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Ode au ressouvenir d’Empédocle

Ode au ressouvenir d’Empédocle

Par  

Ce labyrinthe est léger

et ses teintes profondes et douces

comme de pures pensées.

Le regard sait

la hauteur qui s'incline

où l'ombre aborde avec la mémoire des sables.

Nous savons cette antistrophe de limpidité

dont le heurt resplendit sur nos lèvres.

 

Terrestre voyageur, tu viens avec la pluie.

Ta force fut cette âme nommée,

cette heure très-ancienne sur le rivage.

Ou bien lorsque les déesses

parent de leurs tristes reflets les âmes mélodieuses,

tu te souviens des contrées blanches et fécondes…

 

Cette beauté te fut une halte

où flamboyait l'ivresse du jour qui s'achève,

cette beauté longeant la rive

des pins et des genévriers,

songeant comme une ondulation du vent

à la ténèbre apparue,

dans le bronze frappé,

au saphir moissonné par l'azur

lorsque les flammes de Perséphone

sont les fleurs d'une autre patrie…

 

Nous éveillerons ce silence

comme une torche,

nous raviverons la bataille.

Nous préciserons les périls

dans la nudité constellée des Cyclades,

sous l'attentive nuée,

dans l'accord des voiles qui se tendent,

nous nous éveillerons…

 

Hymnes et lyres de clartés !

Quelle victoire sera dite ?

Ce printemps, le vol dévoile le dédale de l'air.

 Ce printemps, la victoire est le ciel.

L'essor fut un long ondoiement du Chœur. 

Les astres sifflaient près de nos tempes

dans l'invisible et le désir donnait

à notre hardiesse le don de l'accalmie.

Que de tempêtes courbées, dociles,

assagies dans nos têtes !

S'il faut un Nom pour cette victoire,

nous la dirons élue pour l'Empire du monde !

 

Celui qui fut nommé s'éveilla

dans notre âme dormante,

son ombre sous le ciel d'Agrigente

de lumière nous inonda.

La sagesse à grande gorgée nous enivrait.

Et de toutes nos fautes nous renaquîmes,

de toutes nos fautes et de toutes nos espérances,

du vertige immense de nos cruautés

et de nos douceurs portant l'effigie tardive,

du vertige vermeil,

dont l'infini recueille le faste et le néfaste,

nous renaquîmes,

inexprimés et véridiques,

semblables aux hommes aventureux

sculptés par la fièvre et des grandeurs lointaines ! 

De quel souvenir de races odysséennes,

notre nostalgie s'emporta,

et de quel emportement

nous renaquîmes à la fierté d'être ?

Souvenir d'audaces aux ailes de métal azuré,

souvenir de promptitudes aimées…

Quel nom donnerai-je à vos crinières abstraites ?

Quelles ombres pusillanimes éloignerai-je du seuil sacré ?

De quelles épouvantes et de quelles hontes bues

trouverai-je la force experte qui,

dans le déclin même du soleil,

suivant du regard son parcours

descendant sur les contrées abandonnées,

élève encore comme un pressentiment d'ivresse

dans la vendange refusée,

         les belles nervures des feuilles,

         les entrelacs des abeilles d'or ?

 

Ai-je nommé l'essor ?

La parole me fut-elle arrachée à la lisière de la pensée ?

Qu'entendre dans nos entendements vides,

sinon l'infini et la totalité du monde ?

Se perdre et renaître, la terre danse !

 

Telle moins lourde qu'un phalène,

son or et sa rougeur de sables…

Telle, moins lourde que nos âmes, le cœur des roches ! 

Ce printemps en vérité fut lave et guirlandes de volcan,

aigle dédoublé au fronton d'un temple bleu !

 

Mais quelle tristesse nous menace ?

Je dis: le nom du dieu engendre son silence

et tout est sauvé.

Nous suffoquons

de la beauté reconnue sous les constellations rougeoyantes !

Que notre oubli même nous sauve,

fol espoir, et rien n'est perdu !

Qu'entendre dans nos entendements vides,

 sinon la lente mélopée du roi

subjugué par son désir d'être ?

Rien n'est perdu, ce n'était qu'un ensorcellement noir,

un fétu d'obscurité que roulent les vagues de l'aurore ! 

Nous trouble

ce brin de la désinvolture amie

dans le soir où l'ivresse vert-bleu des regards

s'accorde avec la ténébreuse pupille du dieu

 dont le nom attire les soleils, les raisins,

et les cieux entre nos paumes.

Telle est la limite, telle est notre conquête…

Le Temps n'est plus qu'une vague amie

dont le murmure accompagne

la Sapience consolatrice des fleurs.

Telle est la limite: notre prière est plus haute.

 

Nous scrutons sur la mer

les mille figures ingénues

que le sommeil de la nature laisse à sa surnaturelle lumière !                                                          

Car de cet entendement aux lames profondes

nous fûmes les Servants.

En témoignent nos houleuses Destinées !

L'enfance fut l'eau, le pain, la terre et la lumière

et l'infini situé dans les groseilles fraîches de rosée.

Par quel obscurcissement du langage

notre âme s'est-elle éloignée de ce Jour ?

Les métaphores existent:

elles ne sont point de notre pensée.

Elles vivent au-dehors, entre les mondes,

et le sensible s'en émerveille.

 

L'intelligible beauté est aujourd'hui

la recouvrance du langage,

et ce monde me parle comme à l'esprit

 des secrètes valeurs de la prière !

Un sentiment d'être défaille dans une connaissance plus haute,

comme entre le zénith et le nadir

le sillage silencieux de l'instant,

sa poussière de pluie lumineuse… 

Cette autre région nous saisissait

et dans son vide parfait se déploie

l'enchantement du monde !

Gloire non soumise, son nom s'irise dans le silence…

Ai-je nommé, ai-je oublié ?

L'évidence souveraine s'empare de l'horizon

que le bonheur

voile de ses champs de pluie.

Pâques amoureuses,

l'âme surgit comme un corps dans le petit matin.

Il va sous les nuées éloquentes,

s'en revient vers sa patrie,

toute capitulation s'est effacée de son empreinte !

 

L'invisible sceau interroge la proximité extrême,

à portée d'un visage en miroir d'eau,

à portée d'un nom dont la distance aimée est l'hôte,

et l'intuition s'avive dans la saveur de l'air.

Dans l'assomption marine ,

cette farouche et calme

dont le début du monde éclabousse notre bonheur d'être.

 

Rien n'est perdu.

Il suffit de s'attarder comme un dieu

dans l'heure du matin…


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