Ode au ressouvenir d’Empédocle
Littérature Mauvaise Nouvelle https://www.mauvaisenouvelle.fr 600 300 https://www.mauvaisenouvelle.fr/img/logo.pngOde au ressouvenir d’Empédocle
Ce labyrinthe est léger
et ses teintes profondes et douces
comme de pures pensées.
Le regard sait
la hauteur qui s'incline
où l'ombre aborde avec la mémoire des sables.
Nous savons cette antistrophe de limpidité
dont le heurt resplendit sur nos lèvres.
Terrestre voyageur, tu viens avec la pluie.
Ta force fut cette âme nommée,
cette heure très-ancienne sur le rivage.
Ou bien lorsque les déesses
parent de leurs tristes reflets les âmes mélodieuses,
tu te souviens des contrées blanches et fécondes…
Cette beauté te fut une halte
où flamboyait l'ivresse du jour qui s'achève,
cette beauté longeant la rive
des pins et des genévriers,
songeant comme une ondulation du vent
à la ténèbre apparue,
dans le bronze frappé,
au saphir moissonné par l'azur
lorsque les flammes de Perséphone
sont les fleurs d'une autre patrie…
Nous éveillerons ce silence
comme une torche,
nous raviverons la bataille.
Nous préciserons les périls
dans la nudité constellée des Cyclades,
sous l'attentive nuée,
dans l'accord des voiles qui se tendent,
nous nous éveillerons…
Hymnes et lyres de clartés !
Quelle victoire sera dite ?
Ce printemps, le vol dévoile le dédale de l'air.
Ce printemps, la victoire est le ciel.
L'essor fut un long ondoiement du Chœur.
Les astres sifflaient près de nos tempes
dans l'invisible et le désir donnait
à notre hardiesse le don de l'accalmie.
Que de tempêtes courbées, dociles,
assagies dans nos têtes !
S'il faut un Nom pour cette victoire,
nous la dirons élue pour l'Empire du monde !
Celui qui fut nommé s'éveilla
dans notre âme dormante,
son ombre sous le ciel d'Agrigente
de lumière nous inonda.
La sagesse à grande gorgée nous enivrait.
Et de toutes nos fautes nous renaquîmes,
de toutes nos fautes et de toutes nos espérances,
du vertige immense de nos cruautés
et de nos douceurs portant l'effigie tardive,
du vertige vermeil,
dont l'infini recueille le faste et le néfaste,
nous renaquîmes,
inexprimés et véridiques,
semblables aux hommes aventureux
sculptés par la fièvre et des grandeurs lointaines !
De quel souvenir de races odysséennes,
notre nostalgie s'emporta,
et de quel emportement
nous renaquîmes à la fierté d'être ?
Souvenir d'audaces aux ailes de métal azuré,
souvenir de promptitudes aimées…
Quel nom donnerai-je à vos crinières abstraites ?
Quelles ombres pusillanimes éloignerai-je du seuil sacré ?
De quelles épouvantes et de quelles hontes bues
trouverai-je la force experte qui,
dans le déclin même du soleil,
suivant du regard son parcours
descendant sur les contrées abandonnées,
élève encore comme un pressentiment d'ivresse
dans la vendange refusée,
les belles nervures des feuilles,
les entrelacs des abeilles d'or ?
Ai-je nommé l'essor ?
La parole me fut-elle arrachée à la lisière de la pensée ?
Qu'entendre dans nos entendements vides,
sinon l'infini et la totalité du monde ?
Se perdre et renaître, la terre danse !
Telle moins lourde qu'un phalène,
son or et sa rougeur de sables…
Telle, moins lourde que nos âmes, le cœur des roches !
Ce printemps en vérité fut lave et guirlandes de volcan,
aigle dédoublé au fronton d'un temple bleu !
Mais quelle tristesse nous menace ?
Je dis: le nom du dieu engendre son silence
et tout est sauvé.
Nous suffoquons
de la beauté reconnue sous les constellations rougeoyantes !
Que notre oubli même nous sauve,
fol espoir, et rien n'est perdu !
Qu'entendre dans nos entendements vides,
sinon la lente mélopée du roi
subjugué par son désir d'être ?
Rien n'est perdu, ce n'était qu'un ensorcellement noir,
un fétu d'obscurité que roulent les vagues de l'aurore !
Nous trouble
ce brin de la désinvolture amie
dans le soir où l'ivresse vert-bleu des regards
s'accorde avec la ténébreuse pupille du dieu
dont le nom attire les soleils, les raisins,
et les cieux entre nos paumes.
Telle est la limite, telle est notre conquête…
Le Temps n'est plus qu'une vague amie
dont le murmure accompagne
la Sapience consolatrice des fleurs.
Telle est la limite: notre prière est plus haute.
Nous scrutons sur la mer
les mille figures ingénues
que le sommeil de la nature laisse à sa surnaturelle lumière !
Car de cet entendement aux lames profondes
nous fûmes les Servants.
En témoignent nos houleuses Destinées !
L'enfance fut l'eau, le pain, la terre et la lumière
et l'infini situé dans les groseilles fraîches de rosée.
Par quel obscurcissement du langage
notre âme s'est-elle éloignée de ce Jour ?
Les métaphores existent:
elles ne sont point de notre pensée.
Elles vivent au-dehors, entre les mondes,
et le sensible s'en émerveille.
L'intelligible beauté est aujourd'hui
la recouvrance du langage,
et ce monde me parle comme à l'esprit
des secrètes valeurs de la prière !
Un sentiment d'être défaille dans une connaissance plus haute,
comme entre le zénith et le nadir
le sillage silencieux de l'instant,
sa poussière de pluie lumineuse…
Cette autre région nous saisissait
et dans son vide parfait se déploie
l'enchantement du monde !
Gloire non soumise, son nom s'irise dans le silence…
Ai-je nommé, ai-je oublié ?
L'évidence souveraine s'empare de l'horizon
que le bonheur
voile de ses champs de pluie.
Pâques amoureuses,
l'âme surgit comme un corps dans le petit matin.
Il va sous les nuées éloquentes,
s'en revient vers sa patrie,
toute capitulation s'est effacée de son empreinte !
L'invisible sceau interroge la proximité extrême,
à portée d'un visage en miroir d'eau,
à portée d'un nom dont la distance aimée est l'hôte,
et l'intuition s'avive dans la saveur de l'air.
Dans l'assomption marine ,
cette farouche et calme
dont le début du monde éclabousse notre bonheur d'être.
Rien n'est perdu.
Il suffit de s'attarder comme un dieu
dans l'heure du matin…