L'Affranchi de Cyril Bennasar : Le brûlot qui embrase les tabous
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L'Affranchi de Cyril Bennasar : Le brûlot qui embrase les tabous
C'est peu de dire que L'Affranchi de Cyril Bennasar respecte les codes de la bien-pensance. Il les pulvérise à coups de marteau. Préfacé par Renaud Camus, ce qui constitue en soi un événement, tant ses préfaces sont rares, ce roman assume dès les premières pages son rôle d'objet littéraire non identifié, conçu pour provoquer l’Occupateur et ses miliciens médiatiques. Ce n'est pas un livre pour les salons parisiens ou les comités de lecture anxiogènes ; c'est une claque, un cri de rage, et une descente volontairement crue dans les entrailles d'une France qui n'ose plus se regarder en face.
Un roman ou un pamphlet ? La question est volontairement brouillée. L'histoire de Pierre Schwab, menuisier au caractère bien trempé, sert de fil conducteur à une série de tableaux violents, sexuels et politiquement engagés. Les nombreuses scènes de sexe explicites, ne sont pas de la simple provocation gratuite. Elles dessinent un rapport au corps, à la domination et à la virilité qui s'oppose frontalement à l'idéologie contemporaine du genre et de la pudeur moralisatrice. C'est un monde où les désirs sont assumés, où le "vrai mâle" existe encore, loin des conceptions aseptisées de la masculinité.
La puissance du livre réside dans son refus absolu de la langue de bois. Bennasar utilise "les vrais mots" pour décrire ce qu'il perçoit comme le Grand Remplacement à l’œuvre. La scène de violence où le protagoniste, Pierre, passe à tabac un individu qui bloque la circulation est emblématique. Présentée comme une libération, une justice expéditive rendue au nom de tous les "Français silencieux", elle est évidemment insoutenable pour la morale dominante. Mais c'est précisément cette insoutenabilité que cherche l'auteur. Il ne s'agit pas de plaider la modération, mais de donner une voix littéraire à la colère et à la frustration de ceux qui se sentent étrangers dans leur propre pays.
Le style est sans fioriture et colle donc parfaitement à l'urgence du propos. Les longues tirades, les réflexions du narrateur sur l'islam, l'immigration, la lâcheté des élus et la complicité d'une gauche aveugle prennent le pas sur l'intrigue romanesque. On est ici bien plus proche du pamphlet de Céline ou de Michel Houellebecq dans sa radicalité, que du roman social classique. Les références à Renaud Camus ancrent le livre dans un paysage idéologique très précis, celui de la dissidence radicale.
Le livre défend une thèse simple : le Français "de souche" n'est pas raciste, il est naïf et trop humaniste. Nourri aux valeurs chrétiennes d'amour et de fraternité, il est incapable de comprendre la violence du monde et la détermination de ceux qui viennent, selon le roman, coloniser son territoire et imposer leur loi. Les passages sur la préfecture, où le narrateur observe les futurs Français afficher un mépris ostensible pour la culture locale, sont d'une brutalité glaçante. La question n'est plus "comment intégrer ?", mais "pourquoi accueillir ceux qui nous haïssent, plutôt que ceux qui nous aiment ?", en référence aux chrétiens d'Orient ou aux Kabyles.
L'Affranchi est un livre dangereux. Il ne peut pas, et ne veut pas, se mettre entre toutes les mains. Il sera considéré comme toxique, islamophobe, violent et réactionnaire par les gardiens du temple politiquement correct. Et il l'est, assurément. Mais pour ceux qui estiment que la liberté d'expression doit aussi s'appliquer aux idées les plus sombres, pour ceux qui cherchent une littérature qui ne détourne pas le regard du conflit civilisationnel qu'elle proclame, ce roman offre une lecture vibrante et dérangeante.
L'Affranchi est un document essentiel et courageux pour comprendre l'état d'esprit d'une frange de la France contemporaine. C'est un livre de combat, un exutoire pour la rage contenue et un cri d'alarme poussé sans retenue. Qu'on l'aime ou qu'on le déteste, il ne laisse pas indemne. Et dans un paysage éditorial aseptisé, cela a une valeur inestimable.
L’Affranchi, Cyril Bennasar (préf. Renaud Camus), Périphérique, 2025



