Dernier point, attachons-nous au traitement accordé aux différents protagonistes.
 Si dans l'ensemble, un travail sérieux a été réalisé afin d'offrir de la profondeur, la construction des personnages se révèle quelque peu inégale.
 Levi Miller compose un personnage initialement dépassé par les événements, dont la seule motivation est de retrouver sa mère et de découvrir ses origines. Sa performance présente par conséquent quelques irrégularités par rapport au personnage de Pan. Ce ne sera que très tardivement que Peter prendra conscience de son destin et deviendra le héros Peter Pan.
 Hugh Jackman offre une interprétation légèrement hallucinée, à l'image des pirates dans le film, de Barbe-Noire. Sa performance offre l'image d'un joyeux psychopathe pouvant passer de la plaisanterie au meurtre en un clin d'œil à l'image d'un Heath Ledger dans The Dark Knight. Chef des pirates, Jackman est par conséquent le plus représentatif de la tendance Steam Punk déjantée que n'aurait pas renié Sophia Ford Coppola.
 Le style de Crochet peut laissé perplexe la plupart des spectateurs et déstabiliser les puristes de Peter Pan. Plus proche d'un aventurier solitaire de western, la tenue et le caractère du futur capitaine font plus penser à celui du Rover dans Australia, la fresque à l'eau de rose de Baz Luhrmann.
 Le recrutement de Rooney Mara en Tiger Lily avait soulevé de nombreuses controverses envers la production qui avait été accusée de vouloir blanchir le personnage. Au final, Lily (nom pas vraiment à consonance amérindienne, mais d'origine latine) est présentée comme un personnage de guerrière forte, mais parfois un peu trop éteint donnant envie de lui mettre des baffes. La performance de Rooney Mara est dans l'ensemble correcte et s'échappe de la vision de l'éternelle victime qui lui était trop souvent alloué.
 Nous ne reviendrons pas sur le cas d'Amanda Seyfried dont la seule utilité dans ce film est d'ajouter sur l'affiche un nom reconnaissable du public pré-pubère.
 En fait, le seule personnage vraiment problématique de ce film est celui de Smee, M.Mouche. Je me permet ici de faire une digression afin d'exprimer mes sentiments sur ce dernier.

 Le personnage m'a réellement mis mal à l'aise durant le visionnage.
 Adeel Akhtar est censé représenté une espèce de comptable ou gestionnaire superviseur dans la mine des pirates. A partir de cet élément, je ne sais si il existe une volonté de l'équipe du film ou si mon imagination s'est violemment mise en branle, mais à mon sens l'interprétation proposée fait une compilation de tous les clichés et stéréotypes les plus putassiers sur les juifs et les homosexuels. Non content de jouer un personnage de superviseur obnubilé par le rendement et la performance, Akhtar prend des poses et à une intonation de voix (j'ai vu le film en VOST) qui achèvent de semer le doute sur la construction de ce personnage.
 Le faciès de l'acteur n'aidant pas à se sortir ce rapprochement de la tête, cela peut expliquer la brusque disparition de ce dernier à la moitié du film.

 En conclusion, que penser du film Pan ?
 Il constitue un bon divertissement de fin d'année qui devrait plaire aux adultes et aux plus jeunes.
 La fin ouverte laisse présager une suite (voir plusieurs à en croire les déclarations de G.hedlund) où se développerait la haine entre Pan et Crochet comme le laisse présager la dernière réplique du film :

Pan: Crochet, on restera toujours amis ?
Crochet: Qu'est-ce qui pourrait mal tourné ?

 La seule crainte concernant cette suite serait que le réalisateur ne cède à ses habitudes filmiques et nous propose comme raison de l'inimitié des deux protagonistes principaux un triangle amoureux Pan-Lily-Crochet.


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